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Raphaël Glucksmann : En marche contre Macron


Raphaël Glucksmann
A 39 ans, Raphaël Glucksmann vient de lancer un mouvement politique. Après La République En Marche (Larem), formation créée par Emmanuel Macron, l'essayiste fonde «Placepublique». Avec son livre paru en octobre dernier, « Les enfants du vide », il avait déjà tiré la sonnette d'alarme sur les impasses et les conséquences des politiques néolibérales. Entouré de «porteurs de causes», Raphaël Glucksmann souhaite répondre «aux périls écologique et démocratique». L'intellectuel s'oppose avec force à Emmanuel Macron et sa politique du «en même temps» qu'il juge incohérente et sans fondement idéologique. L'essayiste veut au contraire proposer une politique «cohérente»et «claire» qui assume une idéologie basée sur la transformation sociale et écologique de la société.
A l'heure des réactionnaires et des discours populistes, Raphaël Glucksmann veut essayer de proposer une alternative. De gauche, écolo, pro européen, pour l'accueil des migrants, «Place publique» prend une place désertée depuis des années en France. Jamais encarté, il s'inclut pourtant dans cette gauche qui a commis des erreurs depuis des années et qui, selon lui, a mené avec la droite, la France dans cette crise politique et sociale. Mais pour le co-fondateur de «Place Publique»,
en raison de son arrogance et de sa politique sociale et fiscale injuste, Emmanuel Macron est le déclencheur de la colère des gilets jaunes.
En tournée en France pour présenter son mouvement, Raphaël Glucksmann a accordé un entretien à notre correspondante Noufissa Charaï, juste avant son meeting de Lyon du 4 décembre. @Noufissacharai
Entretien paru dans L'Observateur du Maroc et d'Afrique le 7 décembre 2018.
L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Samedi 29 novembre 2018, pour le troisième acte des gilets jaunes à Paris, des symboles ont été pris pour cible et au premier rang desquels l'Arc de Triomphe. Vous comprenez cette violence ? De quoi est-elle l'expression ?
Raphaël Glucksmann : La première chose à rappeler c'est que la violence est à condamner de manière extrêmement ferme, je ne fais pas partie des gens qui se réjouissent de l'explosion de colère actuelle. Je pense qu'elle est logique, c'était prévisible. Nicolas Hulot avait prévenu ses collègues du gouvernement du risque d'une explosion sociale. Mais, ni le Président, ni le gouvernent n'ont tenu compte de cette colère sociale. La violence est dangereuse, c'est un moment dangereux. Qu'est-ce qui va sortir des gilets jaunes ? Nous n'en savons rien ! Et qui est le plus apte à capter cette colère ? Ce n'est pas la gauche, c'est l'extrême droite.
La radicalité d'une partie du mouvement vous inquiète-t-elle ?
Ce qui m'inquiète c'est la radicalité sans offre politique claire. La France n'est pas une île, partout dans les démocraties libérales occidentales, nous avons le même phénomène d'une colère sociale. C'est une colère contre la captation oligarchique du pouvoir et qui s'incarne et se traduit par l'ascension des mouvements nationalistes, xénophobes et populistes. Nous n'en sommes pas encore là, mais c'est un risque et nous ne pouvons pas juste nous réjouir, il faut entendre cette colère et aussi entendre les risques de cette colère.
Edouard Philippe propose une série de mesures dont un moratoire sur la hausse des taxes sur le carburant. Quelle est votre position ?
Comme d'habitude depuis le début de cette crise, ils sont en retard. Ils ont d'abord traité par mépris le mouvement et maintenant ils font un moratoire, alors que cela va au-delà d'une taxe. C'est une colère sociale qui est contenue depuis plusieurs décennies et qui a été excitée par le comportement d'Emmanuel Macron et l'injustice de ses premières mesures. Il faut aller plus loin que ce que propose le Premier Ministre, il faut commencer par revenir sur la suppression partielle de l'ISF (Impôt sur la fortune) et surtout il faut discuter de la façon dont nous allons mener cette transformation écologique d'une manière socialement acceptable. Le moratoire ne répond qu'à la première question posée par les gilets jaunes.
Les gilets jaunes ont établi une liste de revendications, que retenez-vous d'elles et lesquelles soutenez-vous ?
La première revendication c'est une promesse du Président Macron, qu'il n'a évidemment pas tenue comme tous les présidents avant lui, à savoir celle de zéro SDF (sans domicile fixe) ! Ce que je retiens des revendications, c'est un souci profond de justice sociale et fiscale, et ça il faut l'entendre ! C'est incroyable que le gouvernement ait pensé que nous pouvions faire peser le poids de la transition écologique sur les gens qui sont obligés de prendre leurs voitures pour travailler. Alors qu'en même temps, avec le CICE (Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi), l'Etat fait des cadeaux fiscaux aux entreprises polluantes comme Total, en même temps les riches peuvent se faire des week-ends à Barcelone ou à Prague sans payer de taxe sur le kérosène. Il y a donc un sentiment de révolte face à l'injustice. Toutes les mesures sociales ne sont pas bonnes à prendre, mais elles dénoncent toutes ce problème. Il faut aussi écouter les discours, quand certains représentants des gilets jaunes font appel à un militaire pour résoudre la crise ou que nous entendons d'autres expliquer qu'il faut abolir la démocratie représentative, il faut être vigilant. Il y a tout dans ce mouvement, c'est extrêmement représentatif de la diversité des colères.
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen reprennent la demande des gilets jaunes qui appellent à la dissolution de l'Assemblée nationale. C'est une hypothèse sérieuse ? Vous êtes favorable ?
Je suis toujours extrêmement méfiant quand nous jouons avec les institutions. Je pense non seulement qu'Emmanuel Macron sera battu aux prochaines élections, mais je pense surtout que ça sera probablement le dernier président de la Vème République. Cette crise sociale se double d'une crise de régime. Il faut faire attention, car s'il y a une dissolution de l'Assemblée nationale c'est incontrôlable et il y a un bénéficiaire dans les sondages depuis le début des gilets jaunes et du chaos, c'est le Front National. Personnellement, j'ai toujours été en opposition avec la politique menée depuis un an et demi et je n'ai pas voté pour Emmanuel Macron au premier tour ni pour ses députés. J'ai toujours su et cru que ce n'était pas la bonne réponse aux crises que traversaient nos sociétés occidentales. Je savais que sa réponse allait faire le lit des mouvements qu'il prétend combattre comme le FN. Sa politique est l'aggravation permanente des tensions et des crises qui traversent nos sociétés. Donc je dis faites attention, ce n'est pas un jeu ! En Italie, Matteo Renzi, par son arrogance et l'injustice de sa politique, a fait le lit de Matteo Salvini et du mouvement 5 étoiles. Avant d'appeler à la dissolution de l'Assemblée nationale, il faut se demander s'il y a une offre politique radicale et démocratique qui peut capter cette colère, et la vérité c'est qu'elle n'existe pas encore. Quand ils jouent aux apprentis sorciers à la France Insoumise, moi je dis qu'il faut faire attention.
Avec «Place publique», vous souhaitez fédérer des «porteurs de cause», mais qui sont-ils ?
Ce sont des gens qui dans la société française œuvrent radicalement pour la transition écologique, pour la démocratie et pour la justice sociale. Cela va de Jo Spiegel, un maire de Kingersheim dans la banlieue de Mulhouse qui a mis en place une démocratie participative en remettant le citoyen au cœur des institutions et en charge de la production d'une politique. Il y a aussi Olivier Dubuquoy, activiste écologique, qui lutte pour les pollutions à Marseille, ou un pêcheur en Bretagne qui a sensibilisé sur les questions de la pêche industrielle ou une fille comme Judith Aquien qui permet aux migrants, qui arrivent et qui sont plus que maltraités par notre gouvernement, de suivre des cours à l'université et d'obtenir des diplômes. Ce sont des gens qui ne se sont jamais encartés et qui font de la politique, il s'agit de créer un lieu où tous peuvent venir discuter.
Vous n'auriez pas pu rejoindre «Générations.s» le mouvement de Benoit Hamon pour qui vous avez voté à la présidentielle et avec lequel vous avez un socle de valeurs commun? Est-ce que vous n'avez pas peur de participer davantage à la division de la gauche avec votre parti ?
Il y a aussi un socle de valeur commun avec les verts. Justement, ce qui me frappe c'est que Benoit Hamon ou Yannick Jadot des verts n'arrivent pas à faire une liste commune pour les Européennes alors que nous savons tous que le péril est immense. Nous ne voulons pas être un mouvement politique de plus, nous voulons être le lieu où tout le monde discute. Les histoires et les rivalités d'appareil bloquent toute dynamique politique à gauche. Notre but c'est de réunir et discuter pour comprendre que sur le fond nos différences sont minimes par rapport aux enjeux. Nous ne pouvons pas dire que le péril écologique est immédiat et immense, nous ne pouvons pas dire qu'en 2030 nous allons basculer dans l'irréversibilité de la catastrophe climatique comme le dit le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), nous ne pouvons pas dire qu'il y a un péril réel de Salvini, Poutine et Le Pen qui est immédiat et qui menace réellement nos démocraties dans leurs principes les plus essentiels et d'un autre côté se contenter de rivalités d'appareil qui paralysent la naissance d'une offre sociale, écologique et politique. Nous ne sommes pas des professionnels de la politique, donc notre rôle c'est de formuler des idées et des propositions et demander ensuite aux autres avec lesquelles ils ne sont pas d'accord tout en se demandant pour quelle raison nous nous opposons électoralement les uns aux autres. Le but est depuis le début très clair, c'est précisément parce que ces partis n'arrivent pas à faire union que nous avons créé notre mouvement.
