Le conseil économique et social doit prouver son utilité pour ne pas sombrer dans l'indifférence. Après plus d'une vingtaine d'années d'attente, le Maroc dispose donc d'un Conseil Economique et Social, comblant ainsi une lacune constitutionnelle de taille et rejoignant du coup le concert des grandes Nations qui font de la prospective économique une des pièces maîtresses de leur politique publique. En soi, l'avènement de ce Conseil mérite d'être salué comme un grand pas en avant dans la consolidation des institutions de l'Etat. Dans un contexte régional mouvementé, sur fond d'inquiétudes autour d'un probable nouveau choc pétrolier dans le sillage de la crise libyenne et des effets collatéraux persistants de la crise économique mondiale, le Conseil économique et social a d'ores et déjà une série de dossiers posés sur la table : Comment corriger les politiques publiques et éviter qu'elles ne génèrent plus de vulnérabilité sociale et économique?! Comment permettre aux jeunes d'accéder à l'emploi ? Quelle politique de création de richesses ? Quelle réflexion prospective sur le Maroc des régions dans les vingt prochaines années ? Quel développement durable ? Autant de questions qui donnent du relief au momentum choisi pour l'installation de ce Conseil dont la présidence a été confiée à un homme émérite en la personne de Chakib Benmoussa, un lauréat de l'Université américaine MIT, grand dirigeant d'entreprises et ex-ministre de l'Intérieur. Pour autant, à l'analyse, plusieurs observations peuvent être formulées. Ce Conseil-dont on attend énormément aujourd'hui- ne risque-t-il pas de n'être qu'une coquille vide, un Conseil de plus sans influence réelle sur les décideurs publics? En effet, la nature consultative de ce Conseil amoindrit sérieusement son rôle auprès des instances étatiques, en particulier le gouvernement. Il suffit de mettre en perspective le faible poids du Parlement dans le choix et l'orientation des politiques sectorielles pour se rendre compte de cet état de fait. Autre constat : autant l'initiative de ce Conseil a été saluée, autant sa composition a suscité interrogations et incompréhensions. En effet, en quoi un cinéaste ou le fils d'un entrepreneur de la place sont-ils utiles à un Conseil Economique et Social ? Qui a dressé la liste des membres de ce Conseil ? Et par quel miracle, un responsable politique jusque là poursuivi en justice, s'est-il retrouvé l'espace d'un week-end membre de ce Conseil? Avant même d'entamer ses travaux, le Conseil part avec une tare congénitale qui impacte son image de marque, le condamnant dans l'esprit de certains à n'être qu'une coquille institutionnelle de plus à l'image du Conseil de la Concurrence, de l'Instance Nationale de Lutte contre la Corruption, du défunt Conseil National de la Jeunesse et de l'Avenir… Si le Maroc veut réfléchir aux moyens de réaliser une croissance forte à deux chiffres, il doit nécessairement revoir de fond en comble les bases de son développement économique. Le chantier de la régionalisation en cours peut être d'ailleurs une excellente opportunité pour asseoir les fondements d'un essor durable sur le plan national et local. En effet, chaque région peut disposer de ressources spécifiques. Il suffit de valoriser intelligemment ces ressources qu'elles soient naturelles, artisanales, industrielles, commerciales, touristiques ou autres en créant des emplois dédiés et en cherchant des débouchés en conséquence. C'est de la sorte que le Maroc des régions pourra décoller. C'est l'exemple de la Chine avec ses différents cantons, où le développement part de la commune avant d'arriver à la capitale. Cette vision prospective et régionalisée nécessite l'implication d'experts et non de membres cooptés selon les affinités. La même logique peut s'appliquer également aux différents secteurs en panne au Maroc comme la Santé, l'Enseignement…Il ne faut pas se leurrer : sans une croissance forte à deux chiffres, le Maroc ne pourra aspirer à un statut de pays économiquement émergeant, assurer la stabilité nécessaire à son développement et se protéger des soubresauts qui secouent son voisinage. Pourvu que ce Conseil Economique et Social en tienne compte dans ses futurs travaux. Le Temps