En conviant Mostafa Bouderka à s'asseoir à ses côtés lors d'un rassemblement régional du Rassemblement national des indépendants (RNI) organisé samedi 21 juin, Aziz Akhannouch a fait le choix d'une mise en scène inquiétante. La réunion, tenue le 21 juin à Agadir dans le cadