À Hay Mohammadi, le bitume fissuré, l'éclairage défaillant et l'insalubrité témoignent d'un quartier en quête de renaissance. Mais encore? Dans les ruelles de Hay Mohammadi l'usure du temps saute aux yeux au travers du bitume craqué, des lampadaires vacillants et des trottoirs rongés par l'abandon, ce qui trace un quotidien rude pour les habitants de ce quartier emblématique. Jadis poumon ouvrier et foyer de luttes sociales, ce quartier semble aujourd'hui payer le prix d'un long laisser-aller institutionnel. Le décor n'a que peu changé depuis plusieurs décennies. Certaines rues, comme celles bordant l'ancien complexe industriel ou les abords du boulevard El Fida, ressemblent davantage à des parcours d'obstacles qu'à des voies urbaines. Les nids-de-poule, parfois profonds de plusieurs centimètres, forcent piétons et automobilistes à des slaloms permanents. « Même les taxis refusent parfois d'entrer dans certains coins, surtout la nuit », raconte Hicham, un jeune du quartier, excédé par l'état des routes. La nuit, justement, révèle un autre visage de la détérioration. Là où l'éclairage public fonctionne encore, la lumière est faible, tremblotante. Dans plusieurs zones – notamment les ruelles proches de Hay Jdid ou près des anciens entrepôts – les lampadaires sont totalement hors service. L'obscurité entretient un sentiment d'insécurité palpable, en particulier pour les femmes, les personnes âgées et les enfants. « On ne sort plus après 20h, sauf en cas d'urgence », glisse Fatiha, mère de deux collégiens. Mais c'est aussi sous terre que les maux s'accumulent, car le réseau d'assainissement, posé à l'époque coloniale puis élargi au fil des extensions urbaines des années 1960, peine aujourd'hui à remplir son rôle. De plus, à chaque fortes précipitations pluviométriques, certaines artères sont inondées. Par conséquent, l'eau remonte des caniveaux, stagnante et insalubre. «Les égouts débordent, les enfants marchent dans l'eau sale pour aller à l'école», déplore un habitant du secteur industriel. Pourtant, les autorités ne restent pas totalement inactives, car le conseil d'arrondissement de Hay Mohammadi a d'ores et déjà débloqué un budget conséquent pour entamer une série de réaménagements ciblés. Les travaux, encore timides, ont démarré sur certaines voies prioritaires, notamment autour du boulevard El Fida. Une modernisation de l'éclairage LED a été lancée sur trois axes principaux, et plusieurs points noirs de l'assainissement sont actuellement à l'étude dans le cadre d'un audit technique piloté par Casa Aménagement. Houda BELABD Le changement, c'est maintenant ! Les initiatives locales tentent de redonner souffle au quartier, et des associations citoyennes, souvent animées par des jeunes du cru, organisent des campagnes de nettoyage, des replantations dans les rares espaces verts existants, et mènent des actions de sensibilisation sur la propreté urbaine. Une poignée d'entre elles a même réussi à obtenir des appuis logistiques d'entreprises privées pour réaménager certains terrains vagues en aires de jeux ou petits jardins publics. Des gestes modestes mais symboliques. Mais les habitants attendent plus. Car derrière chaque fissure dans le trottoir, chaque éclairage défaillant, c'est une mémoire collective qui s'effrite. Hay Mohammadi, haut lieu de l'histoire sociale marocaine, ne mérite pas cet oubli silencieux. Si les premières pierres du changement ont été posées, elles doivent s'inscrire dans une logique durable. Le quartier a besoin d'un plan d'ensemble, pensé avec et pour ses habitants, et non de simples interventions cosmétiques. « Ce n'est pas d'un coup de peinture dont on a besoin, c'est d'un vrai respect pour les gens qui vivent ici », tranche Saïda Lemâallem, militante associative.