Dans beaucoup de pays africains, en ce 21ème siècle, il ne fait pas bon d'être journaliste encore moins de dénoncer les délires et les langues de bois du pouvoir en place. Et beaucoup de correspondants, notamment des médias internationaux, payent de leur vie ou restent marqués à jamais à cause des sévices qu'on leur inflige lors de leur détention. Pendant leur arrestation, ou leur passage dans des commissariats aux méthodes musclés, ces correspondants subissent toutes sortes de maltraitance, de pratiques inhumaines. C'est ce qui est arrivé à Esdras Ndikumana, ce professionnel avéré et correspondant de Radio France Internationale dans un Etat de l'Afrique de l'Est, pour tout dire le Burundi. La mésaventure d'Esdras Ndikumana a commencé le 2 août 2015 lorsqu'il se rend sur les lieux de l'assassinat d'un proche du président, le général Adolphe Nshimirimana, l'un des piliers du système sécuritaire. Alors qu'il prenait des photos et faisait son travail de journaliste, Esdras Ndikumana a été interpellé par des agents du service de renseignement. C'est le début du calvaire car une fois dans les locaux de la police, il sera battu pendant deux heures. Ce 2 août 2015, tout le pays était sous le choc : l'un des plus proches conseillers du président venait d'être assassiné, victime d'une attaque à la roquette en plein centre de la capitale. Un fait qui ne pouvait laisser aucune personne indifférente. Esdras Ndikumana voulait rendre compte de cet événement en prenant des photos de la scène du crime. Pendant son passage à tabac, les coups ont été si violents qu'aujourd'hui encore, Esdras Ndikumana en garde quelques séquelles. Des bourdonnements dans les oreilles à cause d'un tympan perforé, une difficulté à rester debout à cause des nombreuses micro-fractures aux pieds ou des douleurs dans la main, cassée par les agents qui lui ont arraché son alliance. Deux jours de soins à Bujumbura, dans trois hôpitaux différents, puis pour des raisons de sécurité, Esdras Ndikumana quitte la capitale burundaise pour Nairobi au Kenya où il a pu recommencer à travailler. Aujourd'hui, il est en France où il a demandé asile politique. Il semble même qu'Esdras Ndikumana n'est pas un cas isolé puisque selon Reporter Sans Frontière il y aurait eu une quinzaine d'interpellations de journalistes. Certes, la plupart d'entre eux ont été relâchés après quelques jours de détention mais certains sont toujours détenus, sans avoir été présentés à un juge alors que le délai de garde à vue est largement dépassé. Malheureusement, c'est le risque du métier mais aussi le prix à payer d'une profession que l'on qualifie de quatrième pouvoir, indispensable à la consolidation de la démocratie et à liberté d'expression auxquelles aspire cette jeunesse bouillante du continent.