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Le neuvième numéro de la revue Nejma dédié aux travaux d'Ahmed Bouânani : Une œuvre consacrée à la sauvegarde de la mémoire culturelle marocaine

Le dernier numéro de la revue «Nejma» est consacré au poète et cinéaste Ahmed Bouanani (1939-2011). Sous le thème «Comme la terre sous la pluie», il s'énonce comme le signe de la résurrection d'une œuvre longtemps ensevelie. Y prédomine une démarche de sauvegarde du legs de l'écrivain. Un avant-goût de cette démarche avait été donné lors de la réédition du roman «L'Hôpital» en 2012. Une présentation de ce travail collectif sera faite à l'Institut Français de Casablanca en présence de la fille d'Ahmed Bouanani et du directeur de la revue Pierre Hamelin vendredi 13 juin (19h30) avec projection du film «Mémoire 14».
Le dossier de «Nejma» s'ouvre sur un témoignage de la fille du poète, Touda Bouanani, qui veille à la diffusion et la préservation de l'œuvre du père mort en 2011. Il s'agit d'un projet qui vise à rendre possible le visionnement et la lecture de ses œuvres cinématographiques et littéraires. Poète, cinéaste, romancier, dessinateur et traducteur, Ahmed Bouanani fut un artiste d'une grande curiosité touchant à plusieurs domaines à la fois et d'une discrétion à toutes épreuves. D'où le fait que son œuvre écrite pour une bonne partie est restée inédite. La particularité de cette œuvre polymorphe c'est qu'elle puisait dans la culture populaire marocaine. Ce n'est pas fortuit s'il portait un intérêt particulier au conte, à la poésie orale et qu'il avait traduit en français les quatrains de Sidi Abderrahman Majdoub en 1977, travail resté inédit à ce jour.
Dans le nouveau numéro de Nejma publiée par la Librairie des Colonnes (Tanger), des textes inédits sont publiés dont deux nouvelles, une du genre fantastique intitulée «La Chronique resplendissante» et une deuxième du genre du réalisme noir «La Maison des Mokrane». Dans le même numéro est reproduit son texte «Introduction à la poésie populaire marocaine» qu'il avait fait paraître dans le 3ème numéro de la revue Souffle en 1966. Egalement, une nouvelle «Un homme avec sa sale gueule de Robinson» inspirée par la vie de Mohammed Khair-Eddine et où Bouanani décrit avec dérision et émotion, l'extrême solitude du poète dont la « mémoire ne retiendra sans doute qu'un instant de son existence aussi vain et illusoire à l'image d'un verre d'alcool vide ». Cette nouvelle avait été publiée par le journal Al Bayane en 1995 à la suite de la mort du poète. Il y a aussi un texte de Khair-Eddine «A propos des Persiennes d'A. Bouanani» qu'il avait écrit lors de la parution du recueil de poèmes «Les Persiennes» en 1980, article paru à l'époque dans les colonnes du journal «Le Matin du Sahara».
Sont en outre reproduits des textes d'entretiens que Bouanani avait accordés autour du thème du cinéma dont un réalisé par Noureddine Sail et l'autre par Mohamed Jibril. Dans ces entretiens on redécouvre le fin connaisseur du cinéma capable de décrire les travaux cinématographiques de tous bords intervenus au Maroc depuis le début du XXème et pendant le Protectorat sans oublier le cinéma marocain jusqu'aux années 1980. La connaissance de bien des recoins de cette histoire est parfois impressionnante offrant un panorama haut en couleur avec un travail fouillé de mémorialiste soucieux de donner du sens aux faits et événements relatés.
Le dossier comprend des textes de critique et d'analyse pour éclairer l'itinéraire et l'œuvre de Bouanani. Il s'agit de contributions de Omar Berrada, Ali Essafi qui revient en proximité amicale sur l'itinéraire du cinéaste au sein du CCM avec un témoignage intitulé «La Medersa Bouanania li cinéma al maghribia» où est décrit le drame du créateur face à l'administration et la censure d'une part et d'autre part la résistance qu'il oppose pour se préserver coûte que coûte contre l'aveugle agression des bureaucrates. Andria Geerz contribue avec un travail d'analyse sur la singularité du poète des «Photogrammes», M. Hajji avec un texte reproduit écrit lors de la première édition de «L'Hôpital» parue en 1990. De son côté David Ruffel insiste sur le cinéaste auteur de l'histoire du cinéma marocain. Pour clore le dossier une étude de Abdellah Stouky sur le travail du poète intitulée «La création bifide».
Il y a aussi un extrait du roman «L'Hôpital» traduit en arabe par Mohamed el Khadiri, traduction à paraître aux éditions Dar al Kitab. De même des extraits des quatrains du Majdoub traduits en français par Ahmed Bouanani en 1977. Un entretien datant de 1984 avec l'épouse de Bouanani, Naïma Saoudi (1947-2012) décoratrice, costumière, maquilleuse, assistante à la réalisation et au montage, productrice et aussi des fois actrice.
