Il y a des condamnations qui valent plus que leur poids en dollars. Celle infligée à Hicham Jerando, ce 14 juillet 2025, par la Cour supérieure du Québec en fait partie. Le youtubeur installé à Montréal, habitué aux sorties haineuses et aux diffamations en série, a été condamné pour diffamation aggravée à verser 164 514 dollars canadiens à l'avocat marocain Me Adil Said Lamtiri. Un jugement fort, mais surtout juste. Car il était temps que la justice rappelle à l'ordre un homme qui confond liberté d'expression et liberté d'agresser. Jerando ne s'est pas contenté de critiquer mais il a choisi l'excès comme stratégie médiatique. Il a insulté, sali, déformé, harcelé. Pendant des mois, il a inondé sa chaîne YouTube « Tahadi » de propos incendiaires visant des personnalités marocaines, et en particulier Me Lamtiri. Les vidéos, parfois montées de manière sensationnaliste, laissaient peu de place à l'ambiguïté : attaques personnelles, insinuations non vérifiées, accusations gravissimes sans preuve, le tout présenté avec le ton agressif du procureur autoproclamé. Ce n'était pas de l'information. Ce n'était même pas de la critique. C'était une guerre numérique, avec des armes aussi sales qu'efficaces : la calomnie, l'humiliation publique, l'acharnement. LIRE AUSSI : Le CNDH et le CESE consultés sur la réforme du Conseil National de la Presse La Cour n'a pas hésité. Elle a reconnu la gravité exceptionnelle des propos tenus, leur caractère délibérément nuisible, et surtout l'impact destructeur qu'ils ont eu sur la réputation et la vie professionnelle de Me Lamtiri. 75 000 $ pour le préjudice moral, 50 000 $ pour les pertes financières, 25 000 $ en dommages punitifs pour sanctionner l'intention malveillante. Et une injonction permanente pour lui interdire toute récidive. La somme est lourde, mais symboliquement, c'est surtout un mur dressé contre la dérive populiste du numérique. On peut dire que c'est un jugement qui remet les pendules à l'heure. Trop de liberté tue la liberté Le cas Jerando est emblématique d'un phénomène bien plus vaste : celui de ces influenceurs qui, au nom d'une liberté mal comprise, se donnent le droit de démolir autrui sans limite. Pour eux, une caméra devient un tribunal, et un micro, un marteau de juge. Mais la vraie liberté d'expression, celle que protège la loi, n'est jamais un permis d'agresser, ni un droit de nuire. Jerando a transformé la parole publique en une arme, et ses abonnés en foule numérique. Et dans cette arène toxique, la victime n'a ni droit de réponse, ni bouclier. Ce jugement remet les choses à leur place : on peut être libre, mais pas impuni. Me Lamtiri, jusqu'ici discret, a refusé de se laisser broyer par le rouleau compresseur numérique. En portant l'affaire devant les tribunaux, il a non seulement défendu son nom, mais posé un jalon pour tous ceux que l'injure médiatique tente d'écraser en silence. La justice vient donc de rappeler une règle essentielle : la parole publique est un privilège fragile. Elle exige rigueur, respect et responsabilité. Jerando a confondu buzz avec bravoure, polémique avec courage. Il voulait des vues, il aura une dette et une leçon historique à méditer. La liberté, ce n'est pas dire tout ce qu'on pense. C'est penser à tout ce que l'on dit.