Accusée de faux et d'usage de faux par la justice algérienne et lâchée par ses confrères, Me Benmimoun crie au complot. En déposant plainte contre l'un de ses clients, Zakia Benmimoun était loin de se douter de l'enfer qui allait s'abattre sur elle. Un enfer qui perdure voilà trois ans et qui risque de lui coûter sa carrière d'avocate. Née en Algérie, elle n'en est pas moins une marocaine de pure souche, son père étant originaire de la région de Nador, sa mère rifaine. C'est d'ailleurs sa nationalité qui va être la source de ses malheurs, dans une Algérie où il ne fait pas, apparemment, bon être Marocain. Agée de 35 ans, elle était prédestinée à une grande carrière, entamée depuis déjà neuf ans. Mais c'était compter sans la hargne vindicative dudit client, Sidi Mohamed Bousaïd de son nom et de la complicité d'un appareil judiciaire qui semble ne pas faire preuve de rigueur dans la recherche de la vérité quand il est question d'une ressortissante marocaine. Tout a commencé en 2001 quand ce dernier a obtenu gain de cause dans une affaire civile qui l'opposait à son père. Maître Benmimoun, qui se chargeait de l'affaire, s'en était bien sortie. «Mais quand le moment de toucher mes honoraires est venu, j'ai été confrontée au chantage de celui-même dont j'avais défendu la cause», nous raconte celle qui, pour demander réparation, s'est adressée à la justice. La plainte qu'elle dépose se solde par six mois de sursis, en plus d'une somme considérable de dommages et intérêts, à l'encontre de Bousaïd. Il se trouve que ce dernier était également poursuivi par la justice algérienne dans une autre affaire de faux et usage de faux, plus précisément la falsification d'un acte de mariage. Au rang des accusés figurait également Choumisha Ardaoui, la pseudo-femme de Bousaïd. Dans une situation peu enviable, ce dernier ne tardera pas à trouver la parade, faisant d'une pierre deux coups. «Sur le conseil de son avocat, et encouragé par le vice-commissaire principal de la wilaya de Tlemçen, l'accusé se meut en accusateur», nous précise-t-elle. N'ayant rien à voir dans une affaire où elle n'était pas partie prenante, Mme Benmimoun est accusée d'avoir été l'auteur de la falsification. Rien de moins. Une enquête judiciaire est enclenchée, mais pas avant que l'avocate ne soit suspendue le 25 avril 2001, pendant plus de cinq mois. Quelque mois passent, l'investigation judiciaire conclut à la non-responsabilité de l'accusée. La justice algérienne innocente l'avocate. Trois non-lieux sont prononcés, en Première et Deuxième instances comme en Cour suprême. Les autres inculpés devaient, eux, répondre de leur forfait. Maître Benmimoun n'est pas pour autant au bout de ses peines. A sa grande surprise, elle se rend compte que son nom figure toujours dans un dossier où les principaux accusés vont être innocentés par le président de la Cour de Tlemcen. Et pour cause, ce ne sont pas eux qui avaient falsifié l'acte de mariage, mais bien l'avocate marocaine. Un scandale. «Comment est-ce que l'on peut jouer avec l'honneur et la vie des gens de la sorte ? Je ne comprends pas comment est-ce qu'on peut continuer à endosser la responsabilité d'un acte, alors que trois jugements ont été prononcés, affirmant totalement le contraire?», s'interroge celle qui a vu toute sa carrière compromise par ce qui ressemble à un complot monté de toutes pièces, «facilité par une discrimination avérée» dont elle aurait fait l'objet. «Je suis persuadée que si on a osé me faire tout cela, c'est bien parce que je suis Marocaine. Jamais aucune injustice de ce genre n'a visé un confrère algérien. Ce qu'on recherche derrière cette histoire abracadabrante, c'est m'humilier», s'écrie-t-elle. Dans ses tentatives de demander réparation, Mme Benmimoun dit être systématiquement confrontée soit à des refus catégoriques de l'écouter, soit à des promesses sans aucune suite. La doléance déposée auprès de la Direction générale des droits de l'Homme au ministère algérien de la Justice est restée lettre morte. «On m'a clairement signifié qu'on ne pouvait rien faire pour moi. Je n'avais qu'à user des voies de recours dont je disposais». Mais le pire, d'après elle, c'est qu'elle ne peut pas déposer de recours. Du point de vue de la loi, elle n'est pas partie prenante du jugement. Kafkaïen. Un jugement de la Cour d'appel, dont ALM dispose d'une copie, est catégorique à ce sujet. Cette femme a peur de voir son cas s'aggraver et se compliquer davantange. Elle craint que le syndicat algérien des avocats ne soit saisi, à son tour, de son dossier. C'est le pire qui attend Me Belmimoun. Ce sera la radiation pure et simple de la profession sans que cette instance cherche à savoir si elle est coupable ou pas.