En plein débat sur la réforme des retraites, l'Institut CDG a voulu éclaircir davantage les protagonistes de ce débat en organisant une conférence sur la présentation de deux études sur le sujet. Réalisées par de la «Chaire Retraite et Prévoyance» relevant du Pôle Prévoyance de la CDG, la première étude est intitulée «Transformation des régimes de retraite financés par répartition et gérés en prestations définies en des régimes gérés par les points» et «Mesure du coût de la non-couverture retraite» pour la deuxième. Pour rappel, la Chaire Retraite & Prévoyance, a été créée conjointement par la CDG, le HCP et l'UIR. La Conférence qui a eu lieu le lundi 22 avril 2019 à la salle de conférence du Pôle Prévoyance CDG, à Rabat est animée par Abderrahim Oulidi, Directeur de l'Ecole d'Actuariat de Rabat (UIR) et coordonnateur scientifique de la Chaire Retraite & Prévoyance, Hélène Xuan, Senior Advisor à Tenzing Conseil - Déléguée générale, Assurance et Protection sociale et Pierre Devolder, Professeur à l'institut de statistique, biostatistique et sciences actuarielles (ISBA) de l'Université Catholique de Louvain (UCL). Les études sont l'aboutissement d'une enquête faite auprès de 5500 ménages. Pour ce qui de la première étude «Transformation des régimes de retraite financés par répartition et gérés en prestations définies en des régimes gérés par les points», elle explique que les régimes traditionnels de retraite relevant de la sécurité sociale ont été au départ conçus dans la plupart des pays dans une double optique : un financement en répartition et une définition des avantages en prestations définies. Cette architecture pose de nombreux défis, tout particulièrement dans le contexte du vieillissement et de la flexibilité grandissante du marché du travail. Différents types de réformes structurelles ont alors été mises en oeuvre, visant à proposer de nouveaux types de régimes en répartition, et/ou à introduire une dose de capitalisation. L'objectif de cette présentation est de synthétiser et de comparer diverses expériences en la matière. Nous développerons notamment les différents systèmes possibles de répartition par points et la technique des comptes notionnels, tels que développés dans divers pays européens. La place de la capitalisation dans le paysage général des retraites sera également évoquée au travers notamment de pays d'Amérique du Sud. Pour la cas de Maroc, Abderrahim Oulidi, Directeur de l'Ecole d'Actuariat de Rabat (UIR) et coordonnateur scientifique de la Chaire Retraite & Prévoyance, explique que «le passage de l'annuité aux points permet une redistribution des richesses». Faisant une simulation du système belge M. Oulidi explique qu'à lui seul, le régime des points se base sur le nombre de ceux-ci, soit le salaire brut multiplié par le salaire moyen. Dans les détails, le Directeur de l'Ecole d'Actuariat de Rabat (UIR) et coordonnateur scientifique de la Chaire Retraite & Prévoyance déclare que «Les petits salaires n'ont pas beaucoup de points». A propos toujours de ce régime, il précise que la pension est calculée selon le nombre de points multiplié par la valeur du point de service et le coefficient. A son tour, la valeur du point de service est calculée selon le taux de remplacement (70%) multiplié par le salaire moyen et la durée de cotisation. Rebondissant sur les commentaires de M. Oulidi, toujours à propos de ce régime dit de point, Pierre Devolder, Professeur à l'institut de statistique, biostatistique et sciences actuarielles (ISBA) de l'Université Catholique de Louvain (UCL), déclare pour sa part « l'avantage des points réside dans un système cohérent». Comparant avec d'autres méthodes dans les autres pays, il déclare qu'il existe, « un mélange de répartitions et prestations dans la plupart des pays du monde qui fait face à plusieurs challenges dont la longévité croissante », et d'ajouter «Notre marché d'emploi et nos sociétés ne sont plus les mêmes. Croire que les systèmes de retraite peuvent perdurer est une erreur», commente-t-il. Illustrant ces propos, le Professeur à l'institut de statistique, biostatistique et sciences actuarielles (ISBA) de l'Université Catholique de Louvain cite l'exemple des carrières mixtes et mouvantes entre autres. Il énumère également des cas de par le monde. Celui suédois offre le passage de comptes définis vers des contributions définies. En détail, il existe, selon ses dires, des comptes notionnels avec un taux de cotisation défini et fixe. «Les Suédois paient 16%», précise-t-il. Dans celui hollandais, l'âge de retraite est indexé sur l'espérance de vie qui bouge graduellement. «Il faut une équité individuelle et des systèmes équitables en fonction du choix de l'individu», recommande-t-il en commentant ces exemples. Comme il l'indique également qu'il n'existe pas de système parfait. Le cas marocain La situation du Maroc en matière de retraite rejoint les préoccupations de la majeure partie des pays développés, tels que Singapour, la Grande-Bretagne, le Canada ou les Etats-Unis qui ont réformé leur système de retraite pour répondre aux grands défis du 21e siècle. Singapour apporte des réponses au défi de la longévité par des innovations financières. Le Canada répond au défi de la jeunesse. Et enfin, la Grande Bretagne a cherché à combler les inégalités entre les salariés des grandes entreprises et ceux des PME. Le Maroc doit aussi relever le défi de la pauvreté des retraités, de la croissance du secteur informel et de la couverture sociale des travailleurs pauvres aux revenus irréguliers. Selon Hélène Xuan, Senior Advisor à Tenzing Conseil - Déléguée générale, Assurance et Protection sociale, « le cas du Maroc est intéressant dans la mesure où la cohabitation intergénérationnelle dans les ménages ne peut qu'avoir un effet positif sur la réduction du taux de pauvreté des familles, dans la mesure où cette situation contribuerait à la réduction de la participation des enfants de moins de 15 ans au marché du travail », laisse-t-elle entendre. Pour elle, « la mise en place d'une pension de retraite devrait avoir, à son tour, un impact positif sur le taux de pauvreté et le niveau de vie général, dans la mesure où elle contribuerait à l'éradication de la pauvreté chez les personnes âgées de 60 ans et plus, non couvertes, à hauteur de 0,34 et 0,6 point de pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB) ». Madame Xuan a toutefois indiqué que le coût de la non-couverture retraite au Maroc devrait coûter cher au royaume sur le long terme, puisque le niveau des dépenses annuelles augmenterait significativement, pour s'établir à près de 5000 dirhams, soit 10 % du PIB. De plus, le coût estimé de cette perte liée à la non-couverture retraite devrait s'établir à 0,6 % du PIB national. Dans ce sens, elle a présenté plusieurs stratégies d'actions, qui devraient aider le Maroc à faire face à cette situation, notamment rendre les gains de retraite plus transparent, valoriser la protection sociale autour du lien familial, incorporer les travailleurs informels dans ce processus, procéder à une optimisation de la collecte et rendre les cotisations attractives.