Le fonds souverain libyen est en colère contre la banque d'investissement américaine Goldman Sachs, et tout particulièrement contre deux ex-dirigeants, le Marocain Youssef Kabbaj, ancien responsable Moyen-Orient et Afrique du Nord de la banque et le maroco-australien Driss Ben-Brahim, chef de la division marchés émergents. Ils auraientt sous les directives de leurs patrons, poussé le fonds à investir sur des produits dérivés complexes dont ce dernier n'avait aucune connaissance. Les Libyens disent avoir perdu 1 milliard de dollars, quand la banque américaine a pu encaisser sur leur dos, 350 millions de dollars. Détails. La Libyan Investment Authority (LIA, le fonds souverain libyen) poursuit en justice le géant Goldman Sachs, accusé d'avoir «délibérément exploité» l'inexpérience de ses responsables pour empocher 350 millions de dollars de profit sur une série de transactions d'une valeur d'un milliard de dollars, a annoncé jeudi 30 janvier la Haute Cour de Londres, rapporte le quotidien britannique The Independent. Les faits remontent à début 2008. Selon la LIA - chargé de gérer les revenus pétroliers du pays - Goldman Sachs l'avait «fortement encouragée» à conclure neufs opérations, avec entre autres Citigroup, EdF, Santander et ENI, portant sur des produits dérivés «insuffisamment documentées» d'un montant total de 1,3 milliard de dollars. Seulement à ce moment, les dirigeants du fonds pensaient réaliser des investissements sûrs et sécurisés Malheureusement à cause de la crise financière, ces placements «ont perdu la quasi-totalité de leur valeur», soit 98%, avant d'expirer en 2011. Cependant, le fonds estime que Goldman Sachs a tout de même réussi à obtenir un profit de 350 millions de dollars. Aujourd'hui, ils accusent GS d'avoir abusé de leur «confiance» en leur conseillant de conclure des opérations sur des produits dérivés complexes sans qu'ils en aient la moindre information. Pourquoi Youssef Kabbaj et Driss Ben-Brahim sont-ils particulièrement visé ? D'après le fonds, le Marocain Youssef Kabbaj, responsable Moyen-Orient et Afrique du Nord de la banque, et le maroco-autrichien Driss Ben-Brahim, chef de la division marchés émergents, seraient les pions centraux de Goldman Sachs dans cette affaire. Ce dernier serait celui mis en avant au départ pour convaincre les Libyens d'investir, selon le Wall Street Journal (WSJ). Il aurait joué sur sa popularité en tant qu'excellent trader pour les séduire. «Il était comme une rock star», a confié au journal américain un ancien dirigeant du fonds libyen. M. Kabbaj, pour sa part, aurait tout mis en œuvre pour bâtir une relation de confiance avec les employés du fonds d'investissement libyen. Il disait d'eux qu'ils étaient ses «amis» et que tous ensemble ne formaient qu'une «équipe», selon le document déposé auprès de la justice londonienne par le fonds, rapporte Bloomberg. Cadeaux et voyages de luxe au Maroc Lors de ses séjours dans la capitale libyenne, il gratifiait l'équipe de LIA de cadeaux, notamment des crèmes après-rasage et de chocolats, d'après la même source. De plus, ils offraient aux responsables des voyages de luxe au Maroc, aux frais de Goldman Sachs. Et régulièrement, il tentait de «rassurer le fonds qu'il était l'un des clients stratégiques» de la banque. Lorsque l'investissement d'1,3 milliard de dollars perd 98% de sa valeur pendant la crise de 2008, Youssef Kabbaj est convoqué à Tripoli pour explications. Une personne ayant assisté à cette réunion a confié à The Independent que le président du fonds avait manifesté une forte colère, si bien que M. Kabbaj - toujours accompagné de son collègue D. Ben-Brahim - craignant pour leur sécurité, avait engagé des gardes du corps. Mais les deux hommes réussissent à tirer leur épingle du jeu, si bien qu'ils quitteront Goldman Sachs (Ben-Brahim octobre 2008 et Kabbaj un peu plus tard) pour rejoindre le Hedge Fund GLG Partners. La vraie nature des produits dans lesquels tout cet argent avait été investi est découverte plus tard, par une avocate australienne, Catherine McDougall, indique l'institution basée à Tripoli. Elle leur a expliqué qu'au lieu d'investissements prudents dans des actions, comme pensait la LIA, les transactions portaient plutôt sur des produits dérivés complexes et des instruments synthétiques hautement spéculatifs. Ces révélations avaient provoqué la colère des dirigeants libyens qui avaient protesté contre les produits dérivés. Seulement, avec la révolution en 2011, la tension s'était clamée. Selon The Independent, c'est le nouveau régime de Tripoli qui aurait relancé l'affaire. Goldman Sachs nie De son côté, Goldman Sachs nie en bloc les faits qui lui sont reprochés. S'adressant à la presse jeudi soir, un porte-parole de la banque a déclaré que «les revendications de la LIA sont sans fondement» et que GS compte se «défendre vigoureusement». C'est donc une guerre déclarée, puisque les autorités libyennes sont décidées à obtenir gain de cause dans cette affaire. Actuellement, les noms de Youssef Kabbaj et Driss Ben-Brahim sont cités dans tous les médias londoniens, mais ils restent pour l'instant très discrets.