Portée par le blé tendre et le maïs, la dynamique des importations céréalières demeure soutenue. Loin d'un épisode conjoncturel, ce régime d'achats extérieurs met en évidence une dépendance accrue aux marchés internationaux. À entendre l'engouement populaire qui accompagne chaque épisode pluvieux, quelques bonnes averses suffiraient presque à clore la parenthèse des années de sécheresse. En réalité, c'est tout un système productif qui s'est structuré autour d'un recours massif aux céréales étrangères, au point de faire de l'importation l'axe central de la sécurité d'approvisionnement. À en croire les données du FNCL, les importations de céréales à fin novembre atteignent près de 9,7 millions de tonnes, en légère hausse d'environ 3% par rapport à la même période de 2024, tandis que les produits dérivés progressent d'environ 8% pour avoisiner 2,3 millions de tonnes. Au total, près de 12 millions de tonnes de céréales et dérivés ont transité par les ports du Royaume, soit une appréciation de l'ordre de 4% par rapport à il y a un an. Si cette évolution ne traduit pas une accélération particulière des achats, elle confirme qu'au regard des rendements actuels, l'équilibre du marché dépend encore largement des importations, dans un contexte où les récoltes demeurent insuffisantes pour couvrir la demande. Montée en volume Dans le détail, le blé tendre continue de dominer la structure des approvisionnements. Sur les onze premiers mois de l'année, les importations de céréales approchent 5 millions de tonnes, en hausse d'environ 8% par rapport à la même période de la campagne précédente. Le blé tendre y conserve sa position de pivot avec près de 2,4 millions de tonnes, tandis que le blé dur franchit le cap de 570.000 tonnes, soit une progression d'environ un tiers en un an. Le maïs gagne également du terrain et atteint près de 1,7 million de tonnes, ce qui confirme la place centrale des intrants destinés aux filières animales dans la demande globale. L'orge, en revanche, se replie autour de 220.000 tonnes et voit ses volumes presque divisés par deux, signe d'un recours plus mesuré à cette céréale et d'un recentrage sur les grains à plus forte valeur d'usage pour l'industrie et l'élevage structurés. Cette montée en volume s'appuie sur un dispositif logistique désormais bien rodé. Casablanca concentre près des deux tiers des arrivages sur la campagne en cours, affirmant son rôle de premier centre de distribution vers les industries de transformation et les principaux bassins de consommation. Jorf Lasfar suit en deuxième position, autour de 20% des volumes, porté par des capacités de déchargement et de stockage adaptées aux vracs destinés aux filières animales. Agadir, Safi et Nador jouent un rôle plus ciblé, selon les besoins régionaux et la nature des céréales réceptionnées. Sécuriser l'approvisionnement Cette organisation traduit une réalité simple. La performance du marché céréalier repose autant sur la fluidité de ses ports que sur la disponibilité du grain à l'international. La continuité des flux devient ainsi un élément essentiel de la sécurité d'approvisionnement, surtout dans les périodes où la production locale reste insuffisante. L'origine des cargaisons reflète les arbitrages réguliers en fonction des conditions du marché mondial. La France reste le point d'appui principal pour le blé tendre, complétée par l'Europe du Nord et l'Amérique du Nord selon les écarts de prix et de qualité. Pour le maïs, l'essentiel des volumes provient d'Amérique du Sud, avec un rôle désormais bien installé du Brésil et de l'Argentine. Cette répartition géographique entend limiter la dépendance à un seul bassin exportateur et à garder une marge de manœuvre en cas de choc climatique ou géopolitique. Evolution contrastée Les produits dérivés connaissent, eux, une évolution plus contrastée sur la même période. Les tourteaux de soja progressent légèrement, soutenus par la demande des filières animales, tandis que les tourteaux de colza connaissent une hausse marquée, signe d'un ajustement nutritionnel guidé par les prix et la disponibilité. La pulpe de betterave retrouve également de l'élan, portée par des arbitrages coûts-protéines favorables. Les besoins des filières industrielles et animales sont couverts par un recours régulier au marché international, avec des ajustements au fil des campagnes en fonction des prix et des conditions climatiques. Cela tient aussi à la capacité du pays à organiser ses approvisionnements et à optimiser ses stocks pour mieux contenir l'impact de la volatilité mondiale sur les maillons les plus exposés de la chaîne. Car, au-delà des variations mensuelles, la sécurité céréalière du pays repose aujourd'hui sur un dispositif d'importation qui compense des rendements locaux encore insuffisants. Tout l'enjeu est désormais de savoir dans quelle mesure les choix agronomiques, logistiques et industriels à venir permettront de réduire cette dépendance sans fragiliser l'approvisionnement. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO