Trente ans après le Processus de Barcelone, l'Union européenne dévoile un Nouveau Pacte pour la Méditerranée, censé redéfinir en profondeur les bases de la coopération entre les deux rives. À mi-chemin entre relance politique et volonté de rééquilibrage, cette initiative engage un nouveau cycle d'intégration régionale, dont le Maroc entend bien être un acteur central. Trente ans après le lancement du Processus de Barcelone, la coopération euro-méditerranéenne franchit une nouvelle étape avec l'adoption, à Barcelone, du Nouveau Pacte pour la Méditerranée. Présenté par la vice-présidente de la Commission européenne, Kaja Kallas, lors du 10e Forum régional de l'Union pour la Méditerranée, ce pacte se veut une refondation en profondeur du partenariat entre l'Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, dans un contexte géopolitique et climatique de plus en plus complexe. Le Pacte entend répondre aux attentes accumulées depuis plusieurs années et se donne pour objectif d'instaurer un cadre plus équitable, plus lisible et plus ancré dans les réalités régionales. Concrètement, il vise à replacer les citoyens au cœur de la coopération en s'appuyant sur des projets couvrant des domaines aussi variés que les infrastructures, l'interconnexion énergétique, la connectivité numérique, la formation, l'innovation, la mobilité ou encore la gestion des migrations. La création d'une Université méditerranéenne figure parmi les projets phares, tout comme le renforcement des corridors énergétiques verts, le soutien aux PME, ou la sécurisation des routes maritimes. Dans ce nouvel élan, la dimension humaine occupe une place centrale. Le Pacte promet notamment de renforcer les programmes de mobilité, d'emploi et de formation pour les jeunes générations, dans une région où l'exclusion économique des jeunes demeure une préoccupation majeure. Il intègre également une composante sécuritaire plus affirmée, avec une coopération accrue sur la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et les réseaux de traite, tout en mettant en avant la résilience face aux crises migratoires et climatiques. Présenté comme un changement de paradigme par les institutions européennes, ce Pacte repose sur une logique de co-construction, de co-décision et de responsabilité partagée. L'Union européenne entend ainsi s'éloigner des approches jugées verticales, pour s'inscrire dans une coopération plus horizontale, plus pragmatique et surtout plus efficace. Le Maroc, un partenaire de choix au carrefour des ambitions euro‐méditerranéennes Le Maroc, acteur de premier plan dans ce processus, a salué cette initiative comme une «étape charnière», selon les mots de son ambassadrice à Madrid, Karima Benyaich. Le Royaume, engagé depuis plusieurs années dans des réformes de fond, dans des chantiers de transition énergétique, d'innovation et de régionalisation, voit dans ce nouveau Pacte une opportunité stratégique de renforcer son rôle de hub euro-africain. Rabat plaide d'ailleurs pour que le Pacte intègre pleinement la dimension atlantique, dans le but de mieux relier les espaces africain, méditerranéen et européen, une orientation déjà visible dans des projets comme le Gazoduc Atlantique ou la coopération portuaire autour de Tanger Med. Mais au-delà de l'élan diplomatique, plusieurs zones d'ombre subsistent. Le Pacte, pour l'heure, demeure un cadre général, dont les contours opérationnels restent à définir. Aucun calendrier précis ni enveloppe budgétaire détaillée n'a été annoncé. La Commission européenne a promis que les investissements seraient clarifiés dans le cadre du prochain budget pluriannuel, mais la méfiance demeure, nourrie par les précédents engagements restés sans suite. Cette prudence est d'autant plus justifiée que les expériences passées de coopération euro-méditerranéenne ont souvent pâti d'un manque de lisibilité, d'une lourdeur bureaucratique ou d'un déséquilibre structurel dans la relation entre les deux rives. Le Pacte entend rompre avec cet héritage, mais il devra pour cela surmonter d'importants défis. Du côté marocain, cela impliquera une capacité institutionnelle solide, une coordination interministérielle efficace, une transparence renforcée dans la gestion des projets, ainsi qu'une articulation intelligente avec les politiques publiques nationales. Par ailleurs, le succès de ce Pacte dépendra aussi de sa réception par les sociétés civiles, les jeunes, les entrepreneurs, les chercheurs, les collectivités locales. Autrement dit, il ne pourra fonctionner que s'il parvient à dépasser le niveau technocratique pour s'ancrer dans le quotidien des citoyens. Au final, ce Nouveau Pacte pour la Méditerranée s'affirme comme la tentative la plus ambitieuse depuis trois décennies pour repenser la coopération entre l'Europe et le Sud de la Méditerranée. Il intervient dans une phase de redéploiement stratégique de l'UE, soucieuse de renforcer ses partenariats dans une région fragilisée par les crises sécuritaires, climatiques et économiques. Pour le Maroc, l'occasion est unique, mais non garantie. C'est dans l'exécution, la gouvernance et l'alignement des intérêts que se jouera l'avenir du Pacte, et avec lui celui d'une Méditerranée plus intégrée, plus solidaire et plus résiliente. Sami Nemli / Les Inspirations ECO