Plan d'autonomie au Sahara : Des conseillers du roi Mohammed VI se réunissent avec les chefs de partis    Sahara : Le Sénégal salue l'adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité    Détournement de fonds publics : L'Exécutif décrète la tolérance zéro !    Laâyoune/CSPJ : Documenter et enseigner la jurisprudence relative à la Cause nationale    Omar Hilale sur Newsmax : le Maroc salue le « tournant Trump » et espère une visite du président américain au Sahara    Abdeslam Alaoui Smaili : "Les stablecoins font partie des infrastructures de la finance du futur"    Le Maroc accueillera le Sommet économique sino-africain 2026    Bourses professionnelles : l'OFPPT et Younes Sekkouri se renvoient la responsabilité des retards    De pluie et d'eau fraîche    Le Sénégal salue les Initiatives royales pour le développement de l'Afrique    Palestine : Escalade de la violence des colons en Cisjordanie occupée    Terres rares : Pékin suspend les restrictions des exportations vers les USA    Etats-Unis / Shutdown : Le trafic aérien réduit « à peau de chagrin »    Alger sous pression pourrait libérer l'écrivain Boualem Sansal après demande allemande    Mondial U17 : Après la défaite du Mexique, le Maroc se qualifie pour le deuxième tour    Rabat : Réunion du Forum consultatif de la FIFA avec les professionnels    Ticket sales for Morocco vs Uganda friendly at Tangier stadium now open    Gymnastique : La Ligue du Sud célèbre avec éclat le 50ème anniversaire de la Marche Verte    Botola D1/J8 : Le Wydad prend seul les commandes, l'Ittihad surprend la Renaissance    Botola D2/J7 : Le MAT rejoint le SCCM en tête    France : La police enquête sur les célébrations des supporters du Wydad Casablanca à Paris    París: En el Olympia, los 50 años de la Marcha Verde se celebran con alegría    España: En sus memorias, el rey Juan Carlos guarda silencio sobre la cuestión del Sáhara    Le Maroc, pionnier de la souveraineté génomique africaine    Safi: Santé pour tous, un hommage en actes !    Jadida: L'Association "All Riding Family" s'envole au chevet des familles démunies des zones rurales de Demnat    FIFM 2025 : Une sélection de 82 films, dont 15 marocains, 14 en compétition et 8 en première    Nour-Eddine Lakhmari signe son grand retour avec Mira, en compétition au Festival de Tallinn    L'Italie célèbre les 2500 ans de la ville de Naples avec deux concerts à Rabat et Tanger    Histoire : La Marche verte racontée par Mohammed Dakka    Paris : À l'Olympia, les 50 ans de la Marche verte célébrés dans la joie    Nabil Mouline explore mille ans d'histoire du Sahara dans un documentaire    France : Le parquet général favorable à la libération de Nicolas Sarkozy, la cour d'appel rendra sa décision à 13h30    Maroc U20 : Sunderland prêt à miser sur Hossam Essadak, révélation de l'Union Touarga    Le dirham se déprécie de 0,8% face à l'euro entre septembre et octobre 2025    PLF 2026 : Fitch met en garde contre les dépassements des budgets alloués aux infrastructures    La Bourse de Casablanca démarre dans le rouge    Disparition d'un canot au large de Boujdour : Les familles des jeunes migrants appellent à l'aide et à la vérité    Niger : Plus de 220 terroristes "neutralisés" en octobre dernier    Conseil de gouvernement: Prix de transfert, centres de vacances et statut des fonctionnaires du Conseil de la concurrence au menu    Info en images. CAN-Maroc 2025: le ballon officiel de la TotalEnergies CAF dévoilé    Guelmim-Oued Noun: Près de 1 MMDH d'investissement public    Akhannouch : «Aid Al Wahda célèbre l'unité du peuple marocain et sa mobilisation derrière son Roi»    Baisse de 17% des demandes d'autorisation de mariage de mineurs en 2024, selon le CSPJ    Aziz Akhannouch : « La consécration de la justice sociale dans les provinces du Sud est au cœur des priorités du gouvernement »    Boualem Sansal et Christophe Gleizes, otages involontaires d'une relation franco-algérienne dégradée et du silence troublant des ONG    Oujda: Ouverture de la 13e édition du Festival international du cinéma et immigration    La Marche verte, une épopée célébrée en grand à Agadir    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Comment le savoir-faire arabe a façonné l'agriculture d'Al-Andalus
Publié dans Yabiladi le 09 - 01 - 2023

En plus de sa prospérité culturelle, gastronomique et civilisationnelle, Al-Andalus a été aussi une terre agricole riche, où le travail de la terre a fleuri grâce à la cominaison des savoir-faire et des suages d'ici et d'ailleurs. Croisant les pratiques communes à la Méditerranée avec celles du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, ses botanistes ont eu un grand rôle dans le développement de la production des fruits et des légumes.
