La Chambre des conseillers a approuvé l'intégration de la CNOPS dans le giron de la CNSS, amorçant ainsi une transformation majeure du paysage de la protection sociale au Maroc. Ce projet de loi, adopté à une large majorité, vise à mettre fin à la dualité institutionnelle entre public et privé, en instaurant une gestion unifiée de l'assurance maladie obligatoire. C'est une décision aux répercussions profondes qui vient d'être validée par la Chambre des conseillers. Par 39 voix pour et 7 contre, sans abstention, le projet de loi scellant l'intégration de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) au sein de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a été adopté mardi 2 décembre 2025. Ce choix qui implique non seulement un changement institutionnel, mais symbolise également la volonté d'unifier l'assurance maladie obligatoire (AMO) sous un guichet unique pour le secteur public, le secteur privé, les étudiants, les personnes vulnérables, en plus d'assurer une équité concrète dans l'accès aux soins pour tous les Marocains, quel que soit leur statut professionnel. Jusqu'à aujourd'hui, le système social national reposait sur une dualité structurelle. D'une part, la CNOPS prenait en charge l'AMO des fonctionnaires, agents de l'Etat ou étudiants, et d'autre part, la CNSS gérait celle des salariés du privé, des travailleurs indépendants, des non‐salariés ou des retraités du secteur privé. Ce cloisonnement, hérité de l'architecture historique de la sécurité sociale, engendrait des différences notables en termes de gestion, d'interlocuteurs, de modalités administratives, mais aussi parfois d'efficacité, de ressources ou de pérennité financière. Face à ces disparités, la réforme vise à bâtir un système plus juste, plus transparent, plus solide. La CNSS devient désormais l'unique organisme de gestion de l'AMO. Toutes les questions liées à l'assurance maladie (pour le secteur public comme pour le privé, pour les assurés et leurs ayants droit) relèveront de son conseil d'administration. Le vote des Conseillers, mais encore ? Mais au-delà des structures, ce passage est surtout un changement de paradigme. Il s'agit de conjuguer l'unification institutionnelle à la promesse d'une solidarité réelle, d'une égalité de traitement, d'une simplification des démarches pour des millions de personnes. Fonctionnaires, enseignants, employés du privé, étudiants, retraités ou indépendants, chacun pourra désormais bénéficier du même cadre, des mêmes droits et de la même lisibilité administrative. La loi adoptée garantit le maintien des droits acquis pour les anciens affiliés de la CNOPS. Les conventions signées avec les mutuelles sont reprises par la CNSS, tandis que les affiliations, remboursements et dossiers en cours sont protégés, assurant une transition en douceur sans rupture de service. Sur le plan juridique, l'adoption du texte par les conseillers n'est pas l'ultime étape. Le projet de loi devra maintenant passer en deuxième lecture à la Chambre des représentants, conformément à la procédure législative. Ce second vote, généralement de forme lorsqu'il s'agit d'un texte amendé, précédera la promulgation officielle par le Conseil de gouvernement et sa publication au Bulletin officiel. Ce n'est qu'après ces étapes que les décrets d'application pourront être publiés, précisant notamment le calendrier du transfert, la durée de maintien des conventions CNOPS-mutuelles, ou encore les modalités d'intégration du personnel. En parallèle, cette réforme s'accompagnera d'un transfert progressif des moyens, des actifs et des passifs de la CNOPS à la CNSS : les biens mobiliers et immobiliers, les comptes bancaires, les archives administratives, les contrats en cours. Le personnel de la CNOPS (permanents, stagiaires ou contractuels) sera intégré à la CNSS, avec maintien de leur statut, ancienneté et droits. Certes, des inquiétudes ont été exprimées — notamment de la part de syndicats, de mutuelles ou de corps professionnels craignant une détérioration des acquis ou une perte d'autonomie. Mais les autorités ont tenu à rassurer sur le fait que le changement concerne uniquement la gouvernance et l'organisation. Les taux de cotisation, les prestations, le panier de soins et les conditions de remboursement resteront inchangés pour chaque catégorie. Chiffres clés de la CNOPS avant fusion Un simple coup d'œil aux chiffres permet de saisir l'ampleur du chantier et la nécessité d'une telle réforme. La CNOPS, avant sa fusion, gérait un volume considérable de bénéficiaires et de dépenses, tout en accumulant un déficit structurel croissant. En effet, à la veille de son intégration à la CNSS, la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale couvrait plus de 3 millions de bénéficiaires issus du secteur public, y compris les étudiants, les retraités et leurs ayants droit. Elle comptait environ 1,3 million d'assurés directs, avec des dépenses de soins dépassant 5 milliards de dirhams par an. Le taux de remboursement moyen avoisinait 80 %, avec une part importante des soins réalisés dans le secteur privé (environ 60 %). Malgré cela, la CNOPS affichait un déficit structurel estimé à 500 millions de dirhams en 2024, et faisait face à des délais de remboursement souvent critiqués. Ce contexte justifie pleinement l'intégration à la CNSS, qui vise à mutualiser les risques, rationaliser la gestion et renforcer l'équité du système de santé pour tous les assurés.