Les Emirats Arabes Unis, premier investisseur au Maroc en 2024    Tarification des médicaments : les pharmaciens montent au créneau    Séisme d'Al-Haouz : Deux ans après le grand choc, les répliques tardives se poursuivent    SM le Roi présidera une veillée religieuse en commémoration de l'Aid Al-Mawlid Annabaoui Acharif    Tourisme : L'ONMT co-construit sa stratégie avec les professionnels du secteur    Benslimane: Lancement de l'opération de sélection et d'incorporation des nouveaux appelés au Service Militaire au sein du 40è contingent    Dislog medical devices : la nouvelle arme stratégique de Dislog Group    Benjamin Bouchouari en Turquie pour signer son prochain contrat    Tanjia, el plato tradicional de Marrakech hecho por hombres y para hombres desde el siglo XVII    El internacional marroquí Benjamin Bouchouari está a punto de unirse al Trabzonspor.    L'Boulevard 2025: Una 23a edición que presenta a 37 grupos    La police arrête à Ouarzazate un récidiviste pour usurpation de fonctions et escroquerie après une opération conjointe avec la DGST    L'Boulevard 2025 : Une 23e édition qui met 37 groupes à l'affiche    Œuvres d'art : Tanger accueille une vente aux enchères publique de Monsieur C    Le Maroc prépare une réforme majeure du décret sur la fixation des prix des médicaments, mais les débats sur le sujet s'annoncent houleux    Le Maroc inaugure la 5G commerciale en novembre, annonce l'Agence nationale de réglementation des télécommunications    CDG Capital : Amélioration notable du PNB consolidé à 482 MDH au 1er semestre    Médias. Les ivoiriens, accros à la télévision    Croissance : la fracture territoriale s'aggrave    Objectif 2050 : Le Nigéria veut rejoindre le cercle des nations développées    Plateforme régionale de réserves : 29 MDH pour la réalisation de deux abris à Agadir    Football des ombres : quand l'argent dicte les règles, le rêve devient piège    De Chelsea au chômage : le parcours contrarié de Sami Tlemcani    Cinéma : le FIFM lance un programme pour structurer son soutien    Chine : l'été 2025 a été "le plus chaud jamais enregistré"    Abou Dhabi prévient contre l'annexion israélienne de la Cisjordanie qui compromettrait les Accords d'Abraham    Ryanair transfère au Maroc des appareils retirés d'Espagne en marge de sa querelle avec Aena    L'Istiqlal ouvre une brèche au sein de la majorité sur fond de débat budgétaire    USA: le Congrès face au risque d'une paralysie budgétaire    Afro Basket U16 Rwanda 25 : Les Lionceaux entament la compétition cet après-midi    UNICEF : Six millions d'enfants menacés de déscolarisation en 2026 (UNICEF)    Températures prévues pour le jeudi 4 septembre 2025    Qualifs africaines CDM 2026 : La J7 débute cet après-midi    Qualifs africaines CDM 26 / Arbitrage : Un quatuor marocain pour Mali-Comores à Berkane    Maroc–Etats-Unis : exercice naval conjoint à Casablanca pour renforcer la sécurité portuaire    Le Grand stade de Marrakech, un joyau architectural qui fait peau neuve    Le Maroc accueille le troisième RallyClassics Africa du 12 au 17 septembre 2025    En présence de Poutine et du dirigeant nord-coréen, la Chine organise un gigantesque défilé militaire à l'occasion de l'anniversaire de la victoire sur le fascisme    Le président chinois : pas de paix mondiale sans éradiquer les racines des guerres et bâtir des relations équilibrées    Gad Elmaleh signe «Lui-même» son retour à Casablanca    Mostra de Venise : «Out of School» de Hind Bensari primé au Venice Production Bridge    Cheptel national : le PPS interpelle le ministère sur des écarts jugés "inexplicables"    Casablanca approuve une convention pour accélérer la réalisation de l'Avenue royale    La police saisit 7 650 comprimés et 962 grammes de cocaïne à Casablanca, une arrestation    Millennium Challenge Corporation retient le Maroc parmi les candidats à son programme 2026    13eme édition du festival international Malhouniyat d'Azemmour : 3 soirées mettant à l'honneur l'art, le savoir et la célébration identitaire    7 ème Art : Entrée en vigueur de la réforme du CCM et de l'industrie du cinéma    Le festival le plus attendu de l'automne dévoile son line-up et invite à prolonger l'été à Essaouira !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Valeur littéraire, valeur marchande : Le Best-seller témoigne de l'écrivain comme marque
Publié dans L'opinion le 31 - 08 - 2022

L'Institut français de Rabat avait organisé une campagne d'affichage à travers les stations de tramway de Rabat pour une rencontre avec Leila Slimani. Sur le modèle des campagnes publicitaires pour les marques afin d'attirer les consommateurs et des artistes en tournée, c'est une campagne publique qui s'était déployée en dehors de l'enceinte de l'Institut français de Rabat et des lieux culturels en général.
