Entre ouverture aux campus étrangers, universités numériques et innovation, le projet de loi 59.24 veut propulser l'enseignement supérieur marocain dans une nouvelle ère. Reste la question de l'égalité d'accès, au cœur des inquiétudes sur une fracture accrue. Le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique, référencé sous le numéro 59.24, représente un tournant pour l'université marocaine. En effet, il propose une refonte du paysage académique, en introduisant de nouvelles typologies d'établissements, en modernisant la gouvernance et en favorisant l'ouverture internationale. Parmi les changements les plus structurants figure la création d'universités numériques, encadrées par décret, qui visent à généraliser la formation à distance et l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans les cursus. De même, le projet autorise les institutions à but non lucratif, portées par des personnes morales de droit public ou privé, à conduire des missions de formation, de recherche et d'ouverture sociétale. Autre mesure notable : l'implantation de filiales d'universités étrangères au Maroc, soumise à des accords bilatéraux et au respect strict des normes académiques. Par ailleurs, la modernisation de la gouvernance constitue un autre pilier du texte. Chaque université devrait désormais disposer d'un conseil des gouverneurs présidé par le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation ou son représentant, et incluant des représentants des ministères, des autorités régionales ainsi que du monde économique, social et académique. Cette structure vise à renforcer l'autonomie des établissements, à améliorer la transparence et à créer un lien plus étroit avec le monde socio-économique. Lire aussi : Ecoles privées internationales : Le privilège à prix d'or Parallèlement, le projet met aussi l'accent sur la numérisation, notamment l'instauration d'un système d'information national pour le suivi des performances, la promotion de la formation en alternance et le déploiement d'outils numériques pour l'enseignement et la gestion. Concernant l'ouverture à l'international, les experts y voient une opportunité décisive pour accroître la compétitivité. Les filiales étrangères et les partenariats public-privé favorisent la mobilité étudiante et la recherche collaborative. L'accès à des cursus alignés sur les standards mondiaux permet, en effet, un transfert de méthodes pédagogiques innovantes et l'acquisition de compétences numériques, tout en améliorant la visibilité des publications dans les classements internationaux. Toutefois, les spécialistes affirment que les coûts plus élevés de certaines formations et l'exigence de compétences numériques risquent d'accentuer les inégalités socio-économiques. Pour rappel, les abandons chez les étudiants vulnérables sont estimés à 47,2 %, révélant une fracture persistante entre publics favorisés et moins privilégiés, d'après un rapport intitulé « La flexibilisation de l'enseignement supérieur au Maroc : Analyse du présent et réflexions pour l'avenir » publié en septembre 2021 sur le site web du Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique. Alors que le Maroc investit dans la modernisation de son enseignement supérieur, ces réformes suscitent des interrogations quant à l'équité d'accès pour l'ensemble des étudiants, indépendamment de leur origine sociale ou géographique. Les programmes innovants et les infrastructures de pointe pourraient contribuer à réduire l'écart entre établissements prestigieux et universités moins dotées. Toutefois, le risque persiste de voir ces avancées profiter principalement à une élite, accentuant ainsi les disparités existantes. Ces évolutions invitent dès lors à s'interroger sur l'avenir d'un système éducatif en pleine mutation.