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Le Maroc laisse libre cours à une répression mal contrôlée contre les migrants subsahariens
Publié dans Yabiladi le 25 - 10 - 2018

Des analystes et des défenseurs des droits humains alertent sur une vaste campagne sécuritaire à l'encontre des migrants subsahariens au Maroc, qui font face à des arrestations arbitraires, à des éloignements dans des régions reculées du pays et même, récemment, à des expulsions pures et simples du pays sans aucun respect des procédures légales.
Des défenseurs des droits de l'Homme affirment que les rafles, que reconnaissent les responsables gouvernementaux, ont commencé cet été et ont été coordonnés avec l'Espagne et l'Union européenne pour endiguer l'afflux des migrants qui se rendent sur le continent. Le gouvernement marocain affirme pourtant que cette campagne sécuritaire ne visait que les migrants sans-papiers et les trafiquants d'êtres humains.
La répression a commencé en juin et s'est intensifiée à la fin juillet, après qu'au moins 600 migrants aient traversé avec succès les hauts grillages de l'enclave espagnole de Ceuta, au nord du Maroc. Depuis, de très nombreux migrants subsahariens, y compris parfois des titulaires d'une carte de séjour valide, ont été raflé, dans la rue ou chez eux, et mis de force dans des bus, la plupart du temps sans la possibilité de prendre leur affaire à part les quelques les vêtements qu'ils portaient, pour être ensuite conduits dans des villes situées à des centaines de kilomètres au sud de leur lieu de résidence.
Abdoulaye N., 31 ans, un immigré sénégalais qui, comme d'autres migrants interrogés pour cet article, a demandé que seul son prénom soit utilisé par crainte de représailles, a été l'un de ceux qui ont été emportés lors de ces rafles. Il y a quatre ans, il s'était installé dans la ville de Tétouan, au bord de la Méditerranée, où il avait obtenu une carte de séjour et s'était lentement intégré à la société marocaine. Il vendait des bijoux bon marché dans les rues et réussissait ainsi à envoyait de l'argent à sa famille ne gardant que le strict nécessaire pour survivre dans cette société.
Pourtant, le mois dernier, un bon matin, cinq policiers en civil ont fait irruption chez lui, dans l'appartement qu'il partageait avec deux autres migrants et les ont tous arrêtés sans aucune raison valable. On les informe que cela fait partie d'une simple vérification de documents mais une fois embarqués dans les fourgons de police ils finissent quelques heures plus tard dans un autobus qui les déporte la nuit même vers Tiznit à plus de 900 kilomètres au Sud.
Loin d'être un incident isolé, cette mésaventure est aussi celle de milliers d'autres migrants dont on peut retrouver les récits. C'est aussi ce qu'affirment les défenseurs des droits humains, laissant de nombreux Subsahariens dans la crainte d'être arrêtés et déplacés, craignant même de rester chez eux. Le Groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers et migrants (GADEM), un groupe de défense des droits des étrangers et des migrants basés à Rabat, estime qu'environ 6 500 migrants ont été arrêtés et déplacés contre leur grès et en-dehors des procédures judiciaires depuis le début de cette répression contre les personnes étrangères noires de peau.
Le gouvernement a également à expulser certains migrants, selon les enquêtes de plusieurs groupes de défense des droits humains, ce qui est une première depuis le changement de sa politique migratoire voulue par le chef de l'Etat, le roi du Maroc, en 2013. Au total, 91 migrants, dont six mineurs, ont été expulsés depuis le début du mois de septembre. Et aux moins trente-sept autres sont toujours en détention arbitraire, a indiqué le GADEM dans un récent rapport. En outre, précise ce groupe antiraciste, de nombreux migrants détenus pendant l'été ne portaient que des shorts et des T-shirts lorsqu'ils ont été raflés et souffrent maintenant des nuits de plus en plus froides.
Le rapport de GADEM sur les expulsions a été étayé par l'Association marocaine des droits humains (AMDH), qui a publié des vidéos de groupes de migrants emmenés à l'aéroport et déportés. Ceci rejoint les enquêtes de l'AMDH à Nador, qui a signalé une recrudescence de la répression contre les migrants. En tant qu'étrangers, ils n'ont jamais été accueillis par les Marocains d'origine, qui les considèrent comme des bénéficiaires des prestations de l'Etat dans un pays qui lutte pour fournir des emplois et des soins de santé à ses citoyens.
La répression du Maroc contre la migration s'est étendue à ses propres citoyens. Fin septembre, la marine royale marocaine a tué par balles une jeune Marocaine qui était montée à bord d'un bateau rempli de migrants désireux de passer sans autorisation administrative en Espagne. Les autorités marocaines ont déclaré que la marine marocaine avait ouvert le feu après le refus du conducteur de s'arrêter, mais certaines organisations non gouvernementales ont exprimé des doutes sur les circonstances.
Pendant des années, la plupart des migrants cherchant à entrer en Europe sont passés par la Grèce et par l'Italie. Mais après la fermeture de ces portails, il semblerait que les migrants aient réorienté leur route vers l'Europe à partir de l'Espagne, où le nombre de passages aurait atteint les 40 623 cette année, ce qui en ferait la première destination des migrants d'Afrique. Ces chiffres sont très faibles par rapport au million de migrants et de demandeurs d'asile qui sont entrés en Europe en 2015, mais ils sont environ trois fois plus nombreux qu'en 2016. Cela a, à son tour, conduit à une augmentation de pressions plus fortes contre les migrants en Espagne qui se reportent sur le Maroc.
Pourtant, le roi Mohammed VI a clairement mis en place une politique d'accueil des migrants qui a été ouvertement faite pour les migrants d'Afrique subsaharienne. En même temps, face aux pressions de l'Union Européenne à mieux contrôler ses frontières, la migration, de manière générale, semble être aussi un levier pour Rabat qui tente, nous déclare Helena Maleno Garzon, militante des droits humains et fondatrice du groupe Walking Borders, d'arracher des concessions en sa faveur à l'Europe.
C'est ce qui semble se produire aujourd'hui, dit-elle, citant un [programme d'aide de 275 millions de dollars de l'Union européenne, convenu le mois dernier, officiellement pour aider les services de base et pour soutenir la création d'emplois. De son côté, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a reconnu la répression, mais a déclaré qu'elle visait à lutter contre les migrations non autorisées et la traite des êtres humains. Il a nié avec véhémence que l'Europe dictait les politiques migratoires du Maroc.
«Le Maroc ne joue pas et ne jouera jamais le rôle de gendarme pour l'Union européenne. Le Maroc continuera d'être un pays d'accueil pour les Africains subsahariens. Ce que vous appelez des 'éloignements' sont faits selon les normes. Les ambassades des pays africains sont impliquées dans le processus d'identification.»
Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères
Pourtant, les observateurs et les analystes de la réalité migratoire, affirment qu'il est indéniable que les deux gouvernements travaillent en étroite collaboration sur cette question.
«Il y a des contacts très intenses et constants à tous les niveaux entre les responsables espagnols et marocains sur des sujets d'actualité tels que la migration, la sécurité, la coordination, entre autre question», explique Haizam Amirah-Fernández, senior analyste à l'Institut royal Elcano, une institution de recherche en politiques publiques à Madrid.
«Selon les personnes à qui vous posez la question, les interprétations seront différentes. Quand il y a beaucoup d'arrivées, il est entendu que c'est un message envoyé par les autorités marocaines, qui disent leur mécontentement pour telle ou telle raison».
Haizam Amirah-Fernández, senior analyste à l'Institut royal Elcano
Lors d'une visite à Rabat ce mois-ci, Consuelo Rumí, secrétaire d'Etat espagnole aux migrations, a déclaré que l'Espagne était prête à agir en tant que «porte-parole du Maroc dans l'Union européenne» pour aider le pays à recevoir une aide financière et matérielle accrue dans ses efforts pour contrôler la migration. La responsable a également indiqué que son gouvernement chercherait à régulariser des migrants parmi les 200 000 Marocains qui vivant en Espagne sans résidence officielle.
Quelle que soit la motivation de la répression, les groupes de défense des droits humains ont dénoncé les opérations de police. Le GADEM a déclaré que de nombreux migrants, comme Abdoulaye N., ne se rendaient même pas compte qu'ils étaient expulsés avant d'avoir été déposés à des centaines de kilomètres de chez eux, et que beaucoup avaient été victimes de mauvais traitements, souvent confinés pendant des heures sans accès à la nourriture ou aux toilettes.
L'AMDH a partagé des vidéos et des photos des autorités qui empilent des migrants à peau noire dans des bus à Tanger, Tétouan et Nador et les déposent dans le sud. Des images du traitement brutal de la part de la police sont également apparues dans les reportages de la presse locale. «Il est choquant de voir que de jeunes enfants figurent parmi les victimes de ces châtiments brutaux, ainsi que des demandeurs d'asile et des réfugiés reconnus par l'ONU et des migrants enregistrés détenant une carte de résidence», a déclaré Heba Morayef, directrice du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International, dans un communiqué.
On estime à 70 000 le nombre de personnes originaires des pays d'Afrique subsaharienne résidant actuellement au Maroc, selon plusieurs organisations et chercheurs qui analysent leur situation, bien que leur nombre soit difficile à vérifier. Environ 24 000 personnes ont obtenu leurs papiers lors d'une campagne de légalisation lancée en 2014 et 28 400 autres en 2017 dans le cadre d'un effort similaire. Abdoulaye N. pensait être l'un des bénéficiaires du programme, jusqu'à son arrestation.
«La campagne de légalisation est inutile car même avec nos cartes de résidence, ils nous ont embarqués. Au début, ils nous ont laissés en paix sur les marchés et dans les rues. Maintenant, ils nous empêchent de travailler avec ou sans papiers.»
Abdoulaye N.
Les groupes de défense des droits des migrants indiquent que certaines personnes sont mortes pendant les rafles, généralement dans des circonstances obscures. Un garçon malien de 16 ans, arrêté au marché de Tanger et un homme plus âgé de Gambie ont été retrouvés morts, menottés ensemble près de la ville de Kenitra, apparemment après être tombés d'un bus, selon l'AMDH.
«C'est un énorme pas en arrière pour le Maroc», déclare Mme Maleno Garzon, basée à Tanger depuis plus de 15 ans. «En voyant les autorités marocaines arrêter ces migrants, les Marocains supposent automatiquement qu'ils sont des criminels et cela nourrit le racisme et la xénophobie», déplore-t-elle. Résultat, plusieurs migrants disent ne sortir en public qu'en groupe, afin de repousser d'éventuelles attaques. «Même lorsque vous êtes au travail, votre cœur n'est pas en paix», affirme une ressortissante ivoirienne de 39 ans, qui n'a donné que son prénom, Pelagie. «Nos enfants sont terrorisés. On ne peut même pas aller à l'épicerie sans avoir peur de se faire agresser», dit-elle encore.
Pour Patricia G., 36 ans, également de Côte d'Ivoire, «il y a une grande différence entre le discours officiel et la réalité. Nous voyons que le roi veut que nous ayons nos droits, mais ce n'est pas toujours facile avec les autorités ici».
* Traduction autorisée de l'article de Aida Alami «Morocco Unleashes a Harsh Crackdown on Sub-Saharan Migrants», paru dans The New York Times le 22 octobre 2018.
Visiter le site de l'auteur: http://www.aidaalami.com/


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