Le syndrome du Maroc : une obsession médiatique algérienne révélée par la disparité de couverture entre les agences de presse des deux pays    Le Burkina Faso achève la formation de deux cents parachutistes grâce à l'appui du Maroc    Cinq chefs d'Etat africains à la Maison Blanche    Djibouti se dote de son tout premier Code du Numérique    OCP exporte son savoir-faire au Bangladesh    Le port Tanger Med Passagers encadre les flux estivaux dans le cadre de l'opération Marhaba 2025    Double reconnaissance ISO pour Bank of Africa    Gaz à effet de serre : l'UE fixe un objectif "flexible" de réduction de 90% des émissions à l'horizon 2040    L'historien algérien Mohamed Lamine Belghit condamné à cinq ans de prison au terme d'un procès expéditif pour «atteinte à l'unité nationale»    Essaouira accueille la 2ème étape du Championnat du Maroc de Kitesurf Strapless    La DGSN marocaine, la DNPJ française et la police espagnole saisissent plus de quinze tonnes de résine de cannabis dissimulées dans un camion de pastèques    La justice marocaine place une mineure reconnue coupable dans le dossier lié à Hicham Jerando sous liberté surveillée    Relancer la recherche scientifique au Maroc : priorité au financement et à l'humain    L'ADN d'un Egyptien de l'Ancien Empire révèle des origines marocaines et mésopotamiennes    Le ministère de la culture soutient 379 projets d'édition et du livre pour plus de onze millions de dirhams en 2025    Biens culturels. La Côte d'Ivoire et la Suisse s'accordent    Tanger : Le caftan marocain brille lors de la Luxury Network Morocco    Rabat : L'OPM organise une semaine de concerts gratuits pour célébrer la musique classique    Chicago : 4 morts et 14 blessés dans une fusillade de masse    CNP : vers un nouveau cadre pour une presse plus structurée    CAN 2025 : Fouzi Lekjaa dévoile les ambitions du Maroc et envoie un message d'unité    L'Atalanta et l'OM se disputent les faveurs de Nayef Aguerd    Elodie Nakkach : Pas de pression inutile, juste l'envie d'aller loin    Essam El-Hadary, une momie en panique face au Roi Yassine Bounou    Maroc–Guatemala : Cap sur un partenariat renforcé    Séville 2025 : L'AES affirme sa souveraineté et salue le rôle du Maroc dans le développement régional    Algérie : Le FMI alerte sur l'urgence d'un ajustement économique    Températures prévues pour le vendredi 04 juillet 2025    La réforme de la Moudawana est une dynamique continue portée par la Vision Royale    Le Maroc à l'épreuve d'un risque climatique devenu structurel    Le Forum de l'IFSB plaide pour des réformes structurelles pour renforcer la résilience de la finance islamique    La DGSN contribue à l'interception de 15 T de cannabis en Espagne    Sahara : le Guatemala considère le plan d'autonomie comme "l'unique base" pour la résolution du différend    Le président de la Fédération kabyle de football écrit : Quand une interview devient un chef d'accusation de terrorisme en Algérie    L'attaquant portugais Diogo Jota et son frère meurent dans un accident de la route en Espagne    Commerce extérieur : baisse de 3,5 % des importations au premier trimestre 2025    Le géant chinois Xiaomi annonce officiellement la création de sa filiale au Maroc et vise le marché africain via Rabat    La ville marocaine de Chefchaouen renaît en Chine : une réplique fidèle de la ville bleue au cœur de Harbin    La finale de la Coupe du monde des clubs pourrait se jouer à 9h du matin    Mauritanian and Algerian armies meet in Tindouf after Polisario attacks on Es-Smara    Vigilance, réactivité et sens aigu du temps réel : les services sécuritaires marocains déjouent toute velléité terroriste    Espagne : Comme en 2023, Sumar oublie le Polisario dans ses négociations avec le PSOE    Presse : le délai de dépôt des demandes de l'aide publique prolongé jusqu'au 30 septembre    Feu Mohamed Benaïssa désigné personnalité de la 20e Foire internationale du livre d'Alexandrie    Tanger: Le groupe allemand "ZF LIFETEC" inaugure une nouvelle usine de production de systèmes de volants    Renforcement de l'alliance défensive entre le Maroc et les Etats-Unis ouvre la voie à un partenariat stratégique plus profond    Alerte météo : Vague de chaleur avec chergui et fortes averses orageuses, de mercredi à samedi dans plusieurs provinces    CAN féminine (Maroc-2024): « les joueuses ont hâte d'entamer la compétition » (Jorge Vilda)    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les tirailleurs : une leçon d'histoire pour réinventer l'avenir
Publié dans L'opinion le 13 - 01 - 2023

