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Fuite des cerveaux
L'Afrique face à son destin
Publié dans Albayane le 02 - 05 - 2013


L'Afrique face à son destin
La mobilité de la main d'oeuvre hautement qualifiée est l'aspect des mouvements humains le moins étudié par les théoriciens des migrations internationales. Ce phé¬nomène est examiné comme un facteur dévastateur pour les économies des pays dits en voie de développement mais dans les sociétés développées, il est considéré comme une manne. Pour comprendre ses conséquences, il est indispensable de définir le contexte dans lequel il se produit, faire le diagnostic au niveau mondial et analyser le cas d'Afrique, un des continents les plus affectés par le vide causé par la diaspora de cadres hautement qualifiés.
Dans certaines études sur les migrations mondiales, la mobilité de la main d'oeuvre hautement qualifiée est analysée comme « une fuite des cerveaux », de «brain drain» ou «brain overflow» mais dans d'autres, il s'agit tout simplement de «vol de cerveaux» ou de «diaspora intellectuelle».
Le débat sur ce phénomène n'a pas totale¬ment muri ce qui rend encore difficile la mission de déterminer clairement ses avantages et inconvénients au niveau des pays d'origine et ceux d'accueil. Les études élaborées par certaines organisations inter¬nationales et instituts de recherche sont centrées sur la description du phénomène comme un agrégat de la globalisation les causes de l'exode des compétences et ses conséquences sur les économies des pays d'origine. Il s'avère indispensable de définir le contexte dans lequel se développe ce phénomène, établir un diagnostic général au niveau planétaire et insister sur le cas de l'Afrique, le continent qui paraît le plus affecté par le départ de ses éminences grises et cadres dotés d'une haute formation. En fait, les avantages et inconvénients des déplacements des travailleurs hautement qualifiés se déterminent selon l'angle où nous nous plaçons. Il est incontestable que les pays récepteurs de cette catégorie d'immigrés tirent tous les avantages appor¬tés par ce capital humain alors que les pays d'origine sont appelés à explorer toutes les formulas possibles en vue de retenir leurs “cerveaux" pour faire fonctionner par leurs propres ressources humaines les secteurs économies, universités et hôpitaux.
La théorie néo-marxiste peut nous éclairer dans l'explication de l'origine des migra¬tions qui succèdent dans les pays périphéri¬ques (Afrique par exemple) vers les pays du centre (Europe, par exemple) en prenant pour point de départ le sens centre-péri¬phérie. A long terme, s'établit une relation adverse et contraire aux intérêts des pays dits sous-développés. Celle-ci se traduirait par une équation déséquilibrée du fait que les pays périphériques seraient amenés à entrer dans un cercle vicieux de productivi¬té et de taux d'épargne très bas que ceux des pays du centre, ce qui leur rendrait encore quasi impossible l'obtention de bénéfices de toute éventuelle progression de produc¬tivité qu'ils pourraient atteindre. Dans un contexte de globalisation, émergent des marchés segmentés où des immigrés «cols blancs» pourraient atteindre des niveaux de consommation et de revenus en Europe beaucoup plus élevés s'ils étaient restés dans leurs pays d'origine.
Définition de concepts
La mobilité des immigrés hautement quali¬fiés est une expression associée à d'autres concepts qui aident à comprendre mieux le phénomène du départ massif des tra¬vailleurs qualifiés de leur pays. Elle est actuellement utilisée comme synonyme de la «fuite des cerveaux», «exode», «drain¬age», «gaspillage» ou «circulation des cer¬veaux». Ces expressions sont proches de la définition donnée par l'Encyclopédie Britannique selon laquelle «la fuite des cer¬veaux» désigne la sortie de personnes édu¬quées ou professionnelles d'un pays, camp ou secteur économique vers un autre pays généralement pour accéder à de meilleures conditions de vie ou de salaire».
Certains théoriciens considèrent que la migration d'individus hautement qualifiés de pays dits en voie de développement vers les nations industrialisées est une perte de capital humain pour le pays émetteur. Dans un de ses rapports, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique a élargi le champ de définition de cette expression en qualifiant la fuite des cerveaux d'«échange de cerveaux» et de «gaspillage de cerveaux».
Dans la littérature sur les migrations, cer¬tains auteurs préfèrent parler de «mobil¬ité» de personnes hautement qualifiées. Toutefois, l'expression «fuite des cer¬veaux» est utilisée avec force lorsqu'il s'agit de traiter de la migration temporaire (ou saisonnière) de travailleurs hautement qualifiés.
Pour davantage de clarté, nous optons pour l'idée selon laquelle « l'échange de cer¬veaux » traduit un flux bidirectionnel de connaissances scientifiques dont les pro¬tagonistes sont le pays d'origine (ou de départ) et le pays d'accueil (destination finale ou de transit). Lorsque le flux net est fortement déplacé dans une seule direction, sont alors utilisées les expressions «gains de cerveaux» ou «fuite des cerveaux».
Nous pouvons également mentionner une autre expression relative au «gaspillage de cerveaux» qui est l'aspect négatif de cette équation au moment où est constaté un mauvais usage des travailleurs haute¬ment qualifiés dans un pays d'accueil ou un déclassement professionnel de la main d'oeuvre étrangère.
Selon l'OCDE, le gaspillage des cerveaux signifie le gâchis des connaissances spé¬ciales qui se produit lorsque les travailleurs hautement qualifiés émigrent pour accepter des catégories d'emploi ne requérant pas les connaissances et expériences appliquées dans leur premier emploi.
Dans une autre référence aux migrations internationales, nous citons l'Organisation internationale du travail (OIT) qui signale trois types de travailleurs migrants prenant comme paramètres les motifs, les qualifica-tions, l'âge, l'occupation et la distance entre le pays d'origine et l'éventuelle destination. Il s'agit dans ce cas de la «migration per¬manente» relative aux migrants hautement qualifiés, au regroupement familial et à la réinstallation de réfugiés ; la migration temporaire pour tout type d'emploi, enfin, la migration saisonnière pour des emplois d'une durée limitée.
Certains théoriciens, tels Johnson y Regets, ont introduit dans la littérature sur les migrations le concept de «circulation des cerveaux». Ce nouveau concept étudie la condition du travailleur hautement qualifié qui résiste à la tentation de couper le cor¬don ombilical l'unissant à son pays. C'est le cas des immigrés qui, à l'issue de leurs études aux universités du pays d'accueil, intègrent sans difficulté le marché du travail mais décident finalement de retourner dans leur pays d'origine au cas où se présente une opportunité professionnelle plus attrac¬tive. Ce type de migration peut être retenu comme future option afin de remédier au déficit en main d'oeuvre qualifiée, spéciale¬ment si les inégalités économiques con¬tinuent à se réduire entre les pays d'origine et d'accueil en termes de salaries. Il est possible que cette catégorie de migration circulaire contribue à développer la par¬ticipation des expatriés aux projets de co-développement dans leurs pays d'origine à l'image des expériences déjà tentées dans certains pays en voie de développement. La délimitation du concept de migration circu¬laire des cerveaux nous exige de déterminer les contours du profil de ses acteurs.
Diagnostic de la fuite des élites
intellectuelles dans le monde
Prenant en considération les rapports de l'OCDE, nous pouvons soutenir qu'il s'agit de travailleurs dotés d'une qualification spécifique acquise dans leur pays d'origine et qui ont incorporé le marché du travail dans un pays d'accueil. En général, ce phé¬nomène affecte sans discrimination ni raci¬ale, ni ethnique ni géographique toutes les parties du monde y tous les secteurs vitaux. Cette catégorie élitiste de travailleurs avance une série d'arguments qui aboutis¬sent à une double justification. D'une part, elle manifeste le désir d'accepter tout type d'encouragement venant de la part du pays d'accueil susceptible de garantir une amé-lioration de leur situation aux plans profes¬sionnel et matériel; et d'autre part, ils aspi¬rant à la concrétisation du projet personnel en termes de bien-être, d'acquisition de nouvelles connaissances et habilités socia¬les hors de l'environnement national. Cette constatation est spécialement valable pour les pays dits en voie de développements où le marché du travail se caractérise par un haut indice de précarité.
