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Deux noms, un poème et des souvenirs inoubliables.
Publié dans Albayane le 19 - 04 - 2020


Serge Chappuis et Khalid Dinia
Il est des hommes qui laissent, à jamais, des traces marquantes dans le parcours de notre vie. C'est le cas de deux de mes anciens enseignants. Messieurs Serge Chappuis et Khalid Dinia. Deux noms qui demeurent pour toujours gravés dans ma mémoire. Le premier, je l'ai connu au début des années 1980, à Khemisset, il était mon prof de français au lycée Moussa Ibn Noussair. Le second m'a enseigné la littérature, vers la fin des années 1980, à la fac de lettres de Kenitra.
Quoique je les aie respectivement connus durant deux périodes différentes et dans des villes peu éloignées, n'ayant presque rien en commun, ces deux enseignants ont eu presque le même impact sur la destinée de l'élève que j'étais.
Serge Chappuis a eu le mérite de me faire aimer la langue française, non seulement en tant que langue de Molière, mais aussi à travers les beaux textes, qu'il avait l'habitude de nous proposer en classe, surtout ceux écrits par les écrivains maghrébins, en général, et marocains, en particulier.
Il est originaire de la région montagneuse de la Savoie. Grand amoureux de la montagne, il nous parlait souvent de cette région. En évoquant Aix-les-Bains, sa ville natale et ses environs, il évoquait longuement le lac du Bourget. Ce haut lieu qui symbolise beaucoup pour les amoureux des lettres et de la littérature , ayant inspiré le poète romantique Lamartine. C'est là où le poète a vécu son extraordinaire histoire d'amour. Histoire suite à laquelle, il a composé son fameux poème intitulé, justement, «Le lac».
Des années durant, pendant les mois de vacances, pour échanger des nouvelles, mon prof savoyard m'envoyait des lettres, accompagnées de belles cartes postales montrant des vues splendides donnant sur le lac de Lamartine. Avec toujours, quelques vers extraits du fameux poème. Beauté des paysages, présence de la statue majestueuse du poète. Le tout inondé par la magie des images poétiques. Au fil des lettres, le lac comme étendue des flots et le poème comme tissu de mots et d'images, ne faisaient qu'un pour moi. Il constituait une nourriture, utile et agréable, à mon imaginaire d'élève, avide de savoir et d'art.
Arrivé à la fac de lettres, au programme, les études portaient sur les textes littéraires, comme matière principale. Parmi les enseignants, un certain monsieur Dinia. Dans ses cours, il était question des textes expliqués, autour de la poésie du XIXème siècle. A ma grande surprise, il nous proposa l'inévitable poème d'Alphonse de Lamartine « Le lac ».
Monsieur Dinia avait toutes les allures d'un bon prof de littérature. Les rares moments où on le voyait traverser la cour, il tenait à sa main un grand cartable en cuir, style classique. Toujours d'un pas décidé, il avançait droit, le regard fixant un horizon invisible. La taille grande et élancée, il portait souvent un long manteau et un cache-col, aux couleurs nuancées. Sa façon de s'habiller laissait voir un homme modeste et humble de caractère. Tout, dans son apparence, me faisait penser à la silhouette sculptée du poète romantique, tel qu'il était illustré dans les cartes que m'envoyait mon enseignant savoyard.
En classe, l'homme humble, à apparence modeste et à allure calme, se transmuait en enseignant vif et extrêmement dynamique. Quand il entama la longue explication du poème-fleuve « le Lac », il quitta sa peau de pédagogue pour se réincarner en poète. Il bougeait sans cesse, s'agitait au rythme des paroles, animait son discours : interrogations, interjections, exclamations…Faisant corps à corps avec le poème, absorbé par ses songes comme s'il entrait en communion avec le spectre de Lamartine. Tout d'un coup, la chute, il se tut complètement, laissant entendre un silence strident. Pause-silence. On aurait dit que le poète naissant au sein du pédagogue, se laissait pousser des ailes invisibles pour transporter nos imaginaires, à travers espace et temps, pour aller planer au-dessus des alentours du lac de Bourget. Ce théâtre lumineux où eut lieu l'histoire d'amour extraordinaire entre le poète et la femme qui l'a inspiré.
Hélas ! Tentative de survol dans l'espace et voyage dans l'imaginaire qui demeuraient vains. Devant l'insensibilité intellectuelle du public estudiantin, l'enseignant doublé du poète, gesticulations et clameurs à l'appui, retentait d'insuffler de nouvelles rumeurs poétiques dans ces âmes errantes, presque éteintes, que nous étions. Durant deux bonnes longues heures, temps couvrant la séance de poésie, monsieur Dinia, incarnant la rationalité de l'enseignant et l'imaginaire du poète, tenta de captiver l'auditoire juvénile par son affect poétique, chargé de lyrisme et d'enthousiasme … Sans résultat … Un air de contrariété et d'épuisement se dessinait sur son visage, les mains ballantes, il mit fin à la séance, en lâchant cette sentence interrogative : « Comment puis-je faire de vous des poètes en herbe?
Bien des années plus tard, après cette période en tant qu'élève au lycée et étudiant à la fac, en 2016, et sur invitation de mon ancien prof du lycée, je me suis rendu en Savoie. Pendant mon séjour là-bas, avec gentillesse et pleine disponibilité, il me fit découvrir la région savoyarde. Au programme, des randonnées et des balades, de découverte en découverte.
Mais, la découverte, qui m'a beaucoup émerveillé, fut celle du lac de Lamartine, situé non loin d'Aix-les-Bains. Lors des flâneries autour du lac, me laissant aller sur les pas du poète, des flots de souvenirs, remontant à mes années de lycéen et d'étudiant en lettres, ont fait surface.
Bien sûr, avec le temps, après deux siècles, le lac et les sites environnants ont visiblement beaucoup changé. Très différents de l'époque du poète romantique, où la nature et les paysages aux alentours étaient encore à l'état sauvage et peu fréquentés.
En dépit des siècles passés et des mutations conséquentes, dans mon imaginaire d'ancien élève, le lac de Lamartine demeure le support de souvenirs inoubliables, qui restent toujours gravés dans ma mémoire. Ces belles cartes postales avec ces beaux vers extraits du poème « le Lac » que mon ancien prof S. Chappuis m'envoyait depuis la Savoie ainsi que les échos des paroles de mon enseignant Dinia, à travers lesquelles il se laissait emporter par le sens houleux du texte, se métamorphosant en poète épris dans une sorte de transe intellectuelle, état second entre épanouissement et anxiété.
En guise d'hommage à ces deux enseignants exceptionnels, qui se rejoignent dans le même désir de faire partager leur goût de la poésie et de l'imagination, cet extrait du poème « le Lac » :
O temps, suspends ton vol ! Et vous heures propices
Suspendez votre cours !
L'homme n'a point de port, et le temps n'a point de rive
Il coule, et nous passons…
Aujourd'hui, mon ancien prof monsieur S. Chappuis, après une retraite bien méritée, vit au cœur des Bauges, en Savoie. Il continue toujours de parcourir la montagne avec passion. Quant à mon ancien enseignant de poésie, monsieur Kh. Dinia, malheureusement, il n'est plus. Que son âme repose en paix. Il a, tout de même, laissé un legs aux générations montantes, des amoureux de poésie, un recueil de poèmes intitulé «Hybrides».


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