La Mauritanie justifie la fermeture d'un média critique avec l'Algérie    La visite de députés marocains en Finlande irrite l'Algérie    Après avoir présenté son Plan Afrique, le président des Îles Canaries attendu à Agadir    Maroc : Exonération totale en deux temps pour la pension de retraite des régimes de base    Le tribunal de Rotterdam souhaite entendre le chef du renseignement marocain dans une affaire d'espionnage    Football : Le Maroc rencontre Bahreïn en match amical le 9 octobre 2025    La Mauritania justifica el cierre de un medio crítico con Argelia    Canary Islands President Clavijo to visit Agadir in 2026 to boost cooperation    Las Palmas : Un Marocain accusé d'avoir incendié une mineure libéré en attente d'enquête    «Sirat» : Un film tourné au Maroc représentera l'Espagne aux Oscars    Nabila Maan et Tarik Hilal amènent les sonorités marocaines au Kennedy Center de Washington    Lahcen Saâdi: «Ce qui est essentiel pour nous, c'est d'investir dans l'humain»    RAM inaugure sa nouvelle ligne directe Casablanca-N'Djamena    Alerte météo: Averses orageuses localement fortes avec rafales de vent ce jeudi    Santé: Des lots du médicament LECTIL retirés du marché pour non-conformité    Hôpitaux publics : Tahraoui lance des commissions de terrain    Classement FIFA: Le Maroc gagne une place et accède au 11è rang mondial    Assurance : Lancement d'EDUCAPS, une plateforme numérique dédiée à l'éducation financière    Meydene dévoile une programmation exceptionnelle pour septembre 2025    Les détenteurs de cartes Visa ont un accès prioritaire exclusif aux billets de la CAF pour la CAN Maroc-2025    OpenAI renforce la protection des mineurs sur ChatGPT en demandant une pièce d'identité    Le temps qu'il fera ce jeudi 18 septembre 2025    À Genève, la société civile internationale met en avant le modèle marocain de développement durable    UNITAS 2025: le Maroc participe au plus grand exercice naval aux USA    Real Madrid : Trent Alexander-Arnold blessé et absent plusieurs semaines    Botola D1 : Le 1er Clasico 25-26 s'achève sur un nul    La marocanité du Sahara débattue au Parlement portugais    Hydrogène vert: adoption d'une série de mesures et validation de la clôture de la phase préliminaire du projet "Chbika 1"    Israël : La tentation spartiate de Netanyahou    Gaza: plus de 100 Palestiniens tués depuis l'aube dans des attaques de l'armée israélienne    UE : Bruxelles propose des sanctions contre des ministres israéliens    ONCF : les trottinettes bannies des trains Al Boraq et Al Atlas    Visite de Nasser Bourita en Chine : le pari du Maroc sur un partenariat stratégique élargi    Global Innovation Index : Le Maroc consolide sa position de leader régional    Le gouvernement attaché à la mise en œuvre optimale du chantier de généralisation de la protection sociale    Mondiaux de Tokyo / 1500 m : Isaac Nader, le neveu de l'ancien attaquant du Wydad Hassan Nader, en or « portugais » !    Des responsables du KFCRIS reçoivent à Riyad Abdelhaq Azouzi, président de l'Alliance des civilisations des Nations unies à l'Université euro-méditerranéenne de Fès    Europe : Benfica ouvre la porte à un retour de José Mourinho    Sommet arabo-islamique : Démonstration de force ou de faiblesse contre le bellicisme décomplexé d'Israël ?    Zagora : Un enfant de 3 ans transféré d'urgence par avion médicalisé vers Rabat    LdC : PSG vs Atalanta, Bayern vs Chelsea ... Voici le programme de ce mercredi    Nasser Bourita en visite officielle à Pékin du 19 au 20 septembre pour des entretiens de haut niveau avec les responsables chinois    Été 2025, le plus chaud jamais enregistré en Espagne    Logistique dans la grande distribution au Maroc: l'analyse de Salaheddine Ait Ouakrim    Bibliothèque nationale du Royaume: Les travaux de rénovation confiés à Bora Construction    Le Prix Antiquity 2025 revient à la découverte de la première société néolithique au Maroc    Jazz à Rabat : un nouveau souffle pour un festival emblématique    Edito. Préserver l'authenticité, mais encore    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Yasmina Sbihi : «Les figures féminines de la sainteté sont des modèles de leadership» [Interview]
Publié dans Yabiladi le 21 - 05 - 2022

«Sacrées femmes, sur les pas des saintes du Maroc» est le nouveau livre de Yasmina Sbihi, qui puise sa méthodologie dans une démarche soufie imprégnée de son parcours spirituel personnel. Dans son ouvrage, cette architecte de métier rend aux saintes du pays toutes leurs lettres de noblesse, montrant comment elles peuvent être des figures d'enseignement, de sagesse et d'inspiration entre hier et aujourd'hui.
