Le développement des provinces du Sud a cessé d'être une simple ambition nationale pour embrasser une destinée résolument continentale. C'est la thèse puissante et la vision stratégique qu'a développées M. Ahmed Kathir, directeur général du Centre Régional d'Investissement (CRI) de Dakhla-Oued Eddahab, lors d'une intervention au Forum MD Sahara, organisé du 13 au 16 novembre 2025 à Dakhla. Loin d'être une périphérie, le Sahara marocain s'affirme aujourd'hui comme l'épicentre d'une nouvelle dynamique de croissance, un hub dont la vocation est d'irriguer de sa prospérité les pays du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest. S'appuyant sur des chiffres éloquents, M. Kathir a d'emblée souligné la contribution exceptionnelle de la région à la croissance nationale, avec des taux qui dépassent de loin la moyenne du Royaume. Cette vitalité économique n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une Vision Royale qui a fait de ces territoires un laboratoire du développement. Aujourd'hui, cette offre territoriale doit s'adapter à une nouvelle donne, une nouvelle échelle : celle de l'Afrique. Le CRI, a expliqué M. Kathir, a pour mission de structurer cette offre, de la rendre lisible et attractive, non seulement pour les investisseurs nationaux, mais surtout pour les pays voisins. Cette stratégie de projection continentale s'articule autour de trois axes. Le premier est l'intégration des chaînes de valeur africaines. Grâce au port Dakhla Atlantique et aux complexes industriels et logistiques qui l'accompagneront, les provinces du Sud auront la capacité de transformer les matières premières provenant des pays du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest. Il ne s'agit plus seulement d'exporter, mais de co-transformer, de créer de la valeur ajoutée partagée et d'intégrer les économies de la région dans des chaînes de valeur mondiales. Le port Dakhla Atlantique se positionnera ainsi comme le « poumon atlantique » de 16 pays enclavés, leur offrant un accès sécurisé, compétitif et dynamique à l'océan. Lire aussi : Pour Abdellah Mouttaqi, le Sahara marocain peut devenir le hub de transformation minière de l'Afrique Le deuxième axe est celui de la double souveraineté, énergétique et logistique. Les projets colossaux d'énergie renouvelable en cours de réalisation dans les provinces du Sud ne visent pas seulement l'autonomie énergétique du Maroc, mais ambitionnent d'offrir une source d'énergie compétitive et décarbonée à toute la sous-région, condition sine qua non de son industrialisation. Parallèlement, la crise du COVID-19 a révélé la vulnérabilité des chaînes logistiques mondiales. En se dotant d'infrastructures portuaires et terrestres de premier plan, le Maroc offre à l'Afrique de l'Ouest les moyens d'une souveraineté logistique, lui permettant de sécuriser ses flux commerciaux et de maîtriser son destin économique. Cette souveraineté logistique sera complétée par la quête d'une souveraineté alimentaire, autre axe stratégique de la politique nationale. Le troisième axe, qui découle des deux premiers, est la création de hubs d'excellence spécialisés. Le CRI a la responsabilité d'orienter les investissements vers les secteurs à plus fort potentiel pour faire des provinces du Sud un « hub énergétique, logistique, minier et financier ». Cette spécialisation est la clé pour attirer les talents, développer les compétences et créer une masse critique d'innovation. C'est une véritable « révolution de la compétence » qui est en marche. Pour M. Kathir, nous sommes entrés dans une « nouvelle ère », une « nouvelle décennie » pour les provinces du Sud. Il ne s'agit plus seulement de rattrapage, mais de leadership. Le Maroc est en train de bâtir un « modèle de co-développement responsable », un modèle où le succès n'est pas individuel, mais partagé. « Le but est de partager le succès, de créer une histoire de succès dans la vie des gens, mais nous voulons la partager avec nos communautés, avec nos citoyens, et participer au développement du pays », a-t-il conclu. L'intervention de M. Ahmed Kathir a ainsi offert une perspective vertigineuse. Elle a démontré que le développement du Sahara marocain, loin d'être une fin en soi, est un moyen au service d'une ambition plus grande : celle d'un co-développement solidaire et mutuellement bénéfique avec les pays frères d'Afrique. Le Sahara n'est plus seulement la porte du Maroc sur l'Afrique, il en est devenu le cœur battant, un moteur de croissance dont les pulsations sont appelées à rythmer l'émergence de toute une partie du continent.