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Portefeuille pays de la BAD : les nouvelles règles du jeu pour les projets au Maroc
Publié dans Les ECO le 29 - 12 - 2025

La Revue de la performance du portefeuille pays (RPPP) 2025 de la BAD pour le Maroc révèle des tensions entre stabilité macroéconomique et vulnérabilités sociales, dessinant une feuille de route exigeante pour la transformation structurelle de son économie. Détails.
Alors que le Maroc accède au rang des pays à «développement humain élevé», la Revue de la performance du portefeuille Pays (RPPP) 2025 de la Banque africaine de développement (BAD) interroge la traduction concrète des investissements en bien-être social. La BAD vient en effet de publier sa RPPP 2025 pour le Maroc. Un document qui offre un instantané instructif de l'état des projets financés par l'institution et qui dessine une feuille de route implicite pour l'ensemble des acteurs économiques.
Au-delà des chiffres, il révèle une dynamique sous-jacente de maturation des partenariats, mais aussi des rigidités structurelles qui appellent à une adaptation stratégique. Première revue sous les nouvelles directives de juillet 2024, le rapport évalue un portefeuille actif de 2,75 milliards d'unités de compte (UC), soit plus de 3,76 milliards de dollars, répartis sur 36 opérations. Si la performance globale est jugée stable et de bonne qualité, avec aucun projet à risque, des défis récurrents et des opportunités d'amélioration significatives se dessinent pour l'ensemble des acteurs économiques impliqués.
Le rapport souligne la résilience de l'économie marocaine, avec une croissance de 3,8% en 2024 et des perspectives à 4,8% pour 2025, portées par les investissements préparatoires à la Coupe d'Afrique des Nations 2025 et la Coupe du monde 2030, ainsi que par le programme de reconstruction post-séisme d'Al Haouz (12 milliards USD sur 2024-2028). La consolidation budgétaire (déficit ramené à 3,8% du PIB) et l'amélioration de l'indice de développement humain (0,71, classant le Maroc dans la catégorie «Développement humain élevé») sont des points positifs.
Néanmoins, le rapport met en lumière une fragilité sociale préoccupante : un chômage élevé à 13,3% en 2024 (touchant particulièrement les jeunes à 36,7%, les diplômés à 19,6% et les femmes à 19,4%) et des disparités régionales marquées malgré une baisse de la pauvreté multidimensionnelle. «Les défis sociaux demeurent importants… appelant à une croissance plus inclusive et résiliente», note explicitement le document.
Un portefeuille jeune et aligné, mais des écueils opérationnels
L'alignement du portefeuille de la BAD avec les priorités nationales (Nouveau modèle de développement) et le Document de stratégie pays (DSP) 2024-2029 est confirmé. Les infrastructures durables (énergie, eau, transport) captent 46% des engagements, soutenant l'axe «résilience», tandis que les 54% restants ciblent la «croissance inclusive» (compétences, social, agriculture, gouvernance).
L'introduction de 14 nouvelles opérations en 2024-2025 témoigne d'un dynamisme certain, donnant un âge moyen jeune au portefeuille (2,87 ans). Le taux de décaissement global de 48,76% est considéré comme bon par la BAD.
Cependant, la vitesse d'exécution financière reste le principal point noir. 20,6% des projets (6 sur 36) sont épinglés «rouge», principalement en raison de retards de premier décaissement ou de lenteurs de décaissement. Un problème qui affecte particulièrement le secteur de l'énergie et certains dons. Si le taux d'opérations épinglées a été divisé par deux depuis janvier 2024, ce défi récurrent pèse sur l'efficacité maximale des investissements.
Un point positif notable concerne la performance environnementale et sociale (E&S). La part des projets à risque élevé ou modéré (Catégories 1 et 2) jugés «satisfaisants» ou «très satisfaisants» est passée de 72% fin 2023 à 82% fin 2024, grâce aux efforts des Unités de gestion de projet (UGP) et à l'appui de la BAD.
Pour maintenir et amplifier cette tendance, le rapport insiste sur une exigence clé : «Il reste nécessaire de s'assurer que les UGP procèdent au recrutement d'experts E&S dédiés à temps plein (deux pour les projets de catégorie 1 et un pour ceux de catégorie 2) et de renforcer par des formations/sensibilisations E&S ciblées à toutes les parties prenantes».
Un recrutement spécialisé qui représente un besoin concret et un coût à budgétiser pour les UGP et maîtres d'ouvrage.
Genre, climat, résilience : des ambitions à concrétiser
La RPPP salue une avancée structurelle : l'intégration systématique des enjeux transversaux que sont le genre, le changement climatique et la résilience dans la conception des nouveaux projets du Document de stratégie pays 2024-2029, tous désormais catégorisés selon un marqueur genre.
