L'association Les Citoyens a présenté, ce jeudi 17 juillet à Rabat, les résultats d'une vaste enquête nationale inédite sur la perception qu'ont les jeunes Marocains de l'engagement citoyen. Menée pendant plus d'un an dans les 12 régions du pays, cette étude qualitative et quantitative, fondée sur plus de 1.100 réponses, dresse un portrait nuancé d'une jeunesse investie, critique, et en quête de reconnaissance institutionnelle. Fruit de plus d'un an de recherche participative, le rapport intitulé « Comment les jeunes voient-ils l'engagement citoyen ? » s'appuie sur un échantillon représentatif de jeunes âgés de 19 à 24 ans, issus aussi bien de zones urbaines que rurales (46% de localités rurales ou semi-urbaines). L'échantillon, composé majoritairement d'étudiants, inclut également des salariés, des fonctionnaires, des entrepreneurs et des jeunes sans emploi ni formation. Cette diversité a permis de recueillir des données précieuses sur les attentes, les doutes et les formes d'engagement d'une jeunesse souvent mal comprise.
Contrairement aux stéréotypes qui les présentent comme déconnectés, les jeunes Marocains se montrent fortement impliqués dans la vie de leur communauté : 72% d'entre eux déclarent avoir participé à une initiative citoyenne. Toutefois, cette participation reste largement informelle et non reconnue par les instances officielles. Les formes classiques de la participation institutionnelle – telles que les pétitions, motions ou conseils consultatifs – restent méconnues ou perçues comme inaccessibles : 42% des jeunes n'ont jamais eu recours à ces dispositifs, jugés trop lourds ou éloignés de leur réalité.
Une méfiance envers les institutions
L'étude livre un constat sans appel : plus de 70% des jeunes interrogés se disent méfiants envers les institutions et les élus. Un sentiment renforcé par la complexité des procédures administratives et l'absence de retour concret de la part des autorités. Le sentiment d'être "invisible" est récurrent : beaucoup d'initiatives citoyennes locales, bien que porteuses de changement, peinent à trouver des relais ou un appui institutionnel.
Le rapport met en évidence le rôle central du numérique dans les nouvelles formes d'engagement : près de 70% des jeunes utilisent les réseaux sociaux pour promouvoir des causes ou s'informer sur des enjeux citoyens. Toutefois, cette mobilisation en ligne ne se traduit que rarement par une participation à des mécanismes formels. La fracture numérique reste un obstacle : absence de connexion Internet dans certaines zones, plateformes trop complexes, manque d'interactivité avec les institutions.
Au-delà du constat, le rapport formule des recommandations concrètes : intégrer l'éducation à la citoyenneté dans les programmes scolaires, créer des commissions "jeunesses" communales, instaurer des budgets participatifs dans chaque région, ou encore soutenir les initiatives informelles à fort impact local via un fonds dédié. La transformation des maisons des jeunes en hubs civiques fait également partie des propositions.
Une jeunesse porteuse de propositions concrètes
L'association Les Citoyens pour l'intelligence collective. Au cœur de sa démarche : les Cafés Citoyens, espaces de dialogue qui, en plus de leurs 1.000 éditions organisées au Maroc et à l'étranger, nourrissent une démocratie participative émergente. Un réseau de plus de 200 ambassadeurs, porteurs de projets communautaires, anime ce dispositif.
Plus récemment, les "Labs Citoyens" ont été lancés pour permettre aux jeunes de co-construire des solutions autour de trois axes prioritaires : éducation, employabilité et engagement civique. Ces solutions seront discutées dans le cadre d'un hackathon national d'innovation citoyenne, en prévision des élections de 2026.
Ce rapport se veut, selon l'association, un plaidoyer pour une meilleure considération des jeunes dans les politiques publiques. Il interpelle les décideurs sur l'urgence d'une gouvernance plus inclusive et participative, capable de mobiliser les énergies de cette jeunesse déterminée à contribuer activement à l'avenir du pays. Les Citoyens rappelle, en ce sens, que le développement du Maroc passe nécessairement par la reconnaissance de toutes les formes d'engagement et la création de passerelles concrètes entre la société civile et les institutions.