De nos jours, ce sont des millions de citoy¬ens de différentes nationalités qui alimentent les flux des travailleurs hautement qualifies. Au niveau de la distribution géographique, nous observons que trois sur quatre de ces migrants cols blancs se déplacent d'un pays développé vers un autre; d'autres vers les pays asiatiques qui vivent une phase de forte croissance économique tels ceux du Golfe, d'Asie Orientale, d'Amérique du Sud et des ex-Etats d'Europe Centrale et de l'Est. D'autres encore se dirigent vers les pays moins développés.
En termes généraux, les pays récepteurs offrent tout type d'encouragement afin d'accueillir le maximum de flux de «cer¬veaux en fuite». Il est notoire de relever que les pays les plus riches et les plus avancés économiquement sont ceux qui ont mieux perfectionné les processus d'accueil de cette catégorie de travailleurs comme c'est le cas du Canada, de l'Australie, des Etats-Unis et du Royaume Uni.
Grâce à la mise en place d'une série de structures d'accueil, leurs marchés se nour¬rissent continuellement d'une main d'oeuvre hautement spécialisée venant d'autres pays à tel point qu'au Royaume-Uni, par exem¬ple, près du tiers des effectifs des méde¬cins et 13% des infirmières sont d'origine étrangère alors que la moitié du total du personnel contractuel du Service National de Santé des vingt dernières années a été formée à l'étranger.
Le “brain drain", dont les grands perdants sont les pays d'origine principalement ceux dits en voie de développement, devient en fin de compte « brain gain » pour les pays prospères qui tirent profit de l'accueil des élites intellectuelles et scientifiques du tiers-monde. De cette façon, la mobilité des travailleurs hautement qualifiés est la conséquence des déséquilibres au niveau mondial en termes de développement sci¬entifique et économique. Il n'est guère surprenant d'admettre comme évidence que les Etats-Unis, la première puissance économique de la planète, soit la principale destination de la main d'oeuvre scientifique qualifiée de tous les continents.
Des instituts de recherche, tels le National Science Foundation (Etats-Unis) reconnais¬sent l'importance vitale de l'insertion au marché américain de ce «brain drain». De manière que plus de 900.000 travailleurs hautement qualifies, fondamentalement en hautes technologies, se sont installés aux Etats-Unis depuis le début des années 90 jusqu'à 2002, dont 37% ont un doctorat. Ils proviennent dans leur majorité de l'Inde, de la Chine, de la République de Russie et de certains pays de l'OCDE grâce à l'octroi du visa H-1. Il s'agit d'un visa institué par les Etats-Unis dans les années 80 pour faciliter l'entrée de professionnels d'une spécialité déterminée de durée renouvel¬able de six ans. La proportion des résidents permanents dans ce pays titulaires d'un doctorat est particulièrement haute en sci¬ences d'ingénierie (51%) alors que 55% des chercheurs et enseignants qui exercent aux universités américaines sont étrangers. Il existait également 11.000 docteurs, nés en UE, qui résident aux Etats-Unis et n'avaient pas encore pris al décision de retourner dans leur pays d'origine.
Au niveau mondial, sur les 20,5 millions de migrants qualifiés, 40% procèdent d'un autre pays de l'OCDE, soit 8,5 mil¬lions de hauts cadres. Globalement, les migrants provenant des pays non membres de l'OCDE sont plus qualifiés que ceux issus des pays membres de cette organisa¬tion internationale. Sur ce volume, 30,9% sont originaires d'Afrique, 51,9% d'Asie, 39,7% d'Amérique du Sud mais seulement 30,2% viennent de l'OCDE. L'étude sur la répartition géographique de ces migrants révèle que l'Europe demeure la destina¬tion préférée des africains du fait qu'elle absorbe 75% du total des migrants et 46,2 % des travailleurs hautement qualifiés prov¬enant de ce continent. De même, le vieux continent accueille 30,5% des immigrés asi¬atiques, dont 13,7% des travailleurs haute¬ment qualifiés. D'autant plus, les asiatiques constituent le collectif le plus nombreux des travailleurs les plus qualifiés qui débarquent en Europe pour représenter 30,5% du total de cette catégorie de travailleurs bien avant les latino-américains (15,4%) et africains (13,7%).