L'action est remarquable en soi car il s'agit d'une première : un écrivain à l'affiche dans une station de tramway comme une marque de voiture ou une lessive, un chanteur en tournée ou une troupe de théâtre, est assez rare et inexistant au Maroc pour ne pas être signalé comme un acte précurseur d'une littérature dont l'écrivain s'impose comme une marque.
En France, pour ne citer que ce pays pour sa proximité et la fonction de modèle qu'il joue pour l'édition et l'action culturelles, les couloirs du métro, des stations de bus, envahis par des affiches d'écrivains est un spectacle courant qui témoigne du succès en librairie des heureux « affichés ». Les romanciers médiatiques sont nombreux et des philosophes à l'instar de Bernard-Henri Lévy assurent sans doute le retour sur investissement des éditeurs pour ne pas bénéficier d'un traitement privilégié auquel contribue de façon importante la presse dans son ensemble.
Marie-Ève Thérenty et Adeline Wrona, spécialistes des relations entre journalisme et littérature, n'hésitent pas à écrire dans « L'Ecrivain comme marque : « Le système d'annonce d'un nouveau roman avant la publication est un effet de lancement comparable à celui d'un nouveau produit dans le commerce général. C'est une sorte de teasing ».
Comme l'écrit, par ailleurs, Hugo Lallier « Les auteurs à succès sont des valeurs sur lesquelles les maisons ne rechignent pas à concentrer leurs efforts, et ces signatures assurent des ventes qu'aucun directeur de collection ne néglige. Mais à force de voir les éditeurs capitaliser sur le nom des vendeurs de best-seller, les écrivains ne seraient-ils pas en passe de devenir des marques ? ».
En France où ils sont édités et au Maroc où ils sont lus, Leila Slimani et Tahar Ben Jelloun, sont devenus des marques.
La marque Leila Slimani, du moins au Maroc, a été rendue populaire avec un livre, apparemment de commande, comme « Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc ». Le Best-seller de Leila Slimani au Maroc n'est certainement pas « Chanson douce » ou « Dans le jardin de l'ogre », la parution « Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc » a contribué à la faire connaitre d'un large public auquel elle ne peut, sans doute, aspirer même avec sa trilogie dont les 2 premiers volumes ont déjà été publiés, en attendant le 3ème, « Le pays des autres » et « Regardez-nous danser ».
« Dans un marché ultra-concurrentiel, tout auteur réfléchit à la manière d'exister comme une entité singulière.» et Leila Slimani, ce qui n'est pas condamnable en soi, s'y évertue, depuis la première œuvre... avec succès : "Chanson douce" pour lequel elle a obtenu le Prix Goncourt en 2016 s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires et traduit dans une quarantaine de langues. Et les chiffres ne sont pas figés.
Paru en traduction anglaise sous le titre « The Perfect Nanny », il s'est classé en tête de la liste des best-sellers de l'immense The Washington Post et passé la barre des 100.000 exemplaires. « Le pays des autres » a figuré dans le top 10 des livres les plus vendus en France, en 2021. Il s'est vendu à 251 153 exemplaires, avec cession de droits pour 27 pays.
