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Khadija Rajy historienne, Faculté de lettres d'Agadir : « L'immense œuvre de Mokhtar Soussi est aujourd'hui unanimement saluée »
Publié dans L'opinion le 01 - 03 - 2014

Historienne enseignant à la Faculté de lettres d'Agadir, Khadija Rajy avait participé au colloque commémorant le cinquantième anniversaire de la mort de Mokhtar Soussi où elle a parlé d'une enquête avec les étudiants sur le phénomène de piété dans l'espace de la tribu d'Ida Ou Semlal. Entretien :
L'opinion : Quelle est la situation géographique
de l'espace Ida Ou Semlal et sa configuration ?
Khadija Rajy : En ce qui concerne la situation géographique, la tribu d'Ida Ou Semlal fait partie de la confédération des tribus dite Ida Ou Ltit. Son espace s'étend à partir des massifs de l'Anti-Atlas et occupe les espaces montagneux de Jazoula. Elle dépend administrativement de Tiznit et s'étend de cette ville sur la route menant vers Tafraout. Après avoir dépassé les célèbres virages de Kardous le voyageur pénètre dans l'espace d'Ida Ou Semlal qui s'étend dans une vallée au milieu de l'Anti-Atlas. La tribu Ida Ou Selmal comprend de nombreux douars et villages dont Boumerouane, Ighalen N'Ait Abbas, Toukhfist, Tagdicht Ait Abbas et d'autres.
La confédération Ida Ou Ltit comprend trois tribus Ida Ou Baakil, Ida Ou Karsmouk et Ida Ou Semlal. Du fait de la position de la tribu Ida Ou Semlal aux avant-postes de l'entrée sud ouest de l'Anti-Atlas, elle figurait parmi les premières régions des montagnes de Jazoula à s'ouvrir aux migrants arrivant du Nord. C'est pourquoi la région de Ida Ou Semlal est parmi les premières régions montagneuses à avoir embrassé la religion musulmane et aussi celle qui avait accueilli par la suite les familles andalouse qui portaient le flambeau du savoir dans la région. L'histoire d'Ida Ou Semlal est celle d'un mouvement démographique qui a été à l'origine de l'apparition de nombreuses familles savantes et soufies dans cette région.
L'opinion : Vous avez entamé un travail
d'enquête sur l'aire de sainteté à Ida Ou Semlal. De quoi s'agit-il ?
Khadija Rajy : Nous avons entamé ce travail d'enquête avec les étudiants de la Faculté de lettres. Ce que j'ai présenté surtout lors du colloque à Casablanca, c'est l'aspect méthodologique, c'est-à-dire comment orienter les étudiants pour travailler sur les zaouia, saints et piété à travers la recherche dans les sources de référence historiques d'une part et la recherche de terrain d'autre part. Parce qu'il y a un certain nombre de problèmes méthodologiques dont l'étudiant doit se rendre compte.
Le choix du thème et de l'espace géographique de recherche a pris forme à partir du dicton célèbre attribué à Sidi Hmad Ou Moussa qui parle du pays de Jazoula comme « une contrée qui fait naître saints et hommes pieux comme la terre fait bourgeonner de la mauve ». En examinant l'espace de Jazoula d'Ida Ou Semlal tout porte à croire que le dicton dit vrai. On en a pour preuve la multitude des sanctuaires. Notre rôle dans l'enquête c'est de préciser l'endroit où ils se trouvent et de redécouvrir leur légende gravée toujours dans la mémoire populaire. Il faut dire aussi que bon nombre d'hommes pieux Semlali on les découvre aussi hors de l'espace d'Ida Ousemlal. Leurs traces se trouvent jusqu'en Mauritanie.
L'opinion : Pourquoi ce thème précisément
plutôt qu'un autre ?
Khadija Rajy : Je suis spécialiste en histoire religieuse et mystique (soufisme) et travaille sur l'histoire des zaouias au Maroc, les tariqa (voies soufies) en particulier tariqa jazoulia. Par conséquent j'oriente les étudiants pour travailler dans ce domaine qui fait partie du substrat culturel marocain. Je travaille sur le soufisme non pas du point de vue de la foi et croyance religieuse mais plutôt sous l'angle de l'histoire et comme production intellectuelle et spirituelle, c'est-à-dire ce qui a été ajouté par ces hommes pieux à l'espace où ils se trouvent.
L'opinion : Quelle empreinte pour l'identité
de la région ?
Khadija Rajy : C'est un rayonnement d'abord local d'où l'importance de l'aspect du tourisme intérieur des Marocains. Par exemple l'attrait exercé par le rayonnement de Sidi Hmad Ou Moussa en a fait depuis toujours pour les Marocains ce qu'ils appellent « haj lamskine » pour tous ceux qui n'avaient pas les moyens matériels d'effectuer le pèlerinage à la Mecque. Cette croyance populaire témoigne de l'impact du lieu et du degré de sa vénération. Ces espaces connaissent jusqu'à aujourd'hui un pèlerinage continu même de la part des jeunes générations de toutes les régions du Maroc et aussi des résidents marocains à l'étranger, surtout l'été pour redécouvrir ces espaces qui exercent une fascination absolue du fait de l'histoire, des paysages, de la spiritualité et de la vie simple des gens du cru. Quand on parvient à fournir ces générations en données historiques dépoussiérées, on donne une valeur plus solide pour la connaissance du lieu. Un lieu avec une histoire est un lieu attachant. Les chercheurs peuvent à ce moment là se dire avec conviction qu'ils font œuvre utile.