L'utilisation des légumes dans les mets traditionnels d'Al-Andalus traduit la diversité des traditions gastronomiques de la région. Elle dénote aussi de la richesse de l'activité agricole de l'époque. A la fin du XIIIe siècle, un «Traité de l'agriculture» a en effet renseigné sur les légumes cultivés à Al-Andalus. Son auteur, le poète et agronome Ibn Luyūn (1282 – 1349) y a énuméré la laitue, la blette, les épinards, le chou ou encore le chou-fleur, tout en informant sur leur entretien et les saisons de leur plantation.
Ce travail est organisé autour des principaux «éléments» de l'agriculture, à savoir la terre, l'eau et les compétences, en notant les différences régionales dans les pratiques agricoles. Il y est expliqué comment évaluer la nature de la terre par son goût et son odeur, comment collecter l'eau ou encore comment fertiliser le sol avec des éléments naturels. Comme d'autres agronomes andalous avant lui, Ibn Luyūn inclut par ailleurs des instructions sur la conservation des denrées alimentaires telles que les raisins secs et autres fruits secs, le vinaigre, les câpres et la moutarde, le poisson mariné, les olives et les méthodes pour améliorer la qualité de l'huile.
Des écrits arabes se sont intéressés également à la «filaha» andalouse, durant la même époque, décrivant l'exploitation des olives, des fèves, des potagers de carottes, de concombres, d'aubergines, de cardons, d'artichauts, de pourpier et de nombreuses plantes aromatiques comme le basilic, le cresson, la marjolaine et le thym. Autant dire que sous le règne musulman et jusqu'à la fin de la Reconquête, Al-Andalus a su cultiver sa réputation de terreau civilisationnel dans la Méditerranée, mais aussi d'une terre fertile et prospère, où les familles d'origine arabe ont fait pousser les différents types de végétation que l'on retrouve dans les plats traditionnels de la région, y compris le couscous ou le tajine, tel qu'on le connaît de nos jours.
Emplacements principaux des botanistes d'Al-Andalus
Un croisement des traditions et des expérimentations techniques
Dans le temps, plusieurs érudits musulmans ont compilé une série de livres sur le sujet. L'un des plus connus, avec l'ouvrage d'Ibn Luyūn, intitulé Kitāb al-Filāḥa (Le livre de l'agriculture), écrit au XIIe siècle par Ibn al-Awwām al-Ishbili. Les volumes encyclopédiques de cet opus incluent plus d'un millier de pages de texte et de dessins, devenus la principale source de connaissances pour toutes les questions concernant l'agriculture et l'élevage pendant des siècles dans la région.
