Le 6 novembre 1975, le défunt Roi Hassan II déplaçait le centre de gravité du conflit du Sahara : de la confrontation militaire à la démonstration géopolitique. En organisant une mobilisation populaire pacifique, il ne cherchait pas la conquête, mais la légitimation. En une manœuvre d'une rare intelligence stratégique, il imposait à la communauté internationale une nouvelle réalité : la souveraineté ne se décrète pas, elle se construit par la légitimité historique, la cohésion nationale et l'adhésion du peuple. Un demi-siècle plus tard, le Roi Mohammed VI transforme l'élan de la Marche Verte en stratégie de développement et d'intégration régionale. L'offre marocaine sur le Sahara n'est plus seulement politique, elle est systémique. Elle articule trois axes majeurs : le développement économique massif des provinces du Sud, l'intégration africaine du Royaume et la projection du Maroc comme puissance de stabilité dans le corridor atlantico-sahélien. Les ports de Dakhla et Laâyoune, les zones industrielles, les infrastructures énergétiques et les corridors commerciaux ne sont pas de simples projets : ils constituent les instruments d'une diplomatie de puissance douce. Par l'investissement, la stabilité et la modernité, le Maroc rend son Sahara économiquement irréversible et politiquement consensuel. Ce n'est plus un espace périphérique, mais une plateforme logistique et stratégique tournée vers l'Afrique de l'Ouest, le Sahel et l'Atlantique. Le développement est devenu l'expression la plus convaincante de la souveraineté. Le revirement espagnol, longtemps jugé improbable, illustre cette mutation. Madrid a compris qu'il ne s'agit plus d'un dossier hérité du passé colonial, mais d'un partenariat tourné vers l'avenir. Dans un contexte de dépendance énergétique et de recomposition géopolitique européenne, le Maroc représente pour l'Espagne une profondeur stratégique, un relais économique vers l'Afrique et un partenaire essentiel en matière de sécurité migratoire et énergétique. Cette convergence traduit une lecture commune de la stabilité : celle d'un Maghreb atlantique porteur d'équilibre et d'opportunités partagées. L'Europe suit la même dynamique. Paris, Bruxelles et Berlin reconnaissent de plus en plus que la stabilité régionale passe par la reconnaissance du réalisme marocain. Le Sahara devient un levier de dialogue euro-africain, un point d'articulation entre sécurité et développement. Dans un monde où la géopolitique des ressources, des corridors commerciaux et des migrations redéfinit les priorités, le Maroc s'impose comme un acteur pivot, capable de relier les deux rives et de stabiliser la façade atlantique africaine. Sous l'administration Trump, Washington a officialisé la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Mais cette décision dépasse le moment politique : elle s'inscrit dans une vision stratégique durable. Les Etats-Unis considèrent désormais le Maroc comme un pivot régional capable d'articuler les mondes africain, arabe et atlantique. L'administration Biden a confirmé cette lecture, voyant dans le Royaume un allié de stabilité dans un environnement instable, un acteur de modération religieuse dans le monde musulman et une plateforme économique vers l'Afrique. L'accord tripartite Maroc–Etats-Unis–Israël, loin d'être un simple geste diplomatique, incarne une convergence d'intérêts autour de la sécurité, de la technologie et des chaînes logistiques du futur. Dans la compétition mondiale pour la relocalisation industrielle et la sécurisation des routes maritimes, le Maroc offre un modèle : celui d'une puissance moyenne proactive, ouverte et fiable. Dans un monde fragmenté, où les puissances intermédiaires redéfinissent les équilibres, le Maroc trace une voie singulière : celle d'un Royaume qui conjugue souveraineté et ouverture, identité et modernité. La marche initiée en 1975 continue, mais elle a changé de terrain : c'est désormais une marche d'influence, de développement et de paix durable. Elle incarne l'idée qu'un pays peut défendre ses frontières tout en élargissant ses horizons, et que le patriotisme, lorsqu'il s'allie à la vision et à la diplomatie, devient une force de transformation globale.