Paru récemment aux éditions La Croisée des chemins, «Sacrées femmes, sur les pas des saintes du Maroc» de l'écrivaine et architecte Yasmina Sbihi ne prétend pas être un récit historiographique. Emprunt d'Histoire toutefois, de valeurs spirituelles et soufies, ce livre sur le ton d'une force tranquille montre le visage féminin de la sainteté islamique qui a façonné le Maroc, dans une tentative de proposer un récit émancipateur et fédérateur à la fois.
Ode à la gouvernance féminine, cet ouvrage aborde ainsi la question saillante de la participation des femmes, tout en l'encrant dans l'espace et dans le temps. Cette démarche apaisée déconstruit les dogmes et les perceptions stigmatisantes, notamment les interpétations religieuses réductrices sur la place de la femme dans la gestion de la cité et la création d'un leadership humaniste.
Comment votre intérêt s'est porté sur la figure féminine de la sainteté au Maroc ?
Dans mon cheminement spirituel personnel, il y a une présence féminine très forte, notamment ma relation avec sayyidatouna Khadija, sayyidatouna Mariam et l'icône Rabea el adawiyya. A chacune j'ai consacré une vidéo que vous trouverez sur ma chaîne YouTube.
Ensuite, lors d'une ziara dans le Sous, j'ai été invitée à découvrir des waliyates et des madariss atiqa [medersas, ndlr], écoles fondées par des femmes et qui forment des hommes jusqu'à nos jours. Enfin, des questions d'actualité liées à la femme, qui se débat encore pour défendre ses droits, partout dans le monde en fait.
Vous remontez jusqu'à Ève et votre épilogue est consacré aux femmes modernes et contemporaines. Mais votre livre est plus délimité dans l'espace, entre Fès et le Souss. Quelle est la particularité des représentations spirituelles féminines sur cet axe ?
C'est un axe symbolique, matérialisé par deux pôles scientifiques et spirituels forts. Il met l'accent sur l'unité spirituelle du Maroc, sur tout le territoire, la richesse de notre patrimoine et la diversité culturelle, notamment les dialectes, les us et coutumes.
Ce que je veux dire aussi est que du nord au sud, tout le Maroc est une terre de lumière, «ard el awliyas», le royaume des saints, hommes et femmes de savoir et de prodiges. La seule chose qui distingue les femmes est qu'on n'en parle pas ou si peu.
Vous faites référence au soufisme, en vous focalisant sur les personnages féminins dans l'histoire de la religion musulmane dans le pays. Quels profils peut-on trouver dans ce livre ?
Si je fais référence au soufisme, c'est avant tout parce que c'est la spiritualité vivante au cœur de l'islam. Si on s'en réfère au hadith de Jibril, qui explicite notre religion, on y voit «al iman», la foi, «el islam» paix et acceptation et «el ihsan», le perfectionnement et la bienfaisance, c'est-à-dire un état de conscience supérieur de croire en Dieu comme si on Le voyait… Le soufisme est la science qui nous permet d'accéder à cet état-là. Plus simplement, l'islam c'est charia et haqiqa, dogme et spiritualité, et le soufisme nous achemine de la charia à la haqiqa.
Je focalise sur les personnages féminins, bien entendu, car c'est mon sujet. Mais je fais référence aussi à de grandes figures masculines, de grands maîtres et penseurs. Dans les références hagiographiques, j'ai pu découvrir de grandes figures féminines : des reines , des savantes, des cheffes de guerre, des saintes musulmanes et aussi des saintes juives, qui elles aussi sont peu connues. Et enfin, je parle des femmes d'aujourd'hui.
Tout mon travail a pour objectif d'offrir un nouveau regard sur la question du genre et proposer un argumentaire spirituel, pour répondre aux allégations machistes qui réduisent la femme à un rang si loin de sa réalité et de ses aptitudes.