Le hasard ne fait pas le best-seller... ou si peu
La part de sexualité dans l'œuvre de Tahar Ben Jelloun n'est pas minime. De « Harrouda », à « La nuit sacré », en passant par « L'enfant de sable », les portes sont ouvertes au fantasme et, d'une certaine manière, à la confirmation des « clichés » dont le lecteur français d'abord, francophone ensuite, meuble son esprit concernant la sexualité au Maroc, au Maghreb en général et dans les pays arabes et musulmans.
La sexualité devient ainsi l'épice dont il faut user, sans parcimonie, pour agrémenter le récit et donner ainsi un exposant de réalité à des représentations fantasmatiques sans commune mesure avec la réalité... Ce qui ne signifie pas que l'œuvre romanesque de Tahar Ben Jelloun n'est pas sans réalisme ! La valeur marchande acquise par Tahar Ben Jelloun ne remet pas en cause sa valeur littéraire. La sexualité n'est, bien entendu, pas la seule clé du succès de Tahar Ben Jelloun, sinon Abdellah Taïa l'aurait coiffé au poteau depuis longtemps, un Abdellah Taïa qui n'est pas dans le best-seller mais, peut-on dire, dans la vente d'estime, ce qui n'est pas un score à dédaigner.
En 1992, dans un entretien au quotidien Le Monde, Tahar Ben Jelloun affirme que dans les années 70 ses tirages se situaient entre 25 000 ou 30 000 exemplaires. Depuis « La nuit sacrée » et « L'enfant de sable », les chiffres ont explosé : « J'ai des chiffres pour les deux livres. Entre librairie, poche et club : 2,2 millions d'exemplaires en langue française ; il faut ajouter les traductions étrangères, en vingt-cinq langues. ». « Partir » en 2006 s'est écoulé à 75.000 exemplaires et « Sur ma mère », paru en 2008, à 55.000, alors que le titre « Au pays » a été de 45.000 exemplaires, titres qui n'exploitent pas - ou modérément !- la veine du cliché fantasmatique comme ont pu le faire « Harrouda », « L'enfant de sable » et « La nuit sacrée ».
En 1995, « Le Racisme expliqué à ma fille » est un immense succès de librairie et s'écoule à 400 000 exemplaires. Ce livre sera traduit en 33 langues, donnant, à l'époque, le statut enviable à Tahar Ben Jelloun d'auteur francophone le plus traduit au monde.
Ecrire un best-seller n'est pas un jeu de hasard comme le montre Jodie Archer dans « The Bestseller Code » qui s'est appuyé sur 20.000 livres, un millier d'ordinateurs et cinq ans de recherche pour arriver à cette conclusion.
Fatima Mernissi, Abdelkébir Khatibi, Abdallah Laroui ont fabriqué des best-sellers, mais n'ont pas bénéficié de campagnes publicitaires comme ont pu en bénéficier Leila Slimani et Tahar Ben Jelloun. De fait, ces auteurs ne sont pas Prix Goncourt, une distinction de prestige française, et moins encore dans les circuits de promotion des Instituts Français, au Maroc ou ailleurs.
Fatima Mernissi, Abdelkébir Khatibi, Abdallah Laroui sont des marques comme peuvent l'être les Roland Barthes, Michel Foucault, Alain Robbe-Grillet, Philippe Sollers, Kateb Yacine, Aimé Césaire, Gabriel-Garcia Marquez - et tant d'autres encore !- que le lecteur achète, en général, d'abord et avant tout pour le nom... comme il le ferait pour une marque de lessive qui a fait ses preuves. Bien entendu dans la catégorie « Essai », les chiffres donnent moins le vertige : c'est un peu les chiffres des produits de luxe qui exploitent des niches que les produits de grande consommation qui s'inscrivent dans une logique de consommation de masse.

Abdallah BENSMAIN


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.