Membre actif de la Commission nationale chargée de la coordination des mesures de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire joue un rôle central dans le suivi de ces affaires à travers la collecte de statistiques, l'élaboration de rapports thématiques et la formulation de recommandations fondées sur la pratique judiciaire. Selon les données publiées par le CSPJ dans son dernier rapport, les juridictions du Royaume ont rendu, au titre de l'année 2024, 160 décisions relatives à des affaires de traite des êtres humains, toutes instances confondues. Sur ce total, 84 jugements ont été prononcés en première instance, contre 76 arrêts rendus en appel. La Cour d'appel de Rabat arrive en tête avec 26 décisions, suivie de Tanger (21 décisions) et Marrakech (20 décisions). Ces trois circonscriptions judiciaires concentrent ainsi près de la moitié des jugements rendus en la matière à l'échelle nationale. L'examen des décisions des chambres criminelles de première instance montre que 52 % des affaires ont abouti à une condamnation pour des infractions de traite des êtres humains. À l'inverse, 34 % se sont soldées par un jugement d'acquittement, tandis que 14 % ont donné lieu à une requalification juridique vers d'autres infractions, telles que le recrutement de personnes à des fins de prostitution, l'atteinte sexuelle sur mineur ou encore l'escroquerie. Du côté des Chambres criminelles d'appel, 43 % des décisions ont confirmé les condamnations de première instance, contre 24 % de requalifications et 20 % de confirmations d'acquittement. En revanche, 9% des jugements initiaux de condamnation ont été annulés, et 4 % des décisions d'acquittement ont été annulées. Profils Au total, 120 personnes ont été condamnées en 2024 pour des infractions liées à la traite des êtres humains. Parmi elles, 76 hommes et 44 femmes. Les Marocains représentent la grande majorité des condamnés avec 113 personnes (soit 94 %) contre 7 condamnés seulement de nationalités étrangères. Ces données confirment toutefois le caractère transnational de ce type de criminalité. L'exploitation sexuelle reste la forme la plus la plus répandue de traite des êtres humains au Maroc. En 2024, 92 condamnations ont été prononcées pour ce motif, loin devant l'immigration clandestine (18 condamnations) et la mendicité forcée (8 condamnations). Une seule condamnation a concerné des faits de travail forcé, et une autre l'exploitation à des fins criminelles ou dans des conflits armés. En 2024, 269 victimes ont été recensées dans les affaires de traite des êtres humains jugées au Maroc. Parmi elles, 175 victimes majeures (soit 65 %) et 94 victimes mineures (35 %). Selon le Conseil, cette proportion s'explique par le fait que les adultes, souvent en situation de recherche d'emploi ou de précarité économique, sont plus exposés à des situations d'exploitation. Les femmes, premières victimes Les femmes représentent la majorité des victimes, avec 64 % des cas recensés, contre 36 % pour les hommes. Une vulnérabilité que le Conseil attribue à la fragilité économique, sociale et psychologique de cette catégorie, ainsi qu'à leur exposition plus fréquente à l'exploitation sexuelle. Rappelons que les victimes de la traite des êtres humains bénéficient d'une protection juridique renforcée en vertu de la loi n° 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains. Ce texte prévoit des mécanismes de protection, d'assistance et de prise en charge visant à atténuer les séquelles physiques et psychologiques subies, et à faciliter leur réinsertion sociale. La mobilisation du pouvoir judiciaire dans ce domaine illustre la volonté nationale de renforcer la prévention et la répression de la traite des êtres humains, tout en plaçant la protection des victimes au centre de l'action publique, indique le rapport du CSPJ. Une dynamique que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire compte poursuivre, en coordination avec les institutions concernées, pour une justice plus efficace et plus protectrice des droits humains.