Ce n'est pas le pan de l'Histoire du Maroc le plus documenté, ou du moins le plus accessible et connu. Avez-vous mis du temps à retracer l'existence de ces femmes ?
Disons que l'histoire est écrite par des hommes pour les hommes, ce qui fait que la femme y est évoquée accessoirement ; il est important de lui rendre justice. J'ai eu la chance d'être accompagnée, dans mes recherches, par des hommes du Savoir, justes et soucieux de montrer cette place qu'occupe la femme en islam et dans le soufisme plus particulièrement.
Alors on cherche, on voyage et on fait des rencontres. Bien entendu avec l'intention, «enniya», on se voit gratifié de facilitations divines : «tartibat rabbaniya», que certains appellent synchronicité. Ce travail m'a pris des années, le temps de trouver, comprendre, assimiler et de mûrir. Et enfin le temps de trouver un éditeur à l'écoute.
Il existe de plus en plus d'écrits sur les femmes ayant marqué l'Histoire de notre pays. Certains sont romancés, à défaut d'éléments recoupés, d'autres sont succins, faute de sources historiques à portée de main. Où se situe votre contribution ?
Mon approche n'est ni historique, ni anthropologique, ni sociologique, ni politique, ni religieuse. C'est un témoignage, fruit de mes rencontres. C'est mon périple que je raconte et qui n'engage que moi. Je suis avant tout architecte, donc je m'intéresse à tous ces aspects à la fois : je raconte le lieu et l'esprit du lieu, tel un devoir de mémoire.
Mon parcours soufi sera toujours mon filtre de lecture. Mon récit est à l'image de ce que je suis, tout simplement, une citoyenne engagée en quête de Vérité et dans le souci de la transmission et du partage.
Ceci dit, j'aime beaucoup aussi l'histoire de Zaynab reine de Marrakech, si bien raconté par Zakia Daoud.
Biopic #3 : Zaynab al-Nafzawiyya, la bâtisseuse de l'empire almoravide
Ces parcours spirituels déconstruisent principalement l'idée reçue que l'islam relègue les femmes au second plan de la gouvernance. Pensez-vous qu'un autre récit historique et méthodologique est possible ?
Je l'espère bien. Et il existe, celui des soufis en quête du Vrai et mû par un amour universel, non pas par une attitude sectaire et takfiriste. L'Histoire n'est pas figée, la religion non plus. Et le Soufi est le fils de l'instant. Le Coran est immuable mais l'interprétation est relative à l'individu, au contexte… Les grands oulémas nous expliquent qu'il existe plusieurs niveaux de lecture du Coran, qui a une apparence extérieure et une profondeur cachée qui elle-même peut avoir jusqu'à sept niveaux d'explications, selon un hadith.
C'est ce qu'on appelle «el ijtihad», la jurisprudence. Dans la jurisprudence, il y a de la prudence à demeurer juste, à respecter l'Esprit de la Lettre sacrée. Pensez-vous que Dieu soit injuste envers la femme ? Je ne le crois pas un seul instant. Mais les interprétations ont été détournées, et pas qu'en islam. C'est clairement l'œuvre de Satan, car une société qui est injuste envers la moitié de sa communauté est une société handicapée, bancale et donc fragilisée…
Je pense que la guerre des genres est stérile ; hommes et femmes se complètent. C'est la loi du Créateur. Je crois fermement en un féminisme serein, dans lequel on voit la femme exceller dans le leadership et reprendre petit à petit, avec le savoir, l'effort et la patience, la place qui est la sienne au cœur de la société. Je crois en le pouvoir transformationnel qu'elle exerce sur les cœurs. L'Amour est le pouvoir le plus efficient et le plus pérenne. Autrement dit, une gouvernance sans amour n'est pas durable. On ne peut obtenir l'attention des gens et partager une idée qu'en pénétrant leur cœur. L'esprit suit.
La compétence, la présence physique ou l'autorité ne suffisent pas, car l'amour et l'humilité sont les clés ultimes de la réussite dans cette gouvernance. La femme est tout ceci à la fois. Capable de créer, de gérer et de fédérer… par instinct d'abord, avec cette forme d'intelligence qu'est l'Amour. Les waliyates salihat sont nos modèles de leadership : tant de femmes y reconnaîtront leurs grand-mères et leurs mères. Elles s'y reconnaîtront aussi, discrètement, heureuses de leurs accomplissements et de l'image qu'elles véhiculent.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.