Le décret n° 2.22.1020 relatif à la documentation des prix de transfert a été publié au Bulletin officiel. En encadrant strictement les obligations documentaires, le texte s'inscrit dans les standards de l'OCDE et prolonge les orientations du plan BEPS. Filiales marocaines et entreprises à transactions transfrontalières doivent désormais justifier leurs pratiques via un Dossier maître global et un Dossier local détaillé. Objectif : renforcer la transparence et sécuriser les opérations intragroupe. La récente publication au Bulletin officiel du décret n° 2.22.1020 relatif à la documentation des prix de transfert marque un tournant important pour la fiscalité des groupes multinationaux au Maroc. Le texte encadre désormais de manière précise les obligations documentaires en matière de prix de transfert. Ce décret s'appuie sur l'article 214-III-A du Code général des impôts (CGI). Il vise les entreprises liées réalisant des transactions transfrontalières, directes ou indirectes. Les filiales marocaines de groupes internationaux sont les premières concernées. L'objectif affiché est double : renforcer la transparence fiscale, d'une part, et améliorer le contrôle des transactions intragroupe, d'autre part. Avec ce nouveau cadre, l'administration fiscale dispose d'outils plus structurés. Elle pourra analyser les politiques de prix de transfert de manière standardisée. Les marges de manœuvre, elles, se réduisent pour les pratiques insuffisamment documentées. Alignement sur les standards internationaux Le décret s'inscrit clairement dans les recommandations de l'OCDE. Il prolonge également les orientations issues du plan BEPS. En parallèle, cette réforme consolide les dispositions introduites par la Loi de finances 2021. Elle renforce la crédibilité du dispositif fiscal marocain tout en répondant aux attentes des partenaires économiques internationaux. Le texte repose sur deux piliers centraux. Le premier est le Dossier maître, aussi appelé Master file, tandis que le second est le Dossier (Local file). Le Dossier maître offre une vision globale du groupe multinational. Il permet à l'administration de comprendre l'architecture du groupe. Il décrit son organisation, ses activités et sa stratégie économique. Cinq sections obligatoires structurent ce document. L'organigramme du groupe constitue le point de départ. Il permet d'identifier les liens capitalistiques et fonctionnels. La description des activités du groupe suit logiquement. Elle présente les principaux métiers et zones d'intervention tout en éclairant la création de valeur au sein du groupe. Les actifs incorporels, pour leur part, occupent une place stratégique. Ils incluent marques, brevets et savoir-faire. Leur localisation fiscale est particulièrement surveillée. Les activités financières intragroupe sont également détaillées. Elles couvrent prêts, garanties et flux de trésorerie. Ces opérations sont souvent sensibles lors des contrôles fiscaux. Enfin, le dossier expose la position fiscale et financière globale. Il permet d'analyser la répartition des bénéfices et offre une lecture consolidée des performances du groupe. Le Dossier local, de son côté, complète ce dispositif global. Il se concentre exclusivement sur la filiale marocaine et analyse ses transactions avec les entités liées étrangères. Trois sections structurent ce document opérationnel. La première décrit l'entité marocaine dans le groupe, précisant son rôle, ses fonctions et ses responsabilités. La deuxième section détaille les transactions contrôlées, recensant les opérations réalisées avec les parties liées. Chaque transaction doit être justifiée économiquement. La troisième section rassemble les informations financières clés et permet d'appliquer le principe de pleine concurrence. Les prix doivent refléter les conditions du marché. Ce dispositif vise à limiter les transferts artificiels de bénéfices. Il impose une cohérence entre stratégie, fonctions et rémunération. La documentation devient ainsi un outil central de défense fiscale. Documentation des prix de transferts : seuils, sanctions et contrôles Pour rappel, la documentation devient obligatoire dès 50 MDH de chiffre d'affaires hors TVA, en vertu des dispositions en vigueur depuis la Loi de finances 2021. Elle s'applique également à partir de 50 MDH d'actif brut au bilan. Ces seuils élargissent significativement le champ des entreprises concernées. De nombreuses filiales de groupes étrangers entrent dans le périmètre. Et même certaines entreprises à croissance rapide sont impactées. Il est également à souligner que les documents produits engagent directement l'entreprise et peuvent être utilisés contre elle en cas de contrôle. En cas d'écart entre la pratique réelle et la documentation, le risque augmente. À ce moment, l'administration peut requalifier les transactions et invoquer un transfert indirect de bénéfices. Par ailleurs, en cas de non-production des documents, une pénalité est appliquée. Elle s'élève à 0,5% du montant des transactions concernées, avec un seuil minimum fixé à 200.000 DH. Ce montant peut rapidement augmenter pour les grands groupes. La sanction devient donc dissuasive. Pour leur part, les délais de présentation sont strictement encadrés, la documentation devant être remise sous 30 jours. Ce délai court à partir de la demande de l'administration fiscale. Ce point impose une préparation en amont et la documentation ne peut donc pas être improvisée. Elle doit être prête avant tout contrôle. Concernant le dépôt, il s'effectue par voie électronique. Les dossiers peuvent être rédigés en arabe, français ou anglais. Dans ce contexte, les actions immédiates sont essentielles. Les entreprises doivent vérifier la conformité de leur documentation existante. À noter qu'un audit interne devient souvent nécessaire et il est aussi recommandé de renforcer la cohérence globale. La politique de prix doit refléter la réalité opérationnelle et pour ce qui est des fonctions et risques, ils doivent être correctement décrits. Une documentation solide réduit le risque de redressement, sécurisant la position fiscale de la filiale marocaine. Pour l'administration fiscale, l'objectif est clair : accéder à des informations homogènes et comparables tout en améliorant l'efficacité des contrôles. Pour les entreprises, le message est sans ambiguïté. La conformité en matière de prix de transfert devient prioritaire et s'impose comme un pilier de la gouvernance fiscale. Dans un environnement plus exigeant, l'anticipation fait la différence. Les groupes structurés limiteront leurs risques financiers. Quant aux autres, ils s'exposeront à des ajustements coûteux et durables. Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ECO