Une décennie après avoir été sous les projecteurs de la Coupe du monde de football, l'Afrique du Sud se retrouve une nouvelle fois en lice pour incarner la vitrine sportive du continent. Cette fois-ci, il s'agit de conserver sa place dans le calendrier de la Formule 1. Mais face à elle, le Maroc s'affirme en sérieux prétendant, fort d'un projet structuré, visionnaire et adossé à une stabilité macroéconomique et politique qui contraste fortement avec les turbulences que traverse une large partie du continent africain. Le ministre sud-africain des Sports a été dépêché en urgence à Londres pour défendre le circuit historique de Kyalami, situé près de Johannesburg, dans l'espoir de renouveler la licence d'un Grand Prix d'Afrique du Sud. Mais cette tentative s'est heurtée à des contradictions internes et une stratégie peu lisible. Après avoir laissé planer l'idée d'un transfert du projet à Cape Town, les autorités sud-africaines apparaissent désorganisées, sans offre financière consolidée, et sans réelle visibilité logistique ou environnementale. Le symbole de Nelson Mandela, autrefois omniprésent dans la diplomatie sportive du pays, ne suffit plus à masquer l'essoufflement d'un modèle. Sur fond de tensions politiques internes, de coupures d'électricité chroniques et d'une gouvernance locale en crise, l'Afrique du Sud peine à convaincre. Kyalami, construit dans les années 1960, nécessite des investissements lourds pour répondre aux standards techniques et commerciaux de la Formula One Management (FOM), dans un pays où les priorités sociales rattrapent désormais les ambitions sportives. Lire aussi: Tanger, future vitrine africaine de la Formule 1 ? En miroir, le Maroc déroule une stratégie claire, adossée à un projet d'infrastructure de 1,2 milliard de dollars porté par des capitaux privés, au nord de Tanger. Conçu selon les standards les plus exigeants du sport automobile international (F1, MotoGP, WEC), ce complexe est dirigé par Eric Boullier, figure reconnue du paddock international et ancien directeur de McLaren et du Grand Prix de France. Outre ses caractéristiques techniques, le projet tangérois s'inscrit dans un écosystème logistique performant. Proximité immédiate avec l'Europe via Tanger Med, infrastructures routières et ferroviaires de classe mondiale, conditions climatiques propices à une exploitation annuelle : le site marocain anticipe les besoins opérationnels d'un championnat mondial devenu très exigeant sur la rentabilité logistique et la durabilité environnementale. À l'heure où de nombreuses économies africaines peinent à faire face à la montée de la dette, à la volatilité politique ou à l'effritement des services publics, le Maroc se distingue par sa résilience. Loin de céder à l'instabilité régionale, le Royaume maintient des équilibres budgétaires reconnus par les institutions internationales, tout en poursuivant une politique industrielle tournée vers l'investissement privé et l'intégration dans les chaînes de valeur mondiales. La candidature marocaine à la Formule 1 s'inscrit ainsi dans une dynamique plus large : celle d'un pays qui entend jouer un rôle moteur dans la modernisation du continent, non pas par l'effet d'annonce, mais par des réalisations concrètes, auditées, et déjà partiellement financées. En prenant pour modèle Yas Marina à Abou Dhabi, le projet marocain entend créer un véritable hub régional du sport mécanique, incluant des centres de formation, des événements annuels multi-disciplines et une dynamique touristique nouvelle. Au-delà de la simple compétition pour une date dans le calendrier de la F1, ce duel entre l'Afrique du Sud et le Maroc cristallise deux visions contrastées du rôle que peut jouer l'Afrique sur la scène mondiale : d'un côté, un héritage glorieux, fragilisé par les crises internes ; de l'autre, une montée en puissance maîtrisée, portée par des institutions stables et une vision stratégique de long terme. Le choix que fera la Formula One Management dans les mois à venir ne sera pas seulement technique. Il enverra un signal sur l'Afrique que le monde veut voir : celle d'un continent divisé, miné par les incertitudes, ou celle d'un partenaire fiable, capable de transformer ses ambitions sportives en leviers économiques, logistiques et diplomatiques.