Le Maroc entame la construction de la nouvelle colonne vertébrale de son réseau gazier en publiant un avis international de préqualification pour la construction de nouveaux gazoducs reliant Nador West Med au Gazoduc Maghreb-Europe, puis ce dernier aux zones industrielles de Kénitra et Mohammedia. Une infrastructure structurante qui doit sécuriser l'approvisionnement en gaz, accompagner la montée en puissance des filières industrielles et renforcer l'intégration du Royaume dans les réseaux énergétiques internationaux. Le Maroc ouvre officiellement la voie à un projet d'infrastructures décisif pour son avenir énergétique. Le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable vient en effet de publier un avis international de préqualification pour le développement de nouveaux gazoducs ayant pour but de relier les installations portuaires de Nador West Med (NWM) au Gazoduc Maghreb-Europe (GME), puis de connecter ce même axe aux zones industrielles de Kénitra et Mohammedia. Autant dire que le Maroc construit là un maillon essentiel dans son architecture énergétique, conçu pour sécuriser son approvisionnement en gaz, soutenir sa compétitivité industrielle et accompagner la mise en œuvre de la stratégie gazière nationale. L'avis, rendu public par le ministère, précise que les futurs gazoducs couvriront deux segments. D'une part, NWM et le GME, permettant l'interconnexion des infrastructures portuaires au réseau gazier national. D'autre part, GME et les zones industrielles de Kénitra et Mohammedia, visant à alimenter ces pôles industriels en pleine expansion. Un double corridor énergétique qui inscrit ainsi le Maroc dans une dynamique d'anticipation prenant en compte, d'un côté, le développement du GNL à Nador West Med et, de l'autre, la montée en puissance d'écosystèmes industriels demandeurs d'une énergie compétitive et plus propre. Test de confiance pour les grands opérateurs mondiaux Pour structurer ce projet d'envergure, le ministère a opté pour un appel à concurrence international en deux étapes, conformément au cadre régissant les Partenariats public-privé (PPP), notamment la loi 86-12 et le décret 2-15-45. Un choix qui démontre la volonté de mobiliser des opérateurs capables de répondre aux standards d'excellence technique, financière et opérationnelle nécessaires à ces infrastructures stratégiques. Dans cette première phase, l'objectif du ministère est d'identifier les candidats ayant la solidité financière, l'expérience internationale et les capacités technologiques pour mener à bien un projet couvrant l'ingénierie, la construction, le financement et l'exploitation de gazoducs sur plusieurs dizaines de kilomètres. L'avis précise que le processus se déroulera selon un calendrier strict et transparent. Il s'inscrit dans une logique d'attractivité et d'ouverture, destinée à susciter l'intérêt d'acteurs mondiaux du transport gazier, de l'ingénierie énergétique et des infrastructures portuaires. Ce type de montage, reposant sur des PPP, est aujourd'hui l'une des voies privilégiées par le Maroc pour accélérer la réalisation de projets structurants tout en mobilisant l'expertise et le capital du secteur privé. C'est en cela que la préqualification apparaît comme un premier filtre essentiel avant la sélection des candidats admis à participer à la seconde phase, où se jouera l'allocation du marché. Quels enjeux ? Les nouvelles connexions projetées entre Nador West Med, le Gazoduc Maghreb-Europe et les zones industrielles de Kénitra et Mohammedia supposent un changement profond dans l'architecture énergétique du Royaume. Ce n'est plus une simple extension du réseau, mais la mise en place d'un véritable système national interconnecté où le GME devient la colonne vertébrale du transport gazier. Alors que le gaz arrivait auparavant par une seule voie via la péninsule Ibérique, en sens inverse du flux historique, la création d'un second point d'entrée à Nador vient sécuriser l'approvisionnement et offrir au pays une flexibilité nouvelle. En reliant un port énergétique stratégique comme Nador West Med à un gazoduc transfrontalier déjà opérationnel, le Maroc consolide sa capacité à importer du gaz de différentes origines et à réduire sa dépendance à une unique source ou infrastructure. Cette duplication constitue un filet de sécurité essentiel au moment où le pays est engagé dans une politique d'industrialisation rapide et doit garantir la continuité énergétique de ses grands sites de production. L'enjeu est d'autant plus important que le GME a changé de nature depuis 2021. Longtemps perçu comme un outil géopolitique servant à acheminer le gaz algérien vers l'Europe, il est devenu, par un retournement stratégique, un instrument d'importation de gaz régazéifié depuis l'Espagne et le Portugal. Le Maroc a transformé une contrainte en opportunité, faisant du GME une artère vitale dans sa stratégie gazière. Se connecter à cette infrastructure revient à se connecter au marché européen du gaz, à ses capacités de stockage, à ses terminaux GNL et à sa liquidité. Cela permet également de rendre l'approvisionnement marocain plus résilient face aux fluctuations internationales ou aux tensions régionales. L'intégration de Nador West Med dans ce système renforce encore cette agilité, en créant la possibilité, à terme, d'importer du GNL directement sur le territoire national et de l'injecter dans le réseau. À cela, s'ajoute une dimension industrielle essentielle. Relier le GME aux zones de Kénitra et de Mohammedia, deux pôles manufacturiers parmi les plus dynamiques du pays, revient à rapprocher l'énergie d'un tissu productif en pleine expansion. Pour les entreprises, particulièrement celles opérant dans l'automobile, la chimie, la logistique ou les services industriels, cette connexion représente un gain en compétitivité, en stabilité et en visibilité. L'accès à un gaz plus disponible et plus fiable renforce la capacité du pays à attirer de nouveaux investisseurs, à consolider les chaînes de valeur existantes et à accélérer la transition énergétique de plusieurs secteurs. En somme, être connecté au GME signifie bien plus que «se brancher sur un tuyau». Cela revient à s'inscrire dans un réseau énergétique international, à bénéficier de la solidité des infrastructures européennes, à sécuriser les besoins des industriels nationaux et à préparer le terrain à une transition énergétique progressive, où le gaz naturel joue un rôle d'accompagnement des renouvelables.