La pollution des nappes phréatiques dans l'Oriental met en lumière une faille plus profonde : la dépendance persistante de plusieurs villes marocaines aux eaux souterraines et l'insuffisance du contrôle sanitaire. Casablanca, Marrakech et Agadir connaissent, sous des formes différentes, des défis similaires, posant la question de la gouvernance et de la sécurité hydrique nationale. Le signal venu de l'Université Mohammed Ier d'Oujda illustre une inquiétude croissante : la vulnérabilité des eaux souterraines face à la pollution diffuse. Dans une ville où 40 % de l'eau potable provient des nappes phréatiques, la découverte d'une contamination soulève des interrogations immédiates sur la sécurité sanitaire des habitants. Cette dépendance locale n'est pas isolée. Alors que le barrage de Mechra Hamadi assure une partie de l'approvisionnement, les puits demeurent essentiels. Mais leur exploitation croissante pour des usages commerciaux (cafés, restaurants, piscines) échappe souvent à des contrôles stricts. Cette défaillance, soulignée par les parlementaires, renvoie à une problématique nationale : l'absence d'un suivi unifié et systématique de la qualité de l'eau à l'échelle du territoire. La capitale économique, avec plus de 4 millions d'habitants, tire encore une part de ses ressources de nappes phréatiques locales, notamment dans la plaine de Chaouia. Or, la pollution industrielle et les rejets domestiques non traités menacent ces réserves. Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la région du Grand Casablanca consomme environ 700 millions de m3 d'eau par an, dont une partie croissante doit être importée depuis d'autres bassins hydrauliques. La dépendance à des transferts interrégionaux traduit déjà un déséquilibre structurel, accentué par la baisse de la recharge naturelle des nappes. Marrakech : un tourisme assoiffé La ville ocre illustre un autre paradoxe : son attractivité touristique repose sur une consommation élevée en eau, alors même que la région souffre d'un stress hydrique chronique. Les nappes de Haouz et Tensift, exploitées massivement pour l'irrigation et l'hôtellerie, affichent un recul alarmant. Un rapport de la Direction générale de l'hydraulique estime que la nappe du Haouz a perdu plus de 20 mètres de niveau piézométrique en vingt ans. Cette surexploitation entraîne un risque croissant de salinisation et de pollution par infiltration des eaux usées, avec des conséquences directes sur la qualité des ressources utilisées pour l'approvisionnement urbain. Lire aussi : Les exportations chinoises ralentissent à 4,4% en août Capitale agricole et halieutique, Agadir et la plaine du Souss-Massa dépendent historiquement des nappes phréatiques pour l'irrigation intensive. Les cultures d'exportation – notamment les agrumes et primeurs – mobilisent des volumes massifs, fragilisant l'équilibre hydrique. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a évalué en 2024 que près de 65 % de l'eau utilisée dans la région provenait de forages souterrains, souvent exploités de manière non régulée. Les risques de pollution par intrusions salines et pesticides s'ajoutent à un déficit structurel. La mise en service prochaine de l'usine de dessalement de Chtouka Aït Baha doit alléger la pression, mais elle ne résout pas la question des puits non contrôlés, largement utilisés pour la consommation locale. Le rapport 2023 de la Cour des comptes a pointé « une faiblesse persistante des dispositifs de suivi et de contrôle de la qualité des eaux souterraines », en soulignant l'absence de coordination entre institutions. Cette lacune complique la prévention des pollutions, qu'elles soient industrielles, agricoles ou domestiques. Mais l'affaire d'Oujda rappelle que la question n'est pas seulement quantitative. Elle engage directement la qualité de l'eau consommée, donc la santé publique. Sans un suivi rigoureux des puits et une transparence accrue sur les résultats des analyses, la confiance de la population dans le service public de l'eau pourrait être fragilisée.