Notre pays à l'instar de beaucoup d'autres, vit une compétitivité au sein d'une économie du savoir en pleine mondialisation. A mesure que nous faisons évoluer notre production vers des secteurs à valeur ajoutée et des produits et services axés sur le savoir, on assiste à une montée en puissance de la dépendance à l'accès aux nouvelles technologies, aux connaissances et aux compétences. Nous devons donc investir dans nos systèmes d'innovation aux niveaux national et régional en accordant une importance considérable à l'accomplissement des objectifs de développement régional, favorisant les atouts et situations uniques de chaque région, particulièrement dans les secteurs d'activité fondés sur le savoir qui sont en plein développement. En tant que sources clés de connaissances et d'innovation, nos universités et établissements d'enseignement supérieur sont appelées à jouer un rôle crucial dans ce processus. Pour remplir leur rôle régional, les universités et établissements d'enseignement supérieur doivent faire plus que dispenser un enseignement et mener des recherches; ils doivent s'engager auprès des autres acteurs de leur région, fournir des possibilités pour l'apprentissage tout au long de la vie et contribuer au développement de métiers à forte concentration d'expertise qui permettront à leurs diplômés de trouver un emploi au niveau local et de rester au sein de la collectivité. Ces exigences ont des répercussions sur l'ensemble des activités des établissements, qu'il s'agisse de l'enseignement, de la recherche ou des services à la collectivité. Les mesures d'action publique et les réformes institutionnelles qui peuvent les aider à remplir cet objectif ont été mises en place via la loi 01.00. Elle trace l'engagement de l'enseignement supérieur selon plusieurs dimensions: la création de savoir à travers le transfert des recherches et de la technologie; le transfert du savoir à travers le développement de l'éducation et des ressources humaines et le développement culturel et social, qui peut créer les conditions favorables à une innovation dynamique. Des exemples de la contribution de l'enseignement supérieur aux besoins de l'économie locale ont été testés mais restent plus occasionnels que structurels. Mais aujourd'hui, un facteur déterminant est intervenu dans le contexte du développement régional: l'accent est mis sur un développement plus local, privilégiant le renforcement des compétences, de l'esprit d'entreprise et de l'innovation au sein des régions. Des efforts donc doivent être consentis pour éliminer les barrières entravant l'application des recherches, ce qui oblige nos universités à s'engager davantage dans l'innovation. Les pouvoirs publics s'intéressent désormais aussi aux services publics, à l'innovation sociale et structurelle, ainsi qu'à la participation des universités au tissu social dans lequel ils s'inscrivent. Les universités et les régions sont amenées à établir des partenariats fondés sur des intérêts communs qui sont principalement d'ordre socioéconomique. De la perspective des agences de promotion du développement urbain et régional, les établissements de l'enseignement supérieur constitueront une ressource essentielle. Ils peuvent en effet servir le développement régional en contribuant bien évidemment à l'avantage comparatif de la région dans les secteurs d'activité axés sur le savoir ainsi qu'à son vivier de main-d'œuvre, mais aussi, par exemple, en aidant à créer de nouvelles entreprises, en contribuant aux recettes fiscales et en apportant des contenus et un public aux programmes culturels locaux. De la perspective des universités, l'engagement local comporte un ensemble de bienfaits. Ainsi, la région viendra renforcer les activités des établissements de diverses façons, notamment pour des services de recherche, d'activités de conseil et de formation. Promotion de l'innovation dans une optique régionale En dépit des contraintes existantes, les nouvelles missions de l'enseignement supérieur n'ont cessé de s'additionner à mesure que le pays renforce son dispositif d'établissements d'enseignement supérieur en lien avec les entreprises et l'économie (ENCG, ENSA…). Les mesures d'action publique ont développé un objectif commun: transformer chaque établissement en moteur de croissance (licences professionnelles, masters spécialisés…). Les efforts ont souvent été indirects, consistant à accorder davantage d'autonomie aux établissements et à améliorer les conditions cadres et les mécanismes d'incitation pour coopérer avec le secteur privé. Parmi les moyens privilégiés, citons deux mesures importantes: la valorisation du rôle de l'enseignement au sein des systèmes d'innovation (plan d'urgence) et le renforcement de la participation des universités à des initiatives de type constitution de réseaux. Des mesures d'incitation ont également été mises en place sous la forme de subventions, contrat ministère-université, d'appels à projets ou de programmes communs. Les pouvoirs publics ont souvent privilégié l'incorporation et le développement des hautes technologies, tandis que les mécanismes destinés à soutenir l'esprit d'entreprise et l'innovation sociale pour les besoins plus vastes de groupes exclus dans des zones rurales et le centre ville sont restés limités. Des études de cas de différents pays montrent la façon dont la dimension régionale peut s'intégrer à l'investissement public dans la base scientifique des universités. Par exemple, en France, en Finlande, au Japon, au Mexique et au Royaume-Uni, les autorités nationales ont pris des mesures pour identifier et soutenir les centres régionaux d'innovation. Les exemples des régions transfrontalières d'Öresund (Danemark) et du Canada atlantique illustrent la façon dont les universités peuvent collaborer pour améliorer et diversifier leur offre de services aux entreprises locales et régionales. Les petites et moyennes entreprises (PME) éprouvent souvent des difficultés à travailler avec de grands établissements universitaires ou à s'engager dans les enjeux de recherche plus vastes que se donnent les universités. Or, ce processus peut être facilité par la création de points d'accès. Des études de cas illustrent la façon d'y parvenir; dans le Nord-Est de l'Angleterre une «Maison du savoir » fournit ainsi un point d'entrée commun à cinq universités, tandis que l'université technologique de Géorgie (EtatsUnis) possède 13 bureaux régionaux à travers l'Etat. Les universités peuvent également jouer un rôle clé pour amener les acteurs mondiaux dans un contexte local afin d'attirer les investissements de l'étranger. Qu'il s'agisse de l'université Jaume I à Valence, en Espagne, qui aide à transformer l'industrie traditionnelle des carreaux en céramique, reposant principalement sur des PME, en leader mondial, ou bien de l'université de Sunderland au Royaume-Uni, qui participe à une alliance pour faire de la nouvelle usine de Nissan l'installation la plus productive d'Europe, l'enseignement supérieur commence à prendre la mesure du rôle charnière qu'il peut jouer. Développement du capital humain dans les régions L'enseignement supérieur peut contribuer au développement du capital humain dans les régions en dispensant un enseignement à une plus vaste gamme de citoyens au plan local, s'assurant ainsi qu'ils sont aptes à l'emploi à l'issue de leur formation, aidant les employeurs locaux à répondre aux besoins de nouvelles compétences, garantissant que les employés continuent d'apprendre en encourageant le développement professionnel continu. L'élargissement de l'accès à l'enseignement supérieur est une mission nationale autant que régionale, mais la dimension régionale devient particulièrement importante. Les établissements d'enseignement supérieur peuvent également améliorer l'équilibre entre offre et demande sur le marché de l'emploi. Un tel objectif nécessite d'être bien renseigné sur le marché et d'entretenir des liens soutenus avec les entreprises, collectivités et autorités locales. Des programmes d'apprentissage professionnels, tels que le système Family Firm de l'université Dongseo de Busan, en Corée du Sud, constituent des transferts de technologies qui s'incarnent dans des personnes et aboutissent souvent à la création d'emplois et à la promotion de liens entre PME et université. L'université d'Ålborg, au Danemark, et de nombreux nouveaux établissements universitaire ont construit leur offre d'enseignement autour de l'apprentissage fondé sur la résolution de problèmes, qui garantit une coopération soutenue avec la société civile et le secteur privé. Les établissements universitaires sont par ailleurs de plus en plus nombreux à créer des programmes d'entrepreneuriat. L'émergence dans la région d'un système efficace de capital humain, se distinguant d'un certain nombre de composantes non liées entre elles, nécessite une certaine dose de coordination et de pilotage, en particulier entre les différentes étapes d'enseignement. La coopération entre universités peut apporter de nombreux avantages, notamment celui d'atteindre la masse critique, mais aussi d'améliorer les passerelles qui permettent de s'inscrire dans plusieurs établissements et d'accroître le partage de l'apprentissage à travers la diffusion des meilleures pratiques. Promotion du développement social, culturel et environnemental des régions / capacité d'engagement Le développement régional ne consiste pas uniquement à aider les entreprises à prospérer: des formes plus vastes de développement permettent à la fois de servir des objectifs économiques, tout en étant des buts en soi. L'enseignement supérieur est parfois bien placé pour analyser et contribuer à régler les besoins sociaux dans les régions défavorisées. Dans le domaine culturel, la contribution de la culture à l'amélioration de la qualité de vie, l'attraction des talents créatifs et la croissance des industries créatives sont parties intégrante du développement régional. L'enseignement supérieur peut jouer un rôle de premier plan dans l'internationalisation des régions et dans l'accroissement de leur diversité et de leur multiculturalisme, bien que, les liens internationaux ne soient pas suffisamment exploités dans cette perspective. Dans le domaine de l'engagement régional, beaucoup dépend de la direction et de l'esprit d'entreprise des établissements universitaires. Intégrer le programme régional et faire évoluer la capacité des établissements en transposant les cas individuels de bonnes pratiques à l'échelle d'un système bien développé nécessite en effet des équipes de gestion expérimentées à même de livrer la réponse collégiale attendue par les acteurs régionaux, ainsi que des systèmes de gestion et de direction modernes (par exemple les systèmes de gestion des ressources humaines et les systèmes de gestion financière soutenus par les technologies modernes de l'information et des communications), des mécanismes transversaux qui relient l'enseignement, la recherche et les activités relevant de la troisième mission et dépassent les frontières disciplinaires, des structures permanentes qui mettent en valeur l'engagement régional. Les universités peuvent jouer un rôle clé pour coordonner au niveau régional une vaste gamme de mesures nationales, concernant notamment la science et la technologie, l'industrie, l'enseignement et les compétences, la santé, la culture et le sport, la viabilité écologique et la cohésion sociale. Par conséquent si on souhaite mobiliser tout ou partie du système éducatif en soutien au développement régional on doit assurer que les politiques d'enseignement supérieur qui englobent l'enseignement, la recherche et les activités relevant de la troisième mission intègrent une dimension régionale explicite. On doit aussi instaurer des conditions cadres favorables, telles qu'une plus grande autonomie des établissements, à même de soutenir des établissements plus entrepreneuriales, ainsi qu'un renforcement de la coopération avec les entreprises et des structures d'incitations encourageantes incluant un financement de base à long terme mais aussi des programmes de financement stratégique additionnels. Enfin, il est nécessaire de reconnaître que l'engagement régional peut mettre en valeur les missions fondamentales de l'enseignement et de la recherche et que la région peut être perçue comme un laboratoire pour les projets de recherche, un fournisseur d'expérience professionnelle pour les étudiants et une source de moyens financiers pour mettre en valeur la compétitivité mondiale de l'établissement. (*)Professeur à la Faculté des Sciences Kénitra Laboratoire de Génie Physique & Environnement