Si le film Tirailleurs de Mathieu Vadepied, sorti début janvier 2023, a le mérite de mettre en lumière cette page du passé encore peu connue, il fait aussi le choix de passer sous silence certaines réalités inhérentes à l'histoire de ces soldats sub-sahariens, mais aussi maghrébins, qui ont combattu pour l'armée coloniale en 14-18, comme dans ce récit, mais aussi en 39-45, dans les combats de l'entre-deux-guerres, et lors des guerres d'indépendance.
Simple devoir d'égalité
Tirailleurs dépeint un environnement de guerre qui laisserait penser que soldats africains et français coexistaient en toute égalité, comme le suggèrent le parcours du jeune Thierno et le prétendu rapport de confiance qui s'est établi aussitôt avec son lieutenant. Or cela relèverait de l'anecdote plutôt que de la réalité dans un pareil contexte historique, l'histoire des tirailleurs regorgeant malheureusement d'exemples criants de discrimination, à commencer par la disparité des pensions militaires qui a fait que nombre d'entre eux sont morts dans la précarité.

Différemment du sort du personnage Thierno, Adolphe Saer, ancien tirailleur, lui, raconte avoir été rétrogradé plusieurs fois, pour son franc-parler et son « esprit révolutionnaire ». Il déplore aussi, dans ce témoignage vibrant extrait du documentaire de Marie Thomas-Penette et François-Xavier Destors Thiaroye 44, la maigreur de son indemnité, pas tout à fait comparable à celle de ses copains de guerre blancs.
Dans le même sens, pour citer le capitaine Raymond du film poignant Camp de Thiaroye d'Ousmane Sembene : « Vous n'allez pas me dire que c'est en escroquant un millier d'indigènes que la France pourra se construire [...] Il ne s'agit pas de générosité mais de justice ». Une réplique qui en dit long sur le chemin de reconnaissance qu'ont dû parcourir les tirailleurs, ces hommes que l'armée coloniale est allée chercher dans leurs villages au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée, ou au Niger... pour combattre dans ses rangs.
Sembene relate dans son œuvre les conditions de quasi-détention que les soldats noirs rapatriés de la seconde guerre vont subir à leur retour en Afrique avant leur 'libération' dans leurs villages respectifs. Pis, bon nombre d'entre eux finiront tués dans un massacre connu sous le nom de Thiaroye, orchestré par le haut commandement de l'armée coloniale. Rassemblés puis assassinés en masse à l'aube du 1er décembre 1944 pour avoir osé revendiquer ce qui leur est dû, et ce qu'on leur avait promis : pécules, primes de démobilisation et rappel de solde de captivité.
A son tour, l'enquête Thiaroye 44 citée plus haut, publiée en 2022, explore de manière documentée et esthétique la mémoire de cette tragédie à travers le regard neuf et passionné de trois jeunes artistes originaires de Thiaroye et d'un historien français, résolus à faire connaître ce drame où des zones d'ombre subsistent jusqu'à ce jour et rendent le deuil de ces tirailleurs difficile.
Solidarité africaine
Pour revenir à Tirailleurs, au-delà de certains anachronismes dans le récit, on peut ressentir une authenticité dans la façon de relater l'enrôlement de force dans ce village sénégalais. Il s'ensuit un narratif émouvant autour de la relation père-fils dans les tranchées. Une relation sous le signe du sacrifice et des valeurs de la famille, centrales dans les cultures africaines.
Cependant, alors que le film donne à voir une image parfois édulcorée de l'armée coloniale, comme pour redorer son blason, il exagère, sans fondement, des scènes d'inimitié ou de violence entre soldats africains, qui entretiendraient des rapports opportunistes entre eux voire s'entre-tueraient à la première occasion. Un bien triste stéréotype qui cache souvent, jusqu'à nos jours, des réalités plus complexes.
Il n'y a nul doute, au contraire, sur la solidarité qu'il a pu y avoir entre tirailleurs que ce soit sur le front, ou post-guerre, comme le raconte vraisemblablement Camp de Thiaroye en décrivant les revendications communes des soldats, et la fraternité dont a fait preuve le personnage du sergent-chef Diatta en se ralliant à la cause de ses hommes.
Vers une décolonisation des perceptions
Tirailleurs est à saluer ne serait-ce que pour son caractère pionnier parmi les films grand public, et pour le débat de société qu'il suscite. Il ne s'agit pas de lui faire le reproche de ne pas servir de documentaire d'histoire, mais il convient, par souci de vulgarisation d'un sujet portant une aussi grande charge historique que celui des tirailleurs, d'aller au-delà de la voix « timide » de ce film, pour ne pas manquer la singularité même du sujet : le racisme et les injustices associés à la condition du soldat africain dans l'histoire coloniale.
L'exemple des tirailleurs, dans son amertume, nous donne une leçon d'histoire à méditer pour appréhender l'avenir. Le chemin vers la décolonisation des imaginaires ne commence-t-il pas par faire œuvre de mémoire, et élargir la connaissance et la conscience de l'histoire, dans toute sa crudité parfois ? C'est ce qu'entreprend déjà une nouvelle génération africaine avide de vérité et de justice, et convaincue de son apport aux grands enjeux de notre monde.

Soha Benchekroun


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.