L'opinion : Quelle part pour les femmes
dans votre travail ?
Khadija Rajy : J'ai donné en effet comme exemple de femmes saintes vénérée à Ida Ou Semlal, Ti'azza Selmalia qui a vécu au XIème siècle de l'Hégire correspondant au XVIIème siècle de l'ère chrétienne. Il s'agit de l'unique sainte à ma connaissance dotée d'un mausolée avec koubba. Un important moussem annuel lui est dédié. Le mausolée se trouve non loin de Jamaat Ida Ou Selmal sur la route de Boumarwane et il y a à côté une médersa. C'est une femme vénérée, elle-même fille d'un saint.
L'opinion : Est-ce qu'il y a une histoire ?
Khadija Rajy : En effet, il y'en a une. Dans la mémoire populaire on retient la légende de Ti'azza, une jeune fille orpheline restée avec sa mère après la mort de son père. Elle aurait vécu fin du 16ème début du 17ème siècle. Elle faisait paître un troupeau de chèvres et de moutons. Elle voyait que personne de la tribu ne venait s'enquérir de sa mère et d'elle-même. C'étaient deux femmes esseulées. Comme il n'y avait pas d'homme dans la maison pour les aider, Ti'azza faisait les travaux de ferme, s'occupait de bêtes et allait au souk pour vendre des produits de ses travaux pénibles. Elle vendait ses marchandises au milieu des hommes avec la tête ne portant aucun foulard pour couvrir ses cheveux. Un jour des gens outrés l'ont menée manu militari chez le Cadi prétendant qu'elle tenait impudiquement sa tête découverte au milieu des hommes. Pour sa défense elle leur répond fièrement comme rapporté par le récit oral de la mémoire populaire : « ceux qui sont vraiment des hommes et méritent mon respect ne sont pas là, car s'ils étaient là ils ne m'auraient pas laissée subir tant de désagréments et de peines pour soigner et nourrir ma mère ».
Selon la légende l'auditoire se rend compte de sa forte personnalité et du fait qu'elle était une femme savante s'étant abreuvé de sciences auprès de son père. Elle mena selon la légende une vie d'éducatrice au service de la communauté en transmettant son savoir aux jeunes générations pour montrer l'importance du devoir vis-à-vis d'autrui.
Meriem semlalia c'est une autre histoire de femme pieuse, elle aurait vécu vers la fin du 17ème siècle, il s'agit d'une histoire pleine de karamat, prodiges, il y a une recherche qui traite de cette personnalité. Les prodiges ne sont pas tous d'une facture fictionnelle sur le monde du féerique mais parfois c'est une enveloppe symbolique de la réalité pour essayer de dire des choses, le symbole permettant en l'occurrence de donner plus de force aux messages véhiculés par la légende.
L'opinion : Quelle est la part de femmes
dans le travail de sauvegarde de la mémoire
de Mokhtar Soussi ?
Khadija Rajy : Mokhtar Soussi c'est la première source de référence inégalable et il a évoqué beaucoup de femmes avec forces détails. Bien que le problème chez nous soit que les sources retiennent une mémoire en majeure partie masculine. On ne parle des femmes que si elles sont associées à un homme le père savant, l'époux ou le fils. Une femme qui retient l'attention par elle-même c'est plutôt rarissime. Même les saintes et savantes n'ont pas reçu l'intérêt qu'elles méritaient vraiment dans l'évocation de leur mémoire.
Les hagiographes daignent les évoquer en une ligne ou deux.
L'opinion : Que représente
pour vous Mokhtar Soussi ?
Khadija Rajy : Mokhtar Soussi est l'historien marocain le plus prolifique. En effet on ne voit pas chez d'autres historiens dans d'autres régions du Maroc une production avec une telle importance en nombre de livres écrits dans différent domaines si copieusement documentés. La particularité de Mokhtar Soussi c'est qu'il est leader dans le genre de la monographie basée sur l'enregistrement de renseignements et informations sur l'espace du Souss. Grâce à lui tout un pan du patrimoine historique oral et écrit est sauvegardé. Ne se contentant pas d'écrire il avait effectué des voyages pour connaître de près l'espace à décrire de façon à découvrir, dépoussiérer une histoire locale qui était sur le point de disparaître n'était la présence d'esprit de ce savant et son amour pour son pays.
L'immense œuvre de Mokhtar Soussi est aujourd'hui unanimement saluée, elle est considérée comme quelque chose de rare et difficilement dépassable au point qu'il est impossible aujourd'hui de parler des contrées du Souss et du Sahara sans revenir aux œuvres de Mokhtar Soussi.


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