Analysant cet apport et la richesse culturelle qu'il traduit, le chercheur et photographe jordanien Tariq Dajani rappelle que le mot arabe «al-filaha» désigne l'agriculture et l'entretien des terres pour les cultures et le bétail. «Cela signifie aussi prospérer, réussir et être heureux. Des minarets de chaque mosquée cinq fois par jour pendant l'appel à la prière, nous entendons les mots «hayya 'alal falah» (venez au salut et au succès). Ainsi, dans l'Islam, la culture et le soin de la terre sont inextricablement liés à notre bien-être, à la fois dans ce monde et dans l'autre», indique-t-il dans l'un de ses écrits. Citant Ibn 'Abdūn, il souligne ainsi qu'«al-Filaha est le fondement de la civilisation – toute la nourriture et la subsistance en découlent, ainsi que les principaux avantages et bénédictions que la vie apporte».
Al-Andalus : Des habitudes culinaires mauresques qui ont façonné la cuisine du quotidien
Cet aspect de l'Histoire déconstruit aussi l'idée reçue selon l'ensemble des familles arabes seraient issues de tribus venues du désert, développant généralement des activités pastorales et nomades, qui consistent principalement en l'élevage des moutons, des chameaux et des chevaux. Avec la montée en puissance du pouvoir politique et économique califal, beaucoup de chercheurs ont documenté plus largement leurs connaissances avancées en architecture, en philosophie, en sciences, en médecine et en commerce. Cette prospérité a exhumé d'anciens usages agricoles des régions d'origine, remontant à plusieurs milliers d'années avant l'islam.
«Les agriculteurs de la région qui constitue aujourd'hui le Yémen construisaient habilement des terrasses sur les pentes pluviales des montagnes et construisaient des systèmes d'irrigation pour créer ce que les anciens Grecs et les Romains appelaient 'l'Arabie heureuse, chanceuse et florissante', en raison de ses fruits abondants et ses troupeaux d'animaux.»
Tariq Dajani
Un système agricole qui reprend le meilleur de ceux d'avant
En Arabie orientale, Tariq Dajani rappelle que l'agriculture oasienne s'était déjà développée depuis des siècles «les arabes avaient une longue histoire dans l'agriculture, en particulier en matière de collecte d'eau et d'irrigation». Avec l'extension de l'islam à partir du VIIe siècle de notre ère, il souligne que «cette expertise ainsi que les connaissances locales des agriculteurs des terres constituant aujourd'hui l'Irak, la Syrie, la Palestine, la Jordanie, l'Iran et l'Egypte, ont été transférées en Afrique du Nord, en Sicile et à Al-Andalus, donnant de manière remarquable un épanouissement au secteur agricole».
Entre les Xe et le XIVe siècles à Al-Andalus, les agriculteurs musulmans ont ainsi développé des systèmes agricoles plus complexes, plus avancés et plus scientifiques. Dans la péninsule, ils sont devenus connus comme les experts de l'irrigation et de la gestion hydrique, de l'entretien du sol et de l'utilisation d'engrais naturels, tout en étant de fins connaisseurs de la culture des meilleurs vergers et potagers, mais aussi de l'élevage des meilleures variétés de moutons et de chevaux. C'est ce savoir-faire qu'a documenté aussi Ibn al'Awwam al-Ishbili à Séville, durant le XIIe siècle
Enseignant au département d'Histoire et de gastronomie à l'Université de Boston jusqu'en 2012, Thomas F. Glick s'y est également intéressé. Dans son ouvrage «Islamic and Christian Spain in the Early Middle Ages» (Espagne musulmane et chrétienne au début du Moyen-Âge – New-Jersey: Princeton University Press, p. 78, 1979), il a noté qu'à Al-Andalus, «les champs qui produisaient au plus une récolte par an avant les musulmans étaient désormais capables de produire trois récoltes ou plus en rotation». Aussi, «la production agricole répondait aux exigences d'un monde de plus en plus sophistiqué et cosmopolite», constitué de plus de plus d'une population urbaine. L'activité permet alors de fournir aux zones urbanisées «une variété de produits jusqu'ici inconnus en Europe du Nord».
