Ouverture du Forum culturel international « Panda d'or » 2025 à Chengdu    CAN 2025 : Le chinois Yutong livre 723 bus au Maroc    Algérie : la duplicité au grand jour – New York dévoile la vérité sur son discours pro-palestinien Vote en faveur d'une résolution exigeant la fin du contrôle du Hamas à Gaza et la remise de ses armes    Les Malawiens mardi aux urnes pour des élections législatives et présidentielle    Discours enflammés en public, soumission en coulisses : le vrai visage du régime algérien    La Flottille de la Liberté : quand la mer se fait chemin d'humanité    Fouzi Lekjaa : Le Maroc offrira la meilleure édition de l'histoire de la CAN    Coupe d'Afrique: Taghazout Bay, nouveau carrefour du triathlon africain    OCK / Miloud Jadir nommé directeur administratif: Un retour qui insuffle de l'espoir ?    Antidopage : L'AMA déclare le Kenya non conforme à son code    2025, Année du Volontariat : L'Istiqlal au Service de la Nation    Fouzia , l'ombre douce - Un conte triste    Le dirham s'apprécie de 0,6% face au dollar du 4 au 10 septembre (BAM)    Les investissements chinois en Nouvelle-Zélande ont bondi de 106 % en dix ans    Taza : la nouvelle gare ferroviaire officiellement inaugurée (VIDEO)    Younes Sekkouri donne le coup d'envoi de la rentrée 2025-2026 de la formation professionnelle    OPCVM : l'actif net dépasse 814,63 MMDH au 8 septembre    Revue de presse de ce samedi 13 septembre 2025    Botola Pro : les marques locales règnent en maitres    Le message d'adieu d'Amine Harit à l'Olympique de Marseille    CAN Maroc-2025: La vente des billets débute le 25 septembre    Tindouf : des ONG dénoncent la persistance de l'esclavage moderne devant l'ONU    Les prévisions du samedi 13 septembre 2025    Save the Date: Ifrane sera la capitale du tourisme durable    Pêche/Conformité : Le Maroc obtient la reconnaissance officielle de l'Administration Nationale Américaine des Océans et de l'Atmosphère    Cinéma : le 7e art marocain brille sur les canaux vénitiens    Rendez-vous : demandez l'agenda    L'Association colombienne de la presse décerne sa plus haute distinction à Farida Loudaya    Le Maroc conclut un accord avec Mistral AI pour développer les compétences en intelligence artificielle et promouvoir un usage responsable    Sahara : la visite de Jacob Zuma au Maroc révèle la vulnérabilité de la politique sud-africaine en faveur du Polisario    Reconstruction post-séisme : le gouvernement dresse un bilan d'étape    La Fête du Cinéma revient pour une 2e édition du 11 au 14 septembre 2025    Santé : suivi ministériel des hôpitaux et projets à Rabat-Salé-Kénitra    Assassinat de Charlie Kirk : le suspect est un jeune de 22 ans arrêté dans l'Utah    L'ONU adopte la « Déclaration de New York » pour la solution à deux Etats    Pékin et le Maghreb consolident leur dialogue pour un partenariat gagnant-gagnant    Contradiction algérienne : dénoncer Israël en public, voter la solution à deux Etats en coulisses    Consejo de la Prensa: Los sindicatos de periodistas escriben al jefe del gobierno contra el proyecto de ley 26.25    Des parents protestent contre «les expulsions arbitraires à l'école affiliée à l'Université Al Akhawayn à Ifrane»    L'Humeur : Excédé, Hajib tire dans le tas    Bouznika : Cinq jours au rythme du Camp d'Eté des Jeunes, initié par l'Association Tarbia et Tanmia (ATT)    Festival du film Panda d'or : 5 343 œuvres en compétition pour 27 récompenses    Le prix du Panda d'or incarne la richesse et la diversité culturelles    CAF launches 100-day countdown to AFCON Morocco 2025    L'Université Euromed de Fès primée à Prague par le prestigieux "Alliance University of the Year"    Edito. Mistral AI, vous connaissez ?    Rabat et Paris discutent du développement du partenariat sécuritaire    La CAF lance le compte à rebours de 100 jours pour la CAN Maroc 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ma vie avec Abdallah Stouky
Publié dans Maroc Diplomatique le 12 - 07 - 2022


Par Hassan Alaoui
Dans la douleur, au pas de charge et dans une fébrilité, j'écris ce texte après avoir appris le décès de mon grand ami, si j'ose dire de mon maître, Abdallah Stouky, décédé à Rabat ce mardi 12 juillet à l'âge de 76 ans .
