Quelques mois après avoir lancé une commission d'enquête censée explorer d'hypothétiques connivences entre La France insoumise (LFI) et des groupes islamistes, Les Républicains se retrouvent face à un témoin qui dynamite l'argumentaire initial. Le 29 octobre, Hugues Bricq, directeur du renseignement de la Préfecture de police de Paris, a été auditionné sans écho médiatique. Son intervention, très attendue par les instigateurs de la commission, a pris un tour inattendu. Dès les premières questions, le décalage entre la grille de lecture politique des parlementaires et la réalité observée par les services apparaît. À une interrogation du député RN Jérôme Buisson sur de possibles liens entre «groupuscules d'extrême gauche» et mouvances islamistes, le responsable du renseignement parisien répond sans détour : «Non, très peu». Il précise que l'ultragauche tente parfois de capter de jeunes habitants des quartiers populaires, sans succès notable. Plus encore, il souligne l'absence totale de cette mouvance lors des émeutes urbaines récentes comme dans les phénomènes liés au radicalisme islamiste. Autrement dit, aucune dynamique de porosité n'a été identifiée. Le seul rapprochement observé par les services va, selon lui, dans une direction que les promoteurs de la commission n'avaient pas anticipée : une frange de l'ultradroite négationniste entretiendrait des affinités idéologiques, par antisémitisme, avec certains islamistes ou prédicateurs basés à l'étranger. Une convergence paradoxale, mais documentée. Cette ligne analytique heurte de front les affirmations présentées quelques jours plus tôt dans la même commission. Le rapporteur, Matthieu Bloch (Droite républicaine), évoque des auditions où certains auteurs et essayistes ont décrit «des liens étroits, extrêmement dangereux» entre organisations islamistes et formations politiques françaises de gauche. Des liens supposément révélés lors des manifestations pro-Palestine, où des élus apparaissent aux côtés d'associations jugées ambiguës. Hugues Bricq maintient pourtant sa position. Les services de renseignement, explique-t-il, surveillent des individus et groupes radicalisés, non la vie politique. Et cette surveillance, parfois intrusive, ne met au jour aucune collusion entre responsables politiques de gauche et acteurs terroristes : «Il n'existe pas de liens documentés entre les objectifs que nous suivons et des élus ou des partis.» Sans commenter directement les publications de certains essayistes cités par les députés, il glisse que ces auteurs «se placent eux-mêmes dans une sphère politique», suggérant une lecture militante plus que factuelle. Une manière de rappeler la frontière entre recherche de renseignements et construction idéologique.