Rabat accueille la 6e Choiseul Africa Business Forum Les 3 et 4 novembre 2025. Plus de 800 participants venus d'Afrique, d'Europe et du Golfe se sont retrouvés pour deux journées de débats et de panels sous le thème « Made With Africa », visant à promouvoir une croissance partagée et à renforcer les synergies entre le continent et ses partenaires. Parmi les thèmes phares, le sport s'est imposé comme un vecteur de développement et de rayonnement continental, illustré par le panel intitulé « CAN 2025 et Coupe du monde 2030 : l'Afrique au cœur du jeu, entre diplomatie et soft power ». Les intervenants ont souligné l'impact socio-économique majeur de la Coupe du Monde 2030, que le Maroc organisera avec l'Espagne et le Portugal, et ont exploré comment transformer ces événements sportifs en véritables catalyseurs de croissance et d'attractivité pour le continent. L'économie du sport. Un potentiel encore largement sous-exploité Pour Will Mbiakop, président exécutif de l'African Sports and Creative Institute, l'économie du sport africain est loin d'avoir atteint son potentiel. « L'économie du sport représente à peine 0,5 % du PIB africain », souligne-t-il, un chiffre dérisoire face à la jeunesse et au dynamisme du continent. Pourtant, la donne est en train de changer. « De grands investissements émergent, à commencer par les infrastructures : plus de 5 milliards de dollars ont été injectés au Maroc dans la modernisation des stades, des routes et des équipements, 258 millions au Cameroun et 104 millions pour la Kigali Arena au Rwanda. » Les investissements ne se limitent pas aux bâtiments et équipements. « Les capitaux se dirigent aussi vers les talents et les académies », rappelle-t-il. La vraie richesse, insiste-t-il, ne se limite pas aux grands événements. L'essentiel de la valeur vient de la consommation des ménages, portée par une population jeune et dynamique. Avec 1,4 milliard d'habitants dont l'âge médian est de 19 ans, l'Afrique représente le plus jeune marché du monde. En 2050, un humain sur quatre sera africain. Un levier colossal pour les investisseurs. » Le sport, moteur de cohésion et d'impact économique Pour Laurent Benarousse, directeur général France & Maroc chez Roland Berger, l'organisation d'un événement sportif majeur n'est jamais un acte isolé ou un hasard. « Lorsqu'un pays décide d'organiser un grand événement, il existe toujours une préparation et une stratégie approfondies. L'aboutissement de la candidature marocaine, portugaise et espagnole à la Coupe du Monde 2030 n'est pas fortuit. » Il rappelle que le Maroc travaille sur ce projet depuis près de vingt ans. « Au-delà des calculs financiers ou de l'impact sur le PIB, le sport joue un rôle fédérateur. Réussir un événement ou atteindre le sommet sportif a un effet spectaculaire sur la cohésion nationale et sur le sentiment de fierté d'appartenance. Le sport incarne le dépassement de soi et la valeur de l'effort — des éléments difficilement quantifiables en termes monétaires, mais essentiels pour le développement social et économique. » Sur le plan financier, les investissements sont conséquents : près de 30 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures. Mais Laurent Benarousse nuance : « 90 % de ces investissements correspondent à des projets déjà planifiés, qui sont simplement accélérés pour répondre à l'échéance de 2030. En réalité, ces dépenses étaient inévitables, et l'événement permet seulement de les anticiper et de les coordonner de manière stratégique. » L'impact économique est tangible. « Comme pour les Jeux Olympiques, l'organisation d'une Coupe du Monde peut apporter un point de PIB supplémentaire l'année précédente, grâce aux recettes fiscales et au travail généré. Sur plusieurs années, ces investissements peuvent représenter cinq ou six points de PIB cumulés. » Mais au-delà des chiffres, le plus important demeure l'effet social et humain : « Un tel événement fédère le pays, suscite l'enthousiasme et développe le goût de l'effort et la fierté d'appartenance chez les citoyens. » Transformer un événement en levier de développement territorial Jeremy Botton, président du Groupe SSM, insiste sur l'importance de l'impact local. « Pour qu'un grand événement sportif soit réellement réussi, il doit toucher tous les aspects de la société : le tourisme, le social, l'éducation, les infrastructures publiques... Chaque domaine devient un catalyseur, un levier qui génère des retombées multiples et durables. » Au Maroc, cette vision se traduit par une mobilisation du territoire dans son ensemble, des grandes villes aux zones rurales, en impliquant toutes les parties prenantes. « Chaque projet doit être pensé comme un schéma global, intégrant à la fois les dimensions structurelles, organisationnelles et humaines. » Ismail Lyoubi, directeur général d'Evosport, filiale de l'UM6P, insiste sur le rôle de l'investissement humain et académique. « Nous avons commencé à investir dans l'excellence sportive, avec un fonds annuel de 2,2 millions de dollars pour développer les talents au Maroc, en coopération avec des fédérations européennes. Mais au-delà de l'excellence sportive, le point central reste la formation académique. Former des professionnels capables de concevoir et piloter des stratégies est essentiel pour structurer un écosystème durable. » Il ajoute l'importance de l'innovation et de la technologie, citant l'intelligence artificielle et les startups comme vecteurs de transformation du sport. La gouvernance et l'ancrage local complètent ce dispositif. « Le véritable défi est d'harmoniser ces quatre piliers — l'humain, l'innovation, la gouvernance et l'ancrage territorial — pour développer un écosystème sportif complet, durable et inclusif. » Mouad Hajji, coordinateur général de la FRMF, met en avant la dimension diplomatique et stratégique. « Il s'agit d'abord d'avoir une légitimité pour le Maroc au sein des instances internationales. Progressivement, cela nous a permis d'accéder à d'autres fonctions au niveau africain. Ces positionnements stratégiques, combinés à des infrastructures solides, une gouvernance renforcée et un réseau partenarial, ont été déterminants. » Avec plus de 45 partenariats opérationnels au quotidien, le Maroc a maximisé ses chances pour l'octroi de la Coupe du Monde. « L'héritage sur le territoire se poursuit. L'année 2025 a été exceptionnelle, avec de nombreux succès, et je suis convaincu que ce chemin ira encore plus loin. Tout cela n'est pas le fruit du hasard : il s'agit d'un travail construit sur des années d'efforts. » Pour Mouad Hajji, la Coupe du Monde 2030 ne sera pas seulement un événement sportif : elle représente un symbole continental. « Les Marocains, mais aussi de nombreux pays, croient fermement aux chances du Maroc, porteur non seulement de sa propre histoire mais de celle de tout un continent. Cet héritage se construit de manière continue et ira bien au-delà de 2030. », a-t-il conclu.