L'intervention de M. Henri-Louis Védie, professeur émérite à HEC Paris et Senior Fellow au Policy Center for the New South de Rabat, lors du Forum MD Sahara, organisé du 13 au 16 novembre 2025 à Dakhla, a apporté un éclairage économique rigoureux sur le modèle de développement des provinces du Sud du Maroc. Son analyse démontre comment le Royaume a su transformer un territoire en retrait en un pôle économique dynamique, illustrant le passage d'une dimension symbolique à une réalité économique tangible. M. Védie a d'emblée posé le cadre du défi historique : une asymétrie géographique considérable, avec les provinces du Sud représentant 60% du territoire marocain mais seulement 2 à 3% de sa population. En 1975, lors de la récupération de ces territoires, la situation était dramatique. « Il n'y avait rien », a rappelé le professeur. Les infrastructures étaient inexistantes, l'eau et l'électricité réservées aux garnisons espagnoles. Dakhla n'était qu'un petit port de pêche, Laâyoune une ville sans perspectives. Face à ce constat, le Maroc s'est engagé dans une œuvre de développement sans précédent. « Tout n'était pas à refaire, mais tout était à faire », a souligné M. Védie. Un demi-siècle plus tard, la transformation est spectaculaire, fruit d'une vision stratégique cohérente. Les jalons institutionnels et financiers du développement L'analyse a mis en lumière deux dates fondamentales. La première est la révision constitutionnelle de 2011, qui a permis la mise en place d'une autonomie régionale. La seconde est l'année 2015, marquée par le Discours Royal fondateur annonçant un nouveau modèle de développement. Ce discours portait un double message stratégique. D'une part, il rassurait les habitants en démontrant que l'autonomie ne signifiait pas abandon. Cet engagement s'est traduit par l'annonce d'un financement de 77 milliards de dirhams, porté ensuite à 80 milliards. D'autre part, il adressait un message à la communauté internationale : le Maroc assume pleinement sa responsabilité de prendre soin de ses territoires. Lire aussi : Au Forum MD Sahara, Nour Eddine Fetian révèle la nouvelle architecture eau-énergie de l'ONEE M. Védie a aussi détaillé les secteurs clés du modèle de développement. Le premier est la pêche, compte tenu de la richesse halieutique exceptionnelle de la côte atlantique. Paradoxalement, cette ressource n'avait jamais été mise en valeur par l'Espagne coloniale. Aujourd'hui, elle constitue un moteur économique majeur. Le second pilier concerne l'agriculture de niche. M. Védie a cité l'exemple de Tarfaya, où l'on cultive des produits destinés à l'exportation vers les Etats-Unis, démontrant la capacité d'innovation de ces territoires. Cette agriculture spécialisée s'inscrit dans une logique de valorisation des spécificités locales et d'intégration aux chaînes de valeur mondiales. Enfin, le professeur a souligné le potentiel des provinces du Sud comme porte d'entrée vers l'Afrique subsaharienne, positionnement géostratégique qui confère à ces territoires un rôle de hub économique continental. L'impact de la reconnaissance internationale M. Védie a abordé une autre question cruciale : l'impact des décisions judiciaires et diplomatiques récentes. Sa réponse est sans équivoque : oui, ces reconnaissances changent fondamentalement la donne, particulièrement pour les investisseurs privés. Les contestations de mauvaise foi, qui constituaient un frein à l'investissement, appartiennent désormais au passé. Le professeur a salué le rôle pionnier de la France, qui a organisé une conférence réunissant 300 chefs d'entreprise français et marocains, démontrant la confiance retrouvée des acteurs économiques. Cette dynamique ouvre la voie à une accélération des investissements privés, complément indispensable aux investissements publics massifs. L'analyse de M. Henri-Louis Védie démontre que le modèle de développement des provinces du Sud du Maroc n'est pas une construction artificielle, mais une réalité économique tangible, fruit d'une vision de long terme. De territoires en retrait en 1975, ces provinces sont devenues des pôles économiques dynamiques, intégrés à l'économie nationale et ouverts sur le monde. Ce modèle, fondé sur la valorisation des ressources naturelles, la diversification économique, l'autonomie régionale et l'ouverture internationale, constitue un exemple de développement durable et inclusif. La reconnaissance internationale croissante de la souveraineté marocaine lève les derniers obstacles à leur plein épanouissement économique, ouvrant une nouvelle ère de prospérité pour les populations du Sud et pour l'ensemble du Royaume. L'approche marocaine, alliant pragmatisme économique et vision politique, offre un modèle inspirant pour d'autres régions confrontées à des défis similaires de développement territorial.