La reconnaissance renouvelée par les Etats-Unis du plan d'autonomie marocain pour le Sahara, annoncée le 8 avril 2025, consacre non seulement la continuité stratégique de la position américaine, mais accentue aussi l'isolement du Front Polisario et de ses soutiens. Cette décision, inscrite dans un contexte géopolitique mouvant, consacre le Sahara comme pivot d'une intégration afro-atlantique ambitieuse portée par le Royaume. La déclaration solennelle du secrétaire d'Etat américain Marco Rubio, lors de sa rencontre avec Nasser Bourita à Washington, entérine un positionnement initié sous l'Administration Trump et inlassablement réitéré par ses successeurs. En qualifiant le plan d'autonomie marocain de « sérieux, crédible et réaliste », le chef de la diplomatie américaine a désigné cette proposition comme l'unique base d'une solution politique viable au conflit du Sahara occidental. Pour Rida Lyammouri, Senior Fellow au Policy Center for the New South, cette continuité traduit une « logique de projection de puissance américaine dans une région hautement stratégique », marquée par les ambitions concurrentes de la Chine et la reconfiguration des alliances au Sahel. En consolidant son partenariat avec Rabat, Washington sécurise ainsi sa présence dans un espace maghrébo-sahélien devenu crucial sur les plans sécuritaire et énergétique. Ce soutien n'aurait pu être reconduit sans une diplomatie proactive du Maroc, qui a su, au fil des années, inscrire le dossier du Sahara au cœur de ses relations bilatérales, notamment avec les Etats-Unis, mais aussi avec plusieurs puissances européennes. En témoigne l'alignement récent de la France sur la position marocaine, rejoignant ainsi l'Espagne, l'Allemagne ou les Pays-Bas dans leur reconnaissance du plan d'autonomie comme seule issue réaliste au conflit. Lire aussi : Fête du Trône : Trump réaffirme le soutien des Etats-Unis à la souveraineté marocaine sur le Sahara « Le Maroc a consolidé un front diplomatique pro-autonomie qui s'étend désormais au-delà de ses partenaires traditionnels, gagnant en légitimité auprès d'acteurs africains, arabes et latino-américains », analyse Fadoua Ammari, docteure en relations internationales. Elle souligne également que la multiplication des consulats étrangers à Laâyoune et Dakhla depuis 2019 constitue une « forme implicite mais éloquente de reconnaissance de souveraineté ». Une recomposition du rapport de forces maghrébin En filigrane de cette réaffirmation américaine se dessine un nouvel équilibre régional. L'Algérie, principal soutien du Front Polisario, a officiellement exprimé son « regret », symptôme d'un isolement croissant sur la scène diplomatique. À Paris, la reconnaissance française a déclenché une crise diplomatique avec Alger, qui a rappelé son ambassadeur. Ces tensions mettent en lumière le décalage croissant entre une diplomatie algérienne arc-boutée sur l'option référendaire et une communauté internationale de plus en plus acquise à l'autonomie sous souveraineté marocaine. À l'ONU, les résolutions successives du Conseil de sécurité, depuis 2021, reflètent ce glissement progressif. Elles saluent désormais de manière explicite les efforts « sérieux et crédibles » du Maroc, sans évoquer l'organisation d'un référendum. « Le fait que les Etats-Unis qualifient le plan marocain de « cadre unique de solution » pourrait bien peser lourdement sur la nature des futurs pourparlers onusiens », commente Rida Lyammouri. Au-delà du champ strictement diplomatique, la reconnaissance américaine contribue à renforcer les conditions d'une stabilisation régionale. Le cessez-le-feu rompu par le Polisario en 2020, après l'opération marocaine à Guerguerat, n'a modifié ni l'équilibre militaire ni le rapport de légitimité. L'inscription du plan d'autonomie dans les grilles de lecture sécuritaires occidentales sert désormais de levier dissuasif contre les velléités séparatistes violentes. Par ailleurs, la coopération sécuritaire entre Rabat et Washington, ancrée dans une tradition de confiance, s'intensifie dans la lutte contre les réseaux extrémistes transsahéliens. Le Sahara marocain, stabilisé, devient un maillon stratégique dans le contrôle des flux criminels et terroristes. « Le Maroc joue un rôle pivot en tant que garant de la stabilité régionale », souligne Fadoua Ammari, qui voit dans l'intégration pacifique du Sahara un préalable à une coopération sécuritaire sahélo-atlantique plus étroite. Le Sahara marocain, catalyseur d'une ambition afro-atlantique Cette reconnaissance diplomatique trouve enfin un prolongement structurel dans l'Initiative Royale Atlantique. Loin d'une simple affirmation de souveraineté, le projet porté par le Roi Mohammed VI vise à inscrire les provinces du Sud dans une dynamique de connectivité transcontinentale. Le port atlantique de Dakhla et le gazoduc Nigeria-Maroc en constituent les piliers. « Le Sahara devient une interface stratégique entre le Maroc, l'Afrique de l'Ouest et l'espace atlantique, dans une logique de complémentarité Sud-Sud », rappelle Rida Lyammouri. Le port de Dakhla, conçu comme un hub logistique de nouvelle génération, doit relier l'Afrique subsaharienne à l'Europe et à l'Amérique latine. Quant au gazoduc Nigeria-Maroc, il traverse 13 pays et se veut un outil de convergence énergétique au service de la sécurité régionale et de la diversification des approvisionnements européens. Cette ambition n'est pas seulement marocaine. Soutenu par la CEDEAO et par plusieurs Etats du Golfe de Guinée, le projet énergétique témoigne d'une volonté partagée de bâtir des corridors d'intégration structurants. Pour Fadoua Ammari, cette approche « s'inscrit dans une diplomatie du développement où les infrastructures deviennent le prolongement de la souveraineté ». L'isolement grandissant du Front Polisario, la révision des positions européennes, l'implication croissante des Etats-Unis et l'activisme diplomatique du Maroc convergent vers une cristallisation autour du plan d'autonomie. Loin d'un simple positionnement tactique, il s'agit désormais d'une architecture diplomatique cohérente, articulée autour d'une vision de long terme. Les défis demeurent, notamment la résilience d'un narratif indépendantiste figé, la persistance des tensions algéro-marocaines et les incertitudes autour du processus onusien. Néanmoins, comme le souligne Rida Lyammouri, « la conjoncture actuelle constitue une fenêtre stratégique qu'il convient de transformer en dynamique irréversible ».