Le Maroc franchit un pas décisif dans la réforme de la prise en charge des mineurs en situation de vulnérabilité. Réuni jeudi 19 juin, le conseil de gouvernement a adopté le projet de loi 29.24 portant création de l'Agence nationale de protection de l'enfance, appuyée par un réseau de centres spécialisés et d'établissements sociaux. Portée par le ministère de la Justice, « cette nouvelle structure marque une volonté affirmée de refonte du système national de protection des enfants. Objectif : centraliser les interventions, unifier les standards et coordonner les efforts institutionnels autour d'une même priorité, celle de la sauvegarde les droits des enfants en situation de vulnérabilité », détaille le texte du projet de loi. Avancée majeure « Ce projet marque une avancée majeure dans la consolidation des mécanismes de protection de l'enfance au Maroc », déclare Mohammed Houbib, président de l'Association Nationale des Assistants Sociaux du secteur de la Justice, en réaction à l'adoption du projet de loi 29.24. Notant le rôle assigné à la future agence dans la synergie des efforts institutionnels, l'association estime que cette instance se présente comme un acteur-clé dans le renforcement de la coordination entre les intervenants publics et les acteurs de la société civile œuvrant sur le terrain. Le projet de loi 29.24 prévoit en effet la mise en place d'une structure nationale centralisée, chargée de veiller sur toutes les catégories d'enfants nécessitant une protection et un accompagnement adaptés. Dotée de moyens substantiels, cette agence aura pour mission d'assurer une gestion rigoureuse des centres de protection, qu'ils soient ouverts ou fermés. S'appuyant sur les normes des Nations Unies en matière de justice pour mineurs et de droits de l'enfant, l'agence sera ainsi chargée de piloter l'ensemble des dispositifs de protection des enfants en situation de détresse avec un contrôle renforcé des procédures et des prestations offertes au niveau des centres qu'ils soient ouverts ou fermés. Cible Deux catégories de mineurs sont ciblées en priorité : d'une part, les enfants en conflit avec la loi, pris en charge dans des structures fermées sous encadrement renforcé ; d'autre part, les mineurs en situation de détresse sociale : enfants abandonnés, victimes de violences, ou confrontés à des délits et crimes. Autre innovation introduite par le texte : l'instauration de mécanismes de transfert entre les établissements pénitentiaires relevant de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) et les centres de protection gérés par la future Agence. Les tribunaux pour mineurs pourront désormais orienter les jeunes détenus vers des structures fermées adaptées, notamment en cas de bonne conduite ou de détention préventive. Ces passerelles permettront aux mineurs incarcérés de bénéficier de programmes éducatifs et sportifs, favorisant ainsi leur réinsertion et rompant avec une logique purement punitive. Champs d'action « La création de cette Agence constitue un levier institutionnel stratégique, à même d'unifier les visions et de renforcer les réseaux de protection, particulièrement au bénéfice des enfants en situation de vulnérabilité ou de danger », se félicite le président de l'Association Nationale des Assistants Sociaux du secteur de la Justice. Ce dernier estime par ailleurs que l'impact de la future agence sera multiple et structurant. « L'agence va permettre de renforcement des dispositifs de signalement et d'intervention rapide pour les enfants en situation de danger. En plus de la centralisation et l'harmonisation des politiques publiques liées à l'enfance, elle va permettre d'éviter la dispersion actuelle des initiatives entre ministères », analyse Mohammed Houbib. En contact direct avec la réalité de l'enfance en détresse à travers son travail dans les tribunaux nationaux, le représentant des assistants sociaux estime que la future structure jouera un rôle primordial dans la veille, la coordination et le suivi des programmes d'assistance sociale, psychologique et juridique à destination des mineurs. Un large champ d'action sur lequel la future agence pourrait coopérer avec la société civile spécialisée dans la protection de l'enfance comme le soutient Houbib. « Ceci via des conventions de partenariat, la co-construction de dispositifs de proximité, notamment dans les zones rurales ou à forte précarité ou encore à travers l'appui technique et logistique aux ONG locales en matière de formations, d'accès aux données et de financement de projets pilotes », énumère l'acteur associatif. Ce dernier va plus loin en recommandant l'implication des associations dans la gouvernance de la future agence via des conseils consultatifs ou des plateformes régionales de dialogue. « En somme, cette agence pourrait devenir une interface stratégique entre l'Etat et les acteurs associatifs, en plaçant l'intérêt supérieur de l'enfant au cœur des politiques publiques », conclu le président de l'Association Nationale des Assistants Sociaux du secteur de la Justice.