Malgré la suspension du sacrifice de l'Aïd Al-Adha, les prix de la viande ovine continuent de grimper, atteignant des niveaux préoccupants. Cette flambée s'explique par une offre réduite, amplifiée par des pratiques spéculatives sur les marchés, révélant les fragilités structurelles de la filière de l'élevage. Alors que le rituel du sacrifice de l'Aïd Al-Adha a été officiellement suspendu cette année par Décision Royale, les prix de la viande ovine connaissent une envolée spectaculaire. Un paradoxe qui illustre l'ampleur des déséquilibres structurels du secteur. Dans les souks comme chez les bouchers, les tarifs restent élevés. La suspension de la fête n'a pas suffi à détendre le marché. Au contraire, la combinaison d'une forte demande, d'une offre restreinte et d'un encadrement insuffisant a fait grimper les prix à des niveaux rarement atteints. Dans certains quartiers populaires, le kilo de viande ovine a désormais atteint 150 dirhams, un tarif jugé excessif par de nombreux consommateurs, déjà éprouvés par une conjoncture économique difficile. Ce niveau de prix constitue un record en cette période, d'autant plus injustifié en l'absence de la fête religieuse qui est censée contribuer à ajuster la dynamique entre l'offre et la demande. Lire aussi : Viande rouge : des milliards injectés, mais la crise persiste Cette flambée ne s'explique pas uniquement par la conjoncture. Elle trouve ses racines dans une accumulation de crises qui fragilisent la filière depuis plusieurs années : crise sanitaire, fermetures prolongées des marchés hebdomadaires, puis épisodes successifs de sécheresse. Il en résulte un recul marqué des petits éleveurs, autrefois principaux pourvoyeurs du cheptel national. Le marché, désormais dominé par quelques acteurs, s'est rétréci, rendant les prix plus sensibles aux tensions et à la spéculation. La situation a été aggravée par des pratiques spéculatives. De nombreux intermédiaires ont misé sur une forte demande liée à l'Aïd et investi massivement dans l'achat de bétail. L'annonce de l'annulation du sacrifice les a pris de court, les obligeant à liquider leurs stocks. Si certains marchés ruraux ont vu les prix s'effondrer brutalement, avec des baisses allant jusqu'à 1 500 dirhams par tête, d'autres, notamment dans les grandes villes, n'ont connu aucune accalmie. À Casablanca, par exemple, les prix continuent d'augmenter, en partie à cause de contraintes logistiques et du manque de capacité dans les abattoirs municipaux. Le prix du kilo de viande rouge, lui aussi, reste globalement élevé, avec une baisse timide et localisée qui ne reflète pas une véritable détente. Cette rigidité à la baisse soulève de nombreuses interrogations sur le fonctionnement du marché et l'efficacité des mécanismes de régulation. Face à cette situation, les appels se multiplient pour une refonte des dispositifs de soutien et de contrôle. Les 13 milliards de dirhams injectés depuis 2010 pour moderniser la filière viande rouge ne semblent pas avoir produit les effets escomptés. À court terme, la flambée des prix pèse lourdement sur les ménages. À moyen terme, elle questionne la viabilité du modèle actuel de production et de distribution. La crise de cette année pourrait bien marquer un tournant pour repenser en profondeur la souveraineté alimentaire et la résilience du secteur.