Porté par des choix institutionnels maîtrisés et une stratégie d'ouverture calculée, le Maroc s'impose comme un partenaire capable de tirer parti des Nouvelles routes de la soie sans en subir les effets contraignants, selon une étude universitaire récente. À l'heure où la Chine déploie ses Nouvelles routes de la soie sur plusieurs continents, le Maroc apparaît, selon une étude académique récente, comme l'un des rares partenaires africains capables de tirer avantage de cette initiative sans tomber dans une logique de dépendance. Publiée dans « African Studies Quarterly, volume 23, numéros 3 et 4 de décembre 2025 », l'étude intitulée « The Hegemonic Ambitions of the Belt and Road Initiative: Institutional Contexts in Egypt and Morocco » analyse, à travers une comparaison entre le Maroc et l'Egypte, la manière dont les contextes institutionnels nationaux influencent les effets réels de la « Belt and Road Initiative », souvent désignée par son acronyme BRI. L'étude, menée par des chercheurs en sciences politiques comparée, s'interroge sur deux questions centrales. Elle cherche d'abord à déterminer si la BRI favorise réellement le développement des pays partenaires. Elle examine ensuite si cette initiative permet à Pékin d'imposer progressivement un modèle hégémonique fondé sur une dépendance économique accrue. Le Maroc, dont les relations économiques avec la Chine sont antérieures à son adhésion formelle à la BRI en 2017, se distingue par sa capacité à encadrer et moduler les investissements chinois en fonction de ses propres priorités nationales. Le rapport souligne que le Royaume, historiquement proche des Etats-Unis et de la France, a progressivement diversifié ses partenariats sans rompre avec ses alliances traditionnelles. Cette stratégie d'ouverture maîtrisée a permis au Maroc d'intégrer la coopération avec Pékin dans une logique de complémentarité plutôt que de substitution. Le Maroc face à la BRI, une stratégie d'équilibre assumée Contrairement à d'autres pays de la région, la présence des entreprises chinoises au Maroc reste encadrée par un régime douanier strict, avec des droits communs avoisinant 25%, sans traitement préférentiel automatique. Cette contrainte réglementaire est analysée par les auteurs comme un signe de solidité institutionnelle, en comparaison avec des contextes où les concessions sont plus larges et parfois opaques. Certaines implantations ont toutefois été autorisées dans des cadres spécifiques, à l'image du constructeur automobile Dongfeng, installé dans le cadre d'un partenariat tripartite associant le Maroc, la Chine et la France, afin de maintenir l'équilibre avec les partenaires traditionnels du Royaume. Le rapport rappelle également la présence ancienne et structurante de Huawei, implanté au Maroc depuis 2006 et qui a fait de Casablanca, dès 2015, son siège régional pour l'Afrique francophone. À cela s'ajoutent des investissements chinois dans des projets d'infrastructures stratégiques, notamment dans le secteur énergétique, comme la centrale thermique de Jerada, partiellement financée par la China Exim Bank à hauteur de 360 millions de dollars. Lire aussi : Maroc-Chine : Cap sur un partenariat sécuritaire d'excellence Sur le plan commercial, les échanges maroco-chinois demeurent relativement équilibrés, en grande partie grâce aux exportations marocaines de phosphates vers la Chine, portées par le groupe OCP. Selon le rapport, le volume des échanges bilatéraux a progressé de 50% entre 2016 et 2021, passant de 4 à 6 milliards de dollars. Et si le Maroc affiche une dette d'environ 1,03 milliard de dollars envers la Chine, il reste loin des niveaux observés dans d'autres pays de la région, notamment l'Egypte, dont l'endettement vis-à-vis de Pékin atteignait les 7,8 milliards de dollars en 2022. Le Maroc avance avec méthode L'étude met en lumière un élément central : si le renforcement de la coopération sino-marocaine n'a pas été le moteur du redressement économique du Royaume depuis les années 2000, mais n'a pas compromis pour autant la trajectoire. Au contraire, l'intégration progressive des investissements chinois s'est faite dans un contexte de marché libéral, dynamique et résilient, marqué par une intervention étatique mesurée et un rôle central du secteur privé. Les auteurs de l'étude s'appuient sur plusieurs indicateurs internationaux pour étayer leur analyse. En matière de compétitivité structurelle, le Maroc figurait en 2017 au 4ème rang africain sur 47 pays, selon le Policy Center for the New South, alors que l'Egypte se classait 10ème. Les classements relatifs à la capacité institutionnelle placent également le Maroc parmi les pays à forte capacité de mise en œuvre des politiques de développement, loin devant l'Egypte. Cette différence se reflète aussi dans les indices de perception de la corruption. Pour les chercheurs, ces éléments expliquent en grande partie pourquoi la BRI, souvent critiquée pour ses effets d'endettement excessif, n'a pas produit au Maroc les mêmes risques de dépendance observés ailleurs. La qualité des institutions, la transparence relative et la capacité de négociation de l'Etat marocain permettent de capter les bénéfices des investissements tout en limitant les coûts politiques et financiers.