J'ai la prétention – si gravissime et intolérable – d'affirmer ici que j'étais l'un des plus liés de tous à ce grand homme. Nous étions si proches à un moment de notre vie que pas même un papier à cigarette, comme on dit, ne nous séparait.
A la vie, à la mort. « Azizi » ! Ainsi l'appelait-on couramment, et toutes et tous ceux qui avaient la chance d'être ses intimes, usaient naturellement de ce privilège, hérité de la très lointaine fréquentation assidue d'un compagnonnage avec Saïd Seddiki, l'une des plus brillantes plume, son frère Taieb , homme de théâtre et stentor de tous les temps, Si Mohamed Berrada et autres amis nombreux que je ne pourrais citer...J'ai connu Abdallah en 1973, à mon arrivée de Paris pour la première fois à Casablanca, alors que j'effectuais un « stage » au quotidien « Maroc Soir ». Je l'ai connu en même temps que Mohamed Berrada, alors directeur commercial à Sochepresse, fondateur ensuite du premier groupe de distribution, Sapress, qui est jusqu'à son dernier souffle demeuré son plus proche, son soutien précieux ami.
Les années soixante-dix étaient marquées par une ambiance mitigée, le Maroc sortant d'une situation ambigüe, mais la presse, incarnée par des personnalités comme Abdallah Stouky, entre autres, donnait l'exemple d'un engagement professionnel qui s'apparentait au militantisme. « Maghreb informations », « Al Mouharrir », « Al Bayane »,« Al 'Alam », « L'Opinion », « Maroc Soir », « Le Matin » pour ne citer que ces titres qui ont fleuri à cette époque avec une dimension de « renouveau » exigeant. Abdallah Stouky était de toutes ces batailles, journaliste brillant, dans le sillage des grands ténors, un balzacien au ton cynique mais maître des céans de la profession.
Notre amitié est née de cette exigence intellectuelle et de l'amour du mot et de la stylistique. J'avais immédiatement ressenti au plus profond de moi la dimension de cette exception qui atteignait au sublime, et qui me rappelait déjà un maître auquel je vouais la plus intense admiration : Hubert Beuve-Méry ! Je le lui disais au demeurant. La feuille blanche collée sur la table, la plume à l'encre noire, le respect des marges et l'inclinaison des mots me fascinait. Lorsque, plus tard, il m'envoyait le texte manuscrit de ses éditoriaux, m'intimant courtoisement l'ordre de les lire et, suprême hommage me confondant, de les « corriger » avant leur « composition au marbre » et leur montage pour l'impression, je ressentais à la fois comme le lourd hommage et la haute responsabilité.
Abdallah m'avait introduit dans son intimité et, avec des amis comme Tayeb Seddiki entre autres, nous nous trouvions chez Jeanine – haut personnage et symbole de convivialité- dans l'un des plus prestigieux appartements de l'Avenue de la Résistance ( Al Mouqawama) à Casablanca, aux contours mauresques, marbre des glorieuses heures coloniales, escaliers des années Vingt, ambiance de partage, langue et rhétorique feutrée...
Abdallah est devenu en 1975 le directeur de Cabinet de Taieb Benhima qui, après avoir quitté le ministère des Affaires étrangères et livré un cours de pédagogie à Bouteflika sur les travées des Nations unies pendant quelques années, a été nommé ministre de l'Information par le Roi Hassan II. A ce poste, le sémillant Abdallah, âgé à peine de la trentaine, incarnait la virtuosité, la parole exquise, une élégance physique et morale que rien ne changeait au gentleman que l'accent marrakchi à peine subodoré pouvait trahir. Entre dandy et personnage dantesque, l'intellectuel à la Gramsci dévoilait sa tendre force. Lecteur infatigable, insatiable, bilingue amoureux du livre, Abdallah Stouky nous livrait un humour sarcastique, parfois mélange de bonté et de cruauté même pour ceux qu'il ne « gobait », disait-il...