Dans votre communiqué de presse, vous écrivez «remettre les citoyens au cœur de l'action publique, pour reprendre la maîtrise de notre destin, pour renouer avec la promesse républicaine d'égalité si souvent trahie, quelles que soient nos origines, nos croyances ou notre lieu de résidence». Cela rappelle le fonctionnement au départ du mouvement En Marche ! ?
C'est l'opposé, nous, nous souhaitons avoir une clarté idéologique et proposer une transformation radicale des systèmes socio-économiques. Nous partons de l'urgence écologique et de la transformation de la société. En Marche avec le «en même temps» c'est depuis le début un attrape-tout, fondé sur le flou écologique et dont le seul objectif c'est l'élection de son créateur Emmanuel Macron. Je vous rappelle qu'En Marche sont les initiales d'Emmanuel Macron, là le parti ne s'appelle pas RG (rires) ! C'est une démarche qui est d'emblée collective et qui se fonde sur la clarté du projet et de la vision. Nous n'allons pas être dans le «en même temps», nous allons essayer de réunir autour d'un projet qui tranche car la politique c'est savoir trancher et donc le «en même temps» quand il se heurte à la colère sociale, quand il se heurte à la catastrophe climatique, ce «en même temps» devient un simple élément de contradiction. Donc En Marche, c'était largement un projet post-politique pour un homme et donc l'enjeu c'est de s'émanciper de ces questions électorales et du système présidentiel français pour se demander quelle est l'offre politique. Bolsanora, Trump, Salvini, leurs offres sont cohérentes, ils sont anti démocratiques, contre les libertés, écocides et xénophobes. Il faut donc une offre cohérente opposée qui soit à la fois démocratique et soucieuse de la transformation écologique pour être l'antithèse d'En Marche. En Marche n'ont pas réussi à proposer une offre politique claire et aujourd'hui ils le payent. Dans le «en même temps» de Macron, il n'y a pas d'offre cohérente.
Le Monde diplomatique écrit qu'avec vous «un nouveau Macron est possible». Ça serait donc La République En Marche pour le centre droit et vous avec «Place Publique» pour le centre gauche ? Vous pensez que c'est la fin des partis politiques dits traditionnels qui laisseraient place à des mouvements citoyens ?
C'est un article émaillé d'erreurs qui disait par exemple que j'avais soutenu Macron ce qui est complètement faux ou Sarkozy. Nous ne sommes pas dans la même démarche, à «Place Publique», il n'y en a aucun qui veut être Président de la République ! Moi je crois aux idées, et c'est peut-être naïf, mais moi je suis sûr que ce sont les idées qui vont nous permettre de remporter des victoires politiques. L'objectif est de formuler une offre idéologique qui soit claire, Macron c'est juste une parenthèse, ce n'est pas le nouveau monde, c'est la fin du vieux monde et nous ignorons ce qu'il va se passer après et qui sera l'alternance à Macron ! La gauche, la droite qui sont dans les limbes ? Ça sera probablement l'extrême droite, c'est pour cela qu'il faut qu'une force politique cohérente émerge pour faire face à la cohérence adverse et ça c'est profondément anti-macronien. Macron c'est quelqu'un qui ne croit pas en la politique fondée sur une idéologie pour lui c'est sectaire et vieux jeu, nous nous pensons l'inverse au contraire, c'est ça la politique, le reste c'est de la communication. Dès les premières crises, nous réalisons la faiblesse de l'offre politique proposée par Macron.
Ces dernières années, plusieurs mouvements citoyens ont émergé. Il y a eu Podemos en Espagne, le mouvement 5 étoiles en Italie. En France, il y a eu Nuit Debout, maintenant les gilets jaunes. Et avant l'Europe il y a eu aux Etats-Unis «Occupy Wall Street» en 2011 qui dénonçait déjà les dérives du système capitaliste. Mais aucun de ces mouvements, aux tendances différentes, n'a pu changer la donne économique. Comment pensez-vous y arriver ?
Si quelqu'un prétendait avoir la recette magique, ça serait un menteur ou un fou! Nous, nous allons essayer jusqu'à que ça prenne ! Nous pouvons apprendre des erreurs. « Nuit Debout » et Occupy Wall Street » n'ont pas réussi à se structurer par la suite en mouvement, c'est pour ça que d'emblée, nous n'avons pas voulu lancer juste un appel mais nous avons choisi de nous structurer en mouvement politique et citoyen. Le but est de proposer une offre politique claire avec un rassemblement aussi large que possible et faire attention au sectarisme. Il faut avoir une offre politique claire, mais aussi agrégér des gens qui viennent d'horizons différents. Au moment de notre création lors de l'Assemblée générale, nous avons demandé à chacun pour qui il avait voté aux dernières élections, et le résultat était un tiers Mélenchon, un tiers Hamon et un tiers Macron. L'idée c'est d'avoir au départ la base la plus large possible pour produire une vision cohérente.