En comparaison avec l'Amérique du Nord et le reste des pays de l'OCDE, le nombre de travailleurs européens hautement quali¬fiés est inférieur à la moyenne par rapport aux autres continents.
Si nous prenons comme référence le total des migrants internationaux qui est passé de 154 millions en 1990 à 175 millions en 2000 (progression de 14%), nous nous ren¬controns avec une augmentation beaucoup plus intense en ce qui concerne le stock des travailleurs migrants hautement qualifiés qui est passé durant la même période de 12 à 20 millions de personnes, soit un taux d'augmentation de 67%.
A un autre niveau d'analyse, nous pou¬vons également admettre que si la fuite des cerveaux en Union Européenne ne génère guère une grande préoccupation pour représenter uniquement 1% de la force de travail, dans d'autres régions du monde, ce phénomène est décrit comme héca¬tombe. Dans ce contexte, signale une étude de l'UNESCO, diffusée en 2007, des pays tels Haïti, Jamaïque et Guyane, dont 80% de leurs étudiants licenciés vivent à l'étranger, est un cas préoccupant qui mérite d'être cité. De même, un tiers des immigrés docteurs avaient préparé leurs thèses dans une université hors de leur pays.
Qui perd et qui gagne?
En 2000, les immigrés hautement quali¬fiés représentaient près de 45% du total des immigrés en Amérique du Nord. Cette proportion avait baissé à 35% dans la zone OCDE et à 22,1% en UE. L'exode des professionnels européens vers les Etats-Unis et Canada est contemplé en UE comme une conséquence du retard en matière d'Investigation/Développement, révèle la commission européenne dans un rapport en 2003. En termes nets de capital humain dans leurs échanges avec les traditionnelles nations d'immigration, l'Europe souffre d'un déficit chronique. A la différence d'autres régions du monde, elle jouit néanmoins de l'avantage d'être en mesure de compenser cette carence grâce à la permanence sur son territoire d'un impressionnant potentiel de main d'oeuvre hautement spécialisée qui provient de pays dits en voie de développement, particulière¬ment des anciennes colonies et certains pays membres de l'OCDE. Seuls 3% des chercheurs français, par exemple, émigrent mais 80% parmi eux retournent dans le pays quelques années plus tard, forts d'une expérience plus enrichie.
Les causes qui incitèrent les travail¬leurs hautement qualifiés (ou stock d'immigration), à abandonner leur pays ne sont pas en grande partie différentes de celles du reste des flux de l'immigration économique. La fuite des cerveaux se développe conformément aux caractéris¬tiques culturelles, politiques, sociales ou géographiques des pays d'origine.
Il est intéressant de nous référer dans ce contexte à un schéma mathématique, élaboré par une équipe de chercheurs bel¬ges, qui aide à mesurer les effets de ce type de migration utilisant trois ensembles de « mesures de proximité » et les principaux facteurs « push » généralement mis en relief dans les théories classiques des migrations. Selon ce schéma, la distribution à l'échelle mondiale de la migration qualifiée n'est pas aléatoire mais est conditionnée, dans les pays d'origine, par certains facteurs «push» de la migration. En d'autres termes, les pays qui disposent des paramètres de sélec¬tion plus proches se caractérisent par des indicateurs politiques, sociaux ou culturels similaires. Cette association positive est particulièrement bien marquée si nous ten¬ons en compte la proximité géographique et les affinités linguistiques, mais aussi la fragmentation ethnique, linguistique, reli¬gieuse ou politique.
Dans la mesure où les statistiques sur les migrations sont inexistantes ou peu fiables, la dimension des stocks d'immigrés peut être connue à travers les statistiques pub¬liées dans les pays d'accueil sur les flux migratoires. Dans cette méthode, est prise comme base statistique le certificat des études secondaires et le pays d'origine afin de définir la catégorie des migrants qualifiés. Ainsi, l'UE déploie un rôle significatif dans l'encouragement de l'exode des cerveaux de certains pays tels la Gambie, Chypre, Cap Vert, Sierra Leone, Seychelles, Malta, Ghana, Somalie, Ouganda, Angola, Sao Tomé et Principe, République du Congo, Guinée Bissau, Togo ou Iles Comores.