Cette orientation stratégique se matérialise par des projets emblématiques qui esquissent les contours d'un nouveau modèle de développement. Le Programme de développement des réseaux de transport d'électricité et d'électrification rurale (PDRTE-ER) contribue à la fois à l'équité territoriale et à la transition énergétique, portant la part des énergies renouvelables à 45% du mix en 2024.
Les projets dans le secteur eau, comme le PDRAP et le PPSAE, sécurisent l'accès à l'eau potable dans un contexte de stress hydrique, affichant un taux d'accès de 100% en milieu urbain. Le PADIDZAR atténue les inégalités régionales et climatiques via l'irrigation et les pistes rurales, tandis que le programme UM4.0 mise sur l'inclusion numérique pour transformer l'enseignement supérieur. Le portefeuille témoigne ainsi d'une trajectoire claire vers le renforcement de la résilience et la promotion d'un développement durable et bas carbone.
Cependant, cette ambition se heurte à des limites opérationnelles qui en retardent la pleine concrétisation. Sur le volet Genre, l'insuffisance chronique des budgets dédiés, couplée à des demandes récurrentes de financements additionnels hors prêt pour les actions spécifiques, fragilise la pérennité des interventions. Pire, l'absence systématique d'un rapportage ventilant les bénéficiaires par genre et âge obstrue toute visibilité réelle sur l'impact différencié des projets, rendant les progrès difficilement mesurables. Concernant le climat, le rapport identifie un impératif critique.
Il faut «renforcer l'intégration, en amont du cycle des projets, des études détaillées des risques climatiques et de l'empreinte carbone». Sans cette anticipation, les analyses arrivent trop tard dans le processus, compromettant la possibilité d'ajuster fondamentalement la conception des projets pour en faire des ouvrages réellement sobres et résilients, alors même que l'évaluation de leur alignement aux Accords de Paris devient un critère incontournable.
Enfin, la résilience, concept central, bute sur des écueils pratiques majeurs. Elle pâtit d'un manque de financements dédiés, particulièrement pour les activités de cohésion sociale essentielle à la lutte contre les fragilités. Elle est ralentie par des retards procéduraux et fonciers récurrents, et minée par l'incertitude sur la durabilité financière des services une fois les projets achevés. Surtout, sa mise en œuvre est entravée par une «faiblesse de la coordination intersectorielle et territoriale», empêchant une approche holistique des vulnérabilités.
Des contraintes, ajoutées aux défis structurels du chômage des jeunes et des disparités régionales, qui soulignent la nécessité d'inscrire la résilience dans une logique de long terme, bien au-delà du cycle de vie individuel des projets. Ainsi, la feuille de route est tracée, mais sa concrétisation exige un saut qualitatif dans la planification, le financement et la gouvernance collaborative.
Gouvernance et suivi-évaluation sont le talon d'Achille
Le rapport identifie clairement les faiblesses persistantes en matière de suivi et évaluation (S&E) comme un frein majeur à la performance et à la mesure d'impact. Si des dispositifs existent dans certains projets et que les outils numériques progressent, les lacunes sont criantes : «Absence de cadres méthodologiques clairs et d'arrangements institutionnels solides, systèmes incomplets ou inopérationnels, retards et insuffisances de rapports, manque de données probantes, faiblesse des indicateurs, qualité inégale des rapports techniques de projet (RTP) et évaluations Ex-Post (EER)…».
Une institutionnalisation renforcée du suivi et évaluation est jugée indispensable. Du côté de la gestion financière, bien que les audits soient globalement soumis (85% pour 2024) et validés (95% pour 2023), des difficultés dans la collecte/consolidation des données et un manque de clarté sur les responsabilités et le suivi des plans correctifs sont pointés. Les enseignements tirés et les défis identifiés se cristallisent dans le nouveau Plan d'amélioration de la performance du portefeuille (PAPP) 2025, qui remplace un PAPP 2024 jugé bien mis en œuvre à 91%.
Ce plan opérationnel formule des recommandations ciblées pour la BAD, le gouvernement et les UGP sur tous les fronts critiques : qualité à l'entrée des projets, mise en œuvre et gestion, passation des marchés, gestion financière et décaissements, suivi et évaluation, E&S, genre et résilience.
Reconfiguration des responsabilités et des exigences
Ainsi, les conclusions de la RPPP 2025 dessinent une reconfiguration des responsabilités et des exigences pour l'ensemble de l'écosystème économique impliqué dans les projets de développement. Pour le gouvernement et les Unités de gestion de projet (UGP), l'ère de l'approximation est définitivement close.
L'impératif immédiat est d'accélérer les décaissements en traitant les goulots d'étranglement à la source, qu'il s'agisse du recrutement tardif d'experts Environnement et social, de la préparation incomplète des dossiers ou des lourdeurs procédurales internes. Une accélération qui passe par un renforcement drastique des systèmes de suivi et évaluation, qui doivent devenir de véritables outils de pilotage, nécessitant des investissements dans des indicateurs robustes et des capacités humaines dédiées.
Conformément aux exigences de la Banque, le recrutement d'experts Environnemental et social à temps plein pour les projets à risque modéré et élevé n'est plus une option mais une condition sine qua non, impliquant une budgétisation pérenne de ces postes. Plus stratégiquement, il leur faut désormais budgétiser et opérationnaliser concrètement les actions transversales, en allouant des ressources spécifiques et suffisantes aux plans d'action genre, climat et résilience dès la conception des projets, et en instaurant un suivi des bénéficiaires ventilés par sexe et âge.
La réussite exigera également une amélioration marquée de la coordination, via la mise en place de plateformes d'échange entre UGP et un renforcement de la coopération intersectorielle et territoriale, sans laquelle la résilience ne peut être effective. Enfin, une optimisation de la gestion financière projet, fluidifiant les processus d'audit et de reporting, est indispensable pour garantir la transparence et l'efficacité économique.
Pour le secteur privé, incluant les bénéficiaires de prêts non-souverains, les entreprises candidates aux marchés et les bureaux d'études, le rapport annonce un durcissement des normes. Ils doivent s'attendre à des exigences renforcées et systématiquement vérifiées en matière de conformité Environnementale et sociale, d'impact sur l'égalité de genre et de résilience climatique pour tout projet lié à un financement de la BAD. Une évolution qui représente à la fois un défi de montée en compétence et une opportunité de différenciation.
Les entreprises pourront certes bénéficier des opportunités considérables générées par les programmes d'investissement dans les infrastructures liées aux mégas-événements sportifs et à la reconstruction post-sismique, mais elles devront désormais répondre à des standards élevés et vérifiables. Les lignes de crédit, qui représentent une part significative du portefeuille, continueront de soutenir le financement du commerce et des PME exportatrices, mais dans un cadre de vigilance accrue sur la décarbonation, comme l'illustre le projet de ligne de crédit à Bank of Africa.
En retour, la BAD s'engage, à travers les enseignements tirés, à ajuster ses propres processus pour un partenariat plus efficace. Elle reconnaît la nécessité de mieux calibrer son calendrier d'instruction, en veillant à ce que «la fixation de la date du conseil tienne compte des délais nécessaires pour préparer toute la documentation environnementale et sociale» conforme aux règlementations nationales et à son Système de sauvegardes intégré.
Son rôle d'appui et d'accompagnement sera renforcé par la mise en place de mécanismes structurés de feedback, de plateformes d'échange de bonnes pratiques et de formations ciblées pour les UGP, notamment sur les volets environnemental et social, genre et procédures. Elle se positionne comme le garant de l'intégration systématique des enjeux transversaux, veillant à ce que le climat, le genre et la résilience soient inscrits dans l'ADN des projets dès leur conception.
Enfin, son implication se manifestera par un soutien actif à l'évaluation et au renforcement du système national de marchés publics, et par une amélioration de sa propre réactivité dans le suivi des projets et le traitement des données de suivi-évaluation, clés d'une redevabilité mutuelle.
Un partenariat stratégique à optimiser
La RPPP 2025 confirme que le partenariat BAD-Maroc est solide, stratégiquement aligné et financièrement substantiel. Les progrès sur les sauvegardes environnementale et sociale et l'introduction d'un flux constant de nouveaux projets sont encourageants.
Toutefois, le rapport agit comme un signal d'alarme sur des défis opérationnels chroniques (décaissements, suivi et évaluation) et la nécessité de traduire les ambitions transversales (genre, climat, résilience) en actions concrètes et bien financées au niveau des projets.
La mise en œuvre rigoureuse du PAPP 2025 par toutes les parties prenantes – gouvernement, UGP, secteur privé et BAD elle-même – sera déterminante pour transformer ce portefeuille dynamique en impacts tangibles et durables sur la croissance inclusive et la résilience du Maroc face aux chocs exogènes.
Comme le souligne implicitement le rapport, la performance financière, bien que cruciale, ne suffit plus ; la démonstration d'un impact mesurable et transformateur sur le développement humain et la durabilité devient impérative.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO


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