Alors que le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, considère que « ce n'est pas honteux qu'un pauvre, un artiste ou un sportif bénéficie d'un tel agrément mais il faut que les citoyens connaissent les noms des personnes bénéficiaires », il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui des acteurs politiques et des opérateurs économiques s'interrogent sur les « bienfaits » de cette démarche et surtout sur le devenir du secteur des transports, un secteur particulièrement désorganisé. « Je crois que le vrai débat doit se situer sur l'avenir du secteur, sa modernisation et sa capacité à offrir un service de qualité. Il est stérile, selon moi, de politiser les débats, car cela ne fait pas avancer les choses. Maintenant que la liste des bénéficiaires d'agréments soit connue, qu'est-ce que le ministère public et les acteurs du privé sont en capacité de faire ensemble? Nous devons nécessairement créer les conditions favorables à un vrai partenariat public-privé, faute de quoi, on va tourner en rond et le secteur des transports continuera à être ce qu'il est, un secteur dépourvu d'organisation et sans stratégie », indique Hamid Zhar, responsable pôle voyageur à la Fédération des transports de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc). Pour Mohamed Meghaoui, directeur des Transports routiers et de la sécurité routière au ministère de l'Equipement et du transport, « il faut effectivement se tourner vers l'avenir mais tout en ayant à l'esprit un certaine nombre de choses. Tout d'abord, il faut savoir que la liste d'agréments de transports publics inter-urbains était prête depuis plus d'un an, et ce à le demande de Karim Ghellab, alors ministre de tutelle. Cette liste avait été préparée suite aux nombreuses questions posées par les parlementaires lors des séances des questions orales au Parlement. Je peux même ajouter que le Secrétariat général du gouvernement avait été saisi pour prendre le relais sur ce dossier. Tout cela pour dire que la liste des détenteurs d'agréments de transports n'est pas tombée du ciel du jour au lendemain », précise Mohamed Meghaoui. Reste la méthode employée, avec l'envoi de la liste des « agrémentés » à la presse sans passer par le conseil de gouvernement, le Parlement via la commission parlementaire dédiée aux Transports. «Priorité à la transparence » « Pourquoi vouliez-vous que le ministère complexifie le circuit de remise d'informations publiques à destination du grand public et de l'ensemble des Marocains, sans exception aucune ? Est-il nécessaire de rappeler que le droit d'accès à l'information a été constitutionnalisé ? Est-il normal d'entendre des voix critiques s'exprimer alors que l'Etat, le ministère, n'ont fait que rendre publiques des informations qui n'ont aucun caractère secret ? Outre les formations politiques qui, soit dit au passage, ont toutes été favorables à ce que soit rendue publique cette liste, les Marocains réclamaient et attendaient la diffusion de cette liste car il était devenu urgent de donner la priorité à la transparence afin que les citoyens sachent qui détient des agréments et de les réconcilier avec l'administration. La situation politique et sociale l'impose », indique Brahim Baamal, directeur des affaires administratives et juridiques au ministère de l'Equipement et du Transport. Néanmoins, on peut légitimement se demander si par cette démarche, Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement, n'est pas en train de construire et de modeler un espace de démocratie «directe», à savoir qu'il est disposé à faire fi du traditionnel circuit institutionnel pour s'adresser directement au peuple. Certains y verront du «populisme», alors que d'autres salueront toute initiative politique destinée à lutter efficacement contre l'économie de rente et à casser les privilèges. Cependant, Abdelilah Benkirane et le gouvernement ne peuvent se contenter de lever le couvercle de la marmite, ils se doivent de donner les outils nécessaires à la restructuration de fond des secteurs d'activités, dont celui des transports.