Alors que les tensions entre Paris et Alger ne cessent de s'exacerber, la France brandit la menace d'un gel des avoirs visant une vingtaine de hauts responsables algériens. Cette mesure, en gestation au sein des ministères de l'Economie et de l'Intérieur, pourrait constituer un levier supplémentaire dans un bras de fer diplomatique qui s'envenime depuis plusieurs mois. Selon des sources gouvernementales citées par les médias, une liste regroupant vingt dignitaires du régime d'Abdelmadjid Tebboune a été dressée. Ces figures, occupant des fonctions stratégiques dans les arcanes administratives, sécuritaires et politiques algériennes, sont toutes propriétaires de biens ou détentrices d'intérêts financiers en France. « On estime que 801 membres de la nomenklatura algérienne disposent de tels intérêts et séjournent régulièrement dans l'Hexagone, sans même inclure les militaires », précise certains médias, révélant ainsi l'ampleur d'un phénomène resté longtemps discret. La manœuvre de Paris s'inspirerait des sanctions infligées aux oligarques russes, dans un contexte où les relations entre les deux rives de la Méditerranée sont marquées par un enchaînement de mesures de rétorsion. À la différence notable, toutefois, que le gel des avoirs algériens en France ne serait pas encadré par un dispositif européen mais relèverait des prérogatives nationales conférées aux ministres concernés. Lire aussi : Crise franco-algérienne : l'escalade continue, la France réagit fermement Depuis l'adoption récente d'un arsenal juridique permettant de frapper les « actes d'ingérence », la France dispose en effet d'une base légale pour saisir les avoirs de toute personne soupçonnée de manœuvres visant à porter atteinte aux « intérêts fondamentaux de la nation ». Une telle mesure, une fois activée, interdirait aux dignitaires algériens visés de disposer de leurs propriétés, de leurs comptes bancaires et de leurs actifs financiers pour une durée initiale de six mois, renouvelable. Si elle n'est pour l'heure qu'à l'état de menace, la perspective d'un gel des avoirs vient s'ajouter à une série d'affrontements diplomatiques de plus en plus vifs. En mai, Alger avait exigé le « rapatriement immédiat » de quinze agents français récemment dépêchés pour renforcer le traitement des demandes de visas. La réponse de Paris n'avait pas tardé : Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe, avait ordonné l'expulsion des agents algériens munis de passeports diplomatiques mais dépourvus de visa. Derrière ces passes d'armes, plusieurs points de crispation continuent d'envenimer la relation bilatérale. Outre la détention controversée de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, la question du Sahara marocain cristallise une fois encore les tensions. La récente réaffirmation par Emmanuel Macron du soutien de la France à la souveraineté marocaine sur son territoire a été perçue par Alger comme une provocation. De surcroît, le refus persistant de l'Algérie d'accueillir ses ressortissants en situation irrégulière, parmi lesquels l'auteur présumé d'un attentat meurtrier survenu en février dernier à Mulhouse, alimente un climat de défiance réciproque. Envisagé en cas de nouvelle escalade, le gel des avoirs des vingt dignitaires algériens pourrait, en tout état de cause, constituer un précédent. Il viendrait sanctionner l'usage par Alger de leviers jugés hostiles par Paris et signalerait la détermination de la France à défendre ses intérêts face aux « actes d'ingérence » d'une puissance étrangère, pour reprendre la terminologie désormais consacrée par la loi. Une démonstration de force qui, au-delà de ses implications juridiques, illustre l'état de crispation d'une relation historiquement complexe et toujours traversée de turbulences.