Le Rapport de sécurité nationale 2024, publié jeudi 22 mai par le Département de la sécurité nationale rattaché à la présidence du gouvernement espagnol, alerte sur une recrudescence possible de la pression migratoire après une année déjà marquée par un afflux sans précédent. La Mauritanie s'est affirmée comme la principale zone de départ des embarcations à destination des côtes espagnoles, devant le Maroc et l'Algérie. La Mauritanie devance nettement le Maroc et l'Algérie Selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur, 25 081 migrants sont partis depuis la Mauritanie en direction de l'Espagne en 2024. Ce chiffre équivaut à la somme des départs depuis le Maroc (13 217) et l'Algérie (12 038). À ces flux s'ajoutent ceux provenant du Sénégal (8 970), de la Gambie (1 943) et de la Guinée-Bissau (250), marquant une prédominance croissante de l'Afrique subsaharienne dans les routes migratoires vers l'Espagne. Au total, l'Espagne a enregistré 61 372 arrivées par voie maritime en 2024, un chiffre en hausse de 10,3 % par rapport à 2023 et de 6,65 % par rapport au précédent record établi en 2018. L'archipel des Canaries a concentré à lui seul 46 843 de ces arrivées, soit une augmentation de 17,4 %, tandis que les Baléares ont connu une flambée de 158,3 %, atteignant 5 882 arrivées, un chiffre sans précédent. Glissement des routes migratoires vers l'Atlantique Le rapport met en exergue un déplacement progressif des itinéraires empruntés, la route de la Méditerranée orientale demeurant la plus fréquentée, suivie de celle de la Méditerranée centrale, de la voie atlantique vers les Canaries, puis de la route de la Méditerranée occidentale — entre le Maghreb et la péninsule Ibérique. Toutefois, les arrivées par la voie atlantique ont progressé de 18 % alors que celles par la Méditerranée occidentale ont reculé de 6 %. Ce transfert est attribué à un «fermeture partielle des points de départ» en Méditerranée centrale — notamment en Libye et en Tunisie — qui a détourné les flux vers l'Afrique de l'Ouest, exerçant une pression accrue sur la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie. Le rapport souligne que «la situation sécuritaire instable dans la région du Sahel, conjuguée à une présence russe marquée en Mauritanie, voisine du Mali, contribue à exacerber les tensions migratoires.» En ce qui concerne l'Algérie, le document précise que «les routes traversant le Niger ont retrouvé de leur importance, Agadez ayant renoué avec son ancien rôle de carrefour migratoire». Ressources limitées, pressions multiples Bien que plusieurs pays du Sahel aient pris des engagements en vue de contenir les traversées clandestines et mis en œuvre diverses mesures de contrôle, le rapport met en garde contre l'insuffisance des moyens déployés et les manœuvres d'acteurs hostiles à l'Union européenne qui «cherchent à instrumentaliser les flux migratoires». Ces dynamiques laissent entrevoir une persistance — voire une accentuation — de la pression migratoire dans les mois à venir. Le texte consacre une attention particulière à la situation mauritanienne, notant que le pays, principal point de départ vers les Canaries, héberge par ailleurs un grand nombre de réfugiés maliens. «Les autorités mauritaniennes ont mis en place un dispositif de surveillance et de régulation des frontières dont les effets se mesureront dans la durée», ajoute le rapport. Inversion des profils migratoires Un changement significatif de profil des migrants est également mis en évidence. Alors que les traversées étaient autrefois dominées par des ressortissants du Maghreb — en particulier marocains —, ce sont désormais les originaires des pays du Sahel qui forment la majorité. En 2024, les migrants subsahariens ont représenté 72 % des arrivées par la mer, contre 62 % en 2023. Le rapport dénombre notamment 15 261 Maliens, 11 824 Sénégalais, 9 552 Algériens et 6 945 Marocains. Il souligne en outre une hausse du nombre de demandes de protection internationale émanant de ressortissants sahéliens, même si une part importante de ces migrants ne recourt pas à cette voie juridique.