On note alors que «la nouvelle agriculture» qui a émergé à Al-Andalus sous les califs musulmans, dans une grande partie du Moyen-Orient et de la Méditerranée «semble avoir été assez différente des modèles romains, byzantins, sassanides et wisigoths qui l'ont précédée», selon la plateforme Filāḥa, dédiée à ce pan de l'Histoire. En quelque sorte, le succès de l'activité résulte de «la synthèse d'un certain nombre d'éléments nouveaux et anciens, savamment intégrés dans un système productif et durable, lui conférant un cachet particulier». Auteurs de «Neglected Crops: 1492 from a Different Perspective» (Cultures négligées : 1492 sous un autre angle ; Plant Production and Protection Series No. 26. Rome: FAO, pp. 303-332 ; 1994), Esteban Hernández Bermejo et J. León soulignent que ce savoir-faire s'est reflété dans la diversité de ces cultures arbustives. Elle comprennent «les olives, les vignes, les amandes, les caroubes, les figues, les pêches, les abricots, les pommes, les poires, les nèfles, les coings, les châtaignes, les noix, les pistaches, les noisettes, les aubépines, les palmiers dattiers, les citrons, les cédrats, les oranges amères, les jujubes, les orties et des mûriers, ainsi que des chênes verts, des arbousiers et des myrtes».
Des variétés de plantes introduites depuis l'Afrique et l'Asie
«Dans les jardins potagers, on cultivait des laitues, des carottes, des radis, des choux, des choux-fleurs, des melons, des concombres, des épinards, des poireaux, des oignons, des aubergines, des haricots rouges, des cardons, des artichauts, du pourpier et de nombreuses plantes aromatiques comme le basilic, le cresson, le carvi, le safran, le cumin, les câpres, la moutarde, la marjolaine, le fenouil, la mélisse, la verveine, la citronnelle et le thym», indiquent les chercheurs. Dans les champs de céréales et de légumineuses, «on produisait du blé, de l'orge, du riz, du mil et de l'épeautre, des fèves, des haricots rouges, des pois, des pois chiches, des lentilles et du fenugrec». La canne à sucre a également été cultivée, par la suite, ainsi que les plantes à fibres comme «le lin, le coton asiatique et le chanvre».
«Les plantes tinctoriales comprenaient le carthame, la garance, le henné, le pastel et le safran, et le sumac était cultivé pour le tannage; des espèces sauvages telles que l'halfa, l'osier et le palmier à huile ont été cultivées ; de nombreuses espèces ornementales étaient plantées dans les jardins et un nombre important d'herbes médicinales étaient également produites», soulignent-ils encore. Cette diversité de plantations n'a pu avoir qu'un effet positif sur l'activité économique et commerciale de la péninsule, puisque certaines de ces plantations ont servi notamment à la fabrication de tissus ou de vêtements.
En effet, le plus important, selon les chercheurs, a été l'introduction, l'acclimatation et la diffusion de nouvelles cultures vivrières, mais aussi des plantes utilisées pour les fibres, «les condiments, les boissons, les médicaments, les stupéfiants, les poisons, les colorants, les parfums, les cosmétiques, le bois et le fourrage, ainsi que des fleurs de jardin et les plantes ornementales». L'afflux de nouvelles cultures, notamment en provenance d'Inde, d'Asie du Sud-Est et d'Afrique centrale, «n'a été rendu possible que par l'unification sans précédent d'une grande partie de l'Ancien Monde sous l'islam, ce qui a facilité les déplacements des commerçant, diplomates, érudits et pèlerins, et a dynamisé la libre circulation de peuples issus de traditions agricoles très différents», note-t-on encore.
Ce flux dans des sens divers a facilité la diffusion du savoir-faire agricole, le tout dans un contexte intellectuel fertile de recherche scientifique et d'expérimentation parmi les botanistes et les agronomes. Partout, les agriculteurs traditionnels ont eu plus tendance à adapter leurs cultures en fonction des conditions locales, permettant ainsi une profusion de cultures anciennes et nouvelles ayant donné lieu à de nouvelles variétés de fruits et de légumes.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.