Toutes ces élections qui vous inquiètent de l'Italie en passant par le Brésil ont été possibles notamment grâce à un discours anti-migrants et climatosceptique. Comment rendre le discours inverse, donc le vôtre, audible, y compris en France où ces deux questions cristallisent les tensions ?
Nous sommes minoritaires, il ne faut pas le cacher, mais il va falloir que nous nous évertuions à les rendre audibles ! Aujourd'hui, personne n'assume un discours d'ouverture sur les questions migratoires et c'est plutôt un miracle que plus d'un tiers des Français continuent à être pour l'accueil quand aucune parole publique cohérente et forte n'arrive en soutien à cette question-là. C'est le résultat d'une démission politique et d'une démission intellectuelle. Le vivre ensemble était un slogan de la gauche, alors que la gauche acceptait de vivre séparée ! Il va falloir que ça soit plus qu'un pince avec une main jaune et d'un concert hip-hop avec les sommités culturelles de ce pays !
Pendant longtemps, nous avons refusé de se poser certaines questions, il faut ouvrir nos ports aux migrants et montrer que nous sommes capables d'intégrer et d'accueillir ! Pour réussir ça il faut avoir un projet fédérateur, il faut avoir un horizon collectif pour savoir à quoi nous allons nous intégrer. Aujourd'hui, si vous naissez dans une société complètement individualiste, évidemment l'intégration sera difficile, parce qu'il n'y a pas de projet mobilisateur commun qui permette aux gens d'origines différentes de participer à une aventure collective qui s'appellerait la France. C'est ça qu'il faut recréer ! En ré-enchantant la République et en mettant la République partout nous pouvons y arriver, c'est un travail de titan mais nous voulons essayer ! Nous n'avons pas le droit de ne pas essayer ! Sinon quelle est la solution ? Eriger des murs partout ? Il faut se poser la question aussi de quelle est l'alternative !
Dans votre équipe, il y a Claire Nouvian, qui avait réussi à gagner un combat contre les lobbys pour interdire la pêche en eau profonde. Dans votre premier meeting à Montreuil elle a dénoncé
«la consanguinité entre les lobbys et le pouvoir» faisant écho à la critique de Nicolas Hulot que vous avez soutenu. Vous avez parlé d'une «distance radicale avec les lobbys». Les politiques sont-ils impuissants face aux lobbys ou est-ce une question de volonté ?
C'est la question de la volonté politique, c'est la question du projet politique. C'est possible de lutter contre les lobbys, mais pour cela il faut rétablir la légitimité de la puissance publique avec un projet clair de transformation de la société. Toute la puissance des lobbys, c'est la démission des politiques ! L'argent a le pouvoir quand il n'y a plus de projets mobilisateurs, ce sont les politiques qui ont renoncé au pouvoir, ce n'est pas une fatalité ces lobbys. Les lobbys ne peuvent rien si jamais il y a un pouvoir politique clair qui applique son programme et qui a la légitimité des urnes, la légitimité du nombre et la légitimité des institutions. Ce sont les politiques qui ont renoncé à leur propre pouvoir, ce ne sont pas des forces extérieures qui ont tout d'un coup pris le pouvoir.
Pour être à la hauteur du combat contre le réchauffement climatique, l'écologie doit-elle forcément être punitive ?
Il faut une politique punitive contre les grands groupes qui mènent la planète au désastre. Les cinq plus grandes compagnies pétrolières au monde ne respectent pas leur propre cahier des charges donc nous ne pouvons pas nous respecter les accords de Paris ! Il faut entrer dans un rapport de forces avec ces grands groupes qui polluent la terre ! Mais l'écologie ne peut pas être que punitive, il faut aussi que ça soit un horizon positif de transformation de nos sociétés, bénéfique potentiellement pour chacun d'entre nous. Il y a donc du punitif vis-à-vis de ceux qui profitent de ce système qui détruit la planète et surtout il y a un récit de transformation positive à produire ! Ça marchera si les gens sont mus à la fois par une forme de peur et par une forme d'enthousiasme que nous proposons à travers l'écologie politique car chacun aura une place et surtout chacun pourra vivre mieux. C'est ça l'enjeu : montrer que ce qui est punitif peut socialement être bénéfique mais cela suppose que les transformations écologiques soient pensées comme des transformations sociales, comme une marche vers l'égalité sociale.


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