Le processus «Pull» s'explique, dans ce con¬texte, par les encouragements offerts par les pays d'accueil à cette catégorie d'immigrés pour exercer dans des conditions de travail prometteuses. Ces pays apprécient, en effet, la valeur du capital humain, garantissent une promotion professionnelle dans le camp scientifique et un bien-être viable. Tout ceci se traduit, en conséquence, en salaires plus hauts, en logement salubre, en acquisition d'une langue supplémentaire, en garanties de l'éducation des enfants et en une vie sociale plus commode.
Dans cette équation, il est judicieux de voir aussi les effets négatifs et positifs pour les pays pourvoyeurs et récepteurs de la main d'oeuvre hautement qualifiée. En théorie, nous pouvons nous limiter à citer les motifs des pays concernés par ce flux. Dans ce cas, nous pouvons admettre que la fuite des cerveaux a un effet positif pour les deux parties. Néanmoins, la réalité des choses démontrent que ce phénomène est une malédiction de la science pour certains pays dits en voie de développement. Il est logique d'admettre aussi que ces pays ont besoin beaucoup plus que les pays d'accueil de leurs travailleurs hautement qualifiés pour faire fonctionner la machine de dével¬oppement et leurs laboratoires de recher¬che. Il paraît encore difficile de prédire les préjudices causés par la perte des compé¬tences nationales pour les pays d'origine. Les inconvénients du départ des éminences grises sont pour les pays d'Afrique et d'Asie palpables à la suite du vide créé faute de personnel spécialisé surtout dans les secteurs économiques. L'occupation des postes vacants, abandonnés par ces travail¬leurs qui ont quitté de maniérée volontaire ou forcée le pays, se convertira en un pro¬blème de difficile solution à court/moyen. A cause de la «décapitalisation» en termes de ressources humaines et connaissanc¬es scientifiques, le pays s'autoexclut de l'opération de développement. Les inves¬tissements dans le camp éducatif seront alors considérés, à l'issue d'une génération, improductifs pour le déficit accumulé dans les domaines de l'innovation, la recherche et la rentabilité économique. De sorte que les pays dits en voie de développement con¬tribuent indirectement à la formation d'un valeureux capital humain qui sera exploité par les pays développés à un coût très bas. La fuite des cerveaux est accompagnée également d'un déficit net en personnes jeunes des différents groupes d'âge de la population active, une circonstance qui pri-vera ces pays à l'avenir de la garantie d'une relève générationnelle de leurs élites intel¬lectuelles et scientifiques.
Dans els pays de l'OCDE, les effets de la fuite des cerveaux sont plus mitigés grâce à la capacité d'innover les programmes éducatifs en vue de les adapter aux besoins de leur marché du travail. Eu égard aux opportunités offertes, les expatriés retourn¬ent généralement dans leurs pays d'origine à l'issue d'une mission/séjour au pays d'accueil. Ceci n'est pas le cas pour la majorité des étudiants africains, asiatiques ou latino-américains qui, pour différentes raisons, sont séduits par les conditions de vie et de travail dans le pays d'accueil.
Certains théoriciens du co-développement préfèrent parler des effets positifs pour les pays émetteurs tel le maintien des contacts du travailleur hautement qualifié avec sa société d'origine. Ceci, estiment-ils, permet de créer une certaine courroie de transmis¬sion de connaissances professionnelles, sci¬entifiques et techniques entre deux sociétés différentes. Sa contribution sera nettement appréciée pour les transferts de devises nécessaires à l'entretien économique de leur famille ou l'investissement dans des activités productives.
En fin de compte, ce sont les pays d'accueil qui tirent le grand profit de cette opéra¬tion de transvasement de connaissances pour la contribution de cette catégorie de travailleurs à l'amélioration du niveau de la recherche technologique, de l'innovation et du développement des mécanismes de production d'une valeur de marché.
