Alors que certains s'emploient à diffuser des critiques sévères, souvent empreintes de noirceur et visant à dévaloriser l'ensemble des acquis, ces prises de position relèvent fréquemment de calculs étroits, sans lien réel ni avec la liberté de la presse ni avec la défense de la profession. Les individus peuvent changer, que ce soit en assumant leurs fautes ou lorsque leurs échéances légales arrivent à leur terme, mais les institutions, elles, doivent perdurer et évoluer de l'intérieur, à travers le travail des professionnels eux-mêmes. C'est précisément cette philosophie qui sous-tend, dans une large mesure, le projet d'amendement de la loi régissant le Conseil national de la presse : une étape vers la modernisation du cadre juridique, le renforcement de la gouvernance de l'institution et la consolidation du processus réformateur dont la presse nationale a besoin. Le projet de loi que le gouvernement s'apprête à présenter au Parlement pour discussion et adoption intervient dans un contexte politique et médiatique marqué par une volonté nette d'élever la pratique journalistique et de la protéger à l'intérieur d'institutions professionnelles indépendantes et efficaces. Dans un Maroc qui poursuit son ancrage démocratique et l'édification de l'Etat de droit, la nécessité d'une presse solide, responsable et capable d'assurer ses missions d'information, et de veille citoyenne s'impose avec force. Le nouveau projet de loi, qui compte 97 articles, ne se limite pas à des ajustements techniques ponctuels : il constitue une révision profonde de l'architecture de l'autorégulation journalistique. Il répond aux dysfonctionnements que l'expérience précédente a mis en lumière et traduit une volonté réelle de rendre les mécanismes de régulation plus transparents et plus efficaces. La pratique a montré que l'ancien dispositif souffrait d'un vide juridique, notamment en matière de supervision et de convocation des élections – une prérogative qui ne peut rester entre les mains de l'administration, car l'autorégulation repose par définition sur une indépendance totale vis-à-vis de l'exécutif. L'augmentation significative du nombre d'articles reflète d'ailleurs une volonté de mieux encadrer les attributions du Conseil, de préciser la composition de ses instances et de détailler ses procédures électorales. Autant de revendications portées depuis longtemps par les journalistes au nom de la transparence et de la crédibilité de la représentation professionnelle. Le texte présenté aujourd'hui est le fruit d'un cycle de concertations mené par le Conseil national de la presse lors de son dernier mandat avec l'ensemble des acteurs du secteur. Journalistes, éditeurs et représentants professionnels ont été impliqués dans un vaste dialogue visant à évaluer l'expérience passée et à en identifier les lacunes. Les propositions qui en ont découlé ont ensuite été transmises au gouvernement, seule instance habilitée à élaborer les projets de loi avant leur dépôt devant le Parlement, conformément aux pratiques démocratiques comparées. La commission provisoire chargée de la transition a d'ailleurs conclu à la nécessité d'adopter un scrutin individuel pour les journalistes, estimé plus à même de garantir une représentation loyale et d'éviter les dérives associées au système des listes. S'agissant des éditeurs, la mise en place d'un mécanisme strict d'agrément est devenue indispensable, compte tenu de la prolifération de sites électroniques non qualifiés ou revendiquant indûment le statut d'éditeur sans satisfaire aux exigences légales et professionnelles. Il est devenu nécessaire d'établir des règles claires garantissant la transparence des désignations et mettant un terme aux dérives constatées par le passé, tout en assurant une représentation légitime et professionnelle des véritables éditeurs. Le projet introduit également des dispositions élargissant les prérogatives du Conseil et renforçant le niveau d'autorégulation. Il ouvre la possibilité pour les journalistes et les éditeurs de saisir les juridictions administratives en cas de violations, et crée une commission d'appel garantissant des procédures plus équitables et plus lisibles. À travers ses 97 articles, le projet s'inscrit dans un élan réformateur visant à combler les lacunes antérieures et à rééquilibrer les rapports entre les journalistes et la loi, entre le Conseil et le corps professionnel, dans un esprit de transparence, de rigueur et de responsabilité. La réforme du Conseil national de la presse ne constitue donc pas une simple retouche juridique, mais un pas stratégique vers un système d'autorégulation consolidé, durable et évolutif. Dans un pays engagé dans la voie démocratique et institutionnelle, la presse doit être solide, professionnelle et apte à accompagner les transformations majeures que connaît le Maroc, tout en assurant ses missions de contrôle, d'éclairage et de contribution au développement. Renforcer l'indépendance du Conseil, clarifier ses compétences et réorganiser sa représentativité sont autant d'éléments qui font de ce projet un chantier réformateur essentiel pour redonner à la presse sa légitimité et la prémunir contre les dérives, afin qu'elle puisse jouer pleinement son rôle dans la construction de l'avenir du pays. En définitive, la future discussion parlementaire autour de la loi révisée sur le Conseil national de la presse s'annonce comme un moment charnière dans le processus de réforme du paysage médiatique marocain. L'initiative dépasse largement le cadre de simples modifications techniques : elle manifeste une prise de conscience collective de la nécessité de protéger la profession de l'intérieur et de bâtir un modèle institutionnel capable de défendre la liberté de la presse tout en garantissant ses responsabilités éthiques et sociales. Le véritable défi réside moins dans l'adoption de nouveaux textes que dans l'enracinement d'une culture professionnelle fondée sur l'indépendance, l'autorégulation, l'éthique et la consolidation du rôle des institutions face aux dérives et aux pratiques nocives. Si cette réforme parvient à restaurer la confiance entre le corps journalistique et ses institutions, et entre celles-ci et l'opinion publique, le Maroc aura franchi une étape déterminante vers un paysage médiatique plus mature, plus professionnel et à la hauteur des enjeux de l'époque et des attentes de la société.