En ouverture du dossier Touda Bouanani, revient sur l'histoire du legs familial. Elle décrit l'appartement familial à Rabat qui regorge de souvenirs de réunions, ballets infinis de va-et-vient de visiteurs surtout lors de tournages cinématographiques où une « ambiance studieuse » régnait. En 2003, après le décès de Batoul, les parents de Touda quittent cet appartement pour aller s'installer dans le village Aït Oumghar près de Demnate (90 kms à l'Est de Marrakech). En 2006 le feu ravage l'appartement laissé fermé «brûlant le balcon où étaient rangés des films en 35 et 16 mm, des accessoires de grandes dimensions réalisés par ma mère Naïma Saoudi pour divers films...». A la destruction par le feu s'ajoutent les dégâts causés par l'eau déversée pour éteindre l'incendie. Des choses vont être sauvées dont des manuscrits, des films. Le feu rappelle étrangement celui qui eut pour cible le film de «Sidi Ahmed Ou Moussa» tourné en 1972 détruit lui sciemment par le laboratoire LTC de Saint-Cloud en France pour défaut de paiement du CCM...
Comment mettre à l'abri du danger de destruction ce qui reste ? Pour répondre à cette question Touda Bouanani décide de confier les œuvres écrites à des éditeurs dont « La Septième porte » une histoire du cinéma et «Le Voleur de mémoires» l'histoire de la famille du poète étendue sur un siècle. Pour le reste elle pense à la «nécessité d'organiser une structure associative afin d'archiver le travail de mon père...».
Une histoire du cinéma bien marocaine
David Ruffel qui a publié en 2012 le roman de Bouanani «L'Hôpital» (éditions Verdier, Paris) en coédition avec les éditions Dar al-Kitab à Casablanca, revient sur l'œuvre l'écrivain historien du cinéma que fut Bouanani avec son livre écrit en 1984 et resté inédit «La Septième porte». La septième porte selon la fable c'est la porte qui contient le secret et qui est frappée d'interdiction. Bouanani explique en préambule le choix de ce titre :
«Dans les contes populaires, il est toujours interdit d'ouvrir la septième porte. Nous cinéastes marocains de 1984, sommes les personnages imprudents de la tradition. Nous n'avons pas peur de voler la clef et de voir ce qu'il y a au-delà de cette fameuse porte : notre art... »
Aucune maison d'éditions ne prendra en charge cet ouvrage dont on découvre aujourd'hui l'importance. Plusieurs articles de presse en parleront tout au long des années dont l'entretien avec Mohamed Jibril «Mémorialiste d'un cinéma sans mémoire» (in Vision magazine n°9 janvier 1991). En vain pour une œuvre «boudée volontairement, se préservant pour une meilleure naissance» pour reprendre Adria Geerz.
Ahmed Bouanani pour expliquer son choix de faire œuvre d'historien de cinéma marocain et donc d'abords œuvre utile notait :
«En dehors d'articles épars dans des journaux et des revues, certains numéros spéciaux rares consacrés au cinéma du Maghreb, il n'existe nulle part à ce jour un ouvrage consacré entièrement au cinéma marocain».
De ce livre inédit, «La Septième porte» qui va donc enfin être publié, le poète cinéaste exprime sa passion d'artiste en restituant une image très originale du Marocain aux prises avec la modernité à travers le cinéma depuis les premiers balbutiements. Dans la revue on peut découvrir un extrait du livre très édifiant au style coloré, plein d'humour, de dérision, d'empathie. Il s'agit de belles pages sous l'intitulé «Mohamed Ousfour à la recherche du trésor perdu». Elles témoignant de l'itinéraire de Mohamed Ousfour depuis les années trente et quarante du XXème siècle, le jeune garçon «Tchiquio» vendeur de journaux «LaVigie» et «Le Petit Marocain» au quartier Maarif venant du quartier pauvre Qtaa Ouled Aicha non loin de Derb Ghallef, sa découverte du cinéma dans les salles obscures du quartier et le développement de son propre droit de rêver autour de l'image de Tarzan, l'achat avec ses économie d'une caméra 9 mm et son premier tournage de film de Tarzan marocain dans la forêt de Ain Diab. Pour bien des lecteurs ce texte jubilatoire pourrait constituer une découverte de l'écriture de Bouanani reconnue comme l'expression d'un style à part, un rythme, une musicalité, un univers particulier.
Ahmed Bouanani est né en 1939 au quartier Derb Soltane, à Casablanca, rue Mounastir où se trouvait la fameuse «maison aux persiennes». De 1961 à 1963 il poursuit des études de cinéma à Paris à l'IDHC section script-montage. Il entre à partir de 1966 au Centre Cinématographique Marocain en tant que monteur. Malgré la censure, il tentera l'expérience d'une passion créative héroïque assumée dans «des conditions d'une grande précarité» en moyens techniques et matériels. Avec en plus des films détruits ou perdus.
Le cinéaste visera la prise en charge de la culture marocaine avec une démarche «critique et poétique proche de celle de Pasolini». Il en découlera notamment des films tournés dans le Sahara «Tarfaya ou la marche d'un poète» (1966) et «Les Quatre sources» (1977). «Le Mirage» (1979) restera le film de long métrage qu'il a pu achever et qui le fera connaître du grand public. Auparavant il réalise « 6 et 12 » (1968) un film muet original qui montre des images de Casablanca du réveil vers six heures du matin à midi, sur le rythme du Jazz. Autre expérience un film sur la résistance contre l'invasion portugaise au Souss «Sidi Ahmed Ou Moussa» (1972) œuvre malheureusement perdue après avoir été longtemps oubliée dans un labo français. «Mémoire 14» (1971) est à l'origine toute une histoire. Marginalisé dans les archives par la direction du CCM, Bouanani profite de l'occasion pour explorer les vieux documents. Il en résulte ce film qui décrit le Maroc du XXème siècle en exploitant les archives cinématographiques coloniales détournées de leur orientation idéologique initiale. Là encore ce qui constituait une œuvre de sauvegarde de la mémoire marocaine sera en grande partie détruit.


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