En 1979 j'ai fondé avec Abdallah le quotidien francophone « Almaghrib », organe du Rassemblement national des Indépendants (RNI). En face, il a crée en même temps avec mon défunt ami Mohamed al-Achhab le quotidien « Al Mithaq al-watani ». A trois nous présidions aux destinées de la presse montante de ce parti qui incarnait le libéralisme et auquel, bon an mal an, nous voulions imprimer une dimension social-libérale. Abdelkader Chabih et Mohamed Bahi, Hassan Rachidi aujourd'hui à Qatar, s'étaient joints à cette belle équipée au talent redoutable, au professionnalisme exigeant.
Abdallah était le Directeur d'al-Maghrib , et moi le Rédacteur en chef. Il n'a pas pipé mot quand, dans mon élan enthousiaste , je lui ai dessiné et soumis le projet de maquette qui ne pouvait être autre qu'une copie – disons pour être franc une pale copie – du quotidien « Le Monde », mon journal de référence et pour cause, avec un éditorial sur une colonne de haut en bas à gauche , en première page, ce qu'on appelle dans notre jargon une « chandelle » et la manchette ( Titre de Une) qui vient sous le bandeau ( nom de la publication). Il a pour ainsi dire acquiescé sans dire mot, et nous nous sommes lancés dans cette aventure exaltante à laquelle participeront des journalistes prestigieux comme Saïd Seddiki, Hami Hassan, Mohamed Benaissa devenu ministre, Farida Moha, Arsalane Kébir, Boudali Stitou, Ahmed Saoud, Ahmed Chater, Abdelghani Dades, Bouchaib Zaanouni, Bouchra Harastani, Najib Refaif et plus tard Mustapha Iznasni, Narjiss Reghaye, le talentueux Salim El Jay et Bahia Amrani.
Abdallah et moi, nous nous relayons pour que chaque jour que Dieu faisait, un éditorial consacré à un sujet d'actualité nationale et internationale tombât. Le ton, le style, l'audace aussi tranchaient avec les autres titres, à telle enseigne que chaque jour, avant le bouclage, le correspondant du « Monde », Louis Gravier, faisait de le tour de l'imprimerie, se rendait directement au « marbre » pour prendre connaissance de la première page et lire l'éditorial du jour. Nous en concevions une joie maligne... Une vie de partage, une communauté de travail, une famille quoi !
Abdallah Stouky est resté mon grand ami, intime même. Nous avons partagé beaucoup et jusqu'à ces derniers mois, quand sa maladie cruelle a rongé son corps sans dissiper son âme et sa lucidité, quand au creux de sa solitude il mettait devant lui le miroir de sa vie et le long parcours par lui traversé, Abdallah, mon cher Abdallah a mesuré la vanité de l'existence. Sa plume est trempée dans une cruelle incomplaisance à contre-courant des finauderies, celle du Prince à la manière d'Albert Londres. Je lui ai suggéré à plusieurs reprises, avec insistance, d'écrire ses Mémoires, il a tout simplement écarté une telle hypothèse avec superbe. Je le vois avec son vieux cartable de cuir bordeaux fripé, le traînant, le trimballant , basculé, dandinant mais jamais abandonnant cette vie et son poids qu'il porte avec fierté comme le mât d'un voilier...
Ses amis, nombreux, multiples et très proches comme Mohamed Berrada, Samir Chammâa, d'autres qui lui vouaient une tendre amitié comme Nabil Benabdallah, Abdelkader Retnani, André Azoulay, Abdou Mouqit, Khalil Hachimi Idrissi, Abdeljalil Lahjomri, Bahia Amrani , ses frères et neveux , sa famille enfin sont plongés dans la tristesse la plus profonde. Les témoignages sont nombreux pour lui exprimer un hommage exceptionnel.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.