Dans cette situation, la relève générationnelle sera garantie dans les secteurs vitaux sans besoin d'élaborer des programmes d'urgence de formation des autochtones. L'accueil de millions d'étudiants étrangers aux universités des pays développées est ainsi devenu une option rentable. Les étudi¬ants, qui s'adaptent aux valeurs culturelles, sociales et politiques, n'auront aucune diffi¬culté d'insertion au marché du travail local à l'issue de leurs études. Il serait logique et rentable pour les entreprises de prévoir dans leurs prévisions le recrutement d'une grande partie de ces étudiants pour pouvoir garantir la qualité de services, le rythme de production et la rénovation des méthodes de travail. Elles disposent par conséquent, d'un profil déterminé du travailleur qui s'adapterait à leur stratégie après avoir effectué une période stage dans leurs instal¬lations et départements.
Par contre, la fuite des cerveaux est inter¬prétée comme une externalité négative que doit supporter la population du pays d'origine. Les effets de cette externalité se révèlent à travers les préjudices subis par les facteurs de production complémentaire. Il s'agit de la réduction du stock humain disponible pour les générations présentes et futures (Docquier et Rapoport : 1999).
L'Afrique, un continent
vide de ses génies
«Il y a plus de médecins béninois en Ile-de-France qu'au Bénin», est le titre d'un commentaire, publié dans le quotidien fran¬çais Libération, dans son édition du 20 juillet 2007, qui résume en peu de mots la crue réalité vécue en Afrique à cause de la mobilité des travailleurs hautement qualifiés. Les données sur ce phénomène révèlent une décapitalisation humaine con¬tinue du continent noir depuis la vague des indépendances dans les années soixante. Le flux de ces travailleurs s'est poursuivi à un frénétique rythme à tel point que 27.000 africains hautement qualifiés ont préféré venir s'installer définitivement dans les pays développés entre 1960 et 1975. Ce chiffre est passé à 40.000 de 1975 à 1984. Depuis 1990, ont émigré chaque année 20.000 africains spécialisés. La per¬sistance d'une incessante hémorragie du capital humain touche tous les secteurs qui nécessitent en fait davantage de personnel hautement qualifié dont le départ est dif¬ficile de combler par d'autres hauts cadres nationaux.
En conséquence, l'Afrique a perdu, entre 1982 et 1997, plus de 60.000 profession¬nels, selon des organisations internation¬ales. Il s'agit surtout de médecins, profes¬seurs universitaires titulaires et ingénieurs. Entre 1982 et 1997, près de 35% des professionnels ou étudiants qui s'étaient rendus à l'étranger pour parachever leur formation n'étaient pas retournés dans leurs pays d'origine.
En Afrique subsaharienne, les Etats sont amenés à consacrer annuellement un mon¬tant de quatre milliards de dollars à verser sous forme rétributions salariales aux pro¬fessionnels provenant de pays dévelop¬pés, appelés à exercer dans les différents services, observait l'UNESCO en 2007. Les causes de cette hécatombe sont divers¬es mais les plus directes sont inhéren¬tes aux crises économiques, hauts taux de chômage, conflits armés, absence de garanties démocratiques et déficience des services publics. Les Etats africains souf¬frent également du “brain overflow", un phénomène qui s'explique par la sous-production de travailleurs hautement quali¬fiés ou la basse utilisation dans leur propre pays. Faute d'offres d'emploi, il s'est créé un excès de main d'oeuvre qualifiée. Dans ces conditions, émigrer serait l'unique issue pour remédier à cette situation.
Le continent africain se trouve ainsi attr¬apé dans le cercle vicieux de la fugue des cerveaux et de la pauvreté chronique. Compte-tenu des actuelles circonstances et du délicat moment que traverse l'Afrique, les politiques visant à récupérer ces com¬pétences paraissent comme un rêve irré¬alisable. Comme tous les immigrés du monde, les africains qui vivent à l'étranger tentent à considérer la possibilité du retour en soupesant les opportunités d'insertion qui s'offrent dans leur pays. Dans le cas d'Afrique, l'idée de tirer profit de l'expérience des expatriés sera seulement possible si les gouvernements de leurs Etats réussissent à éliminer toutes les aspérités et entraves qui retardent leurs projets de développement et instaurer un climat de confiance au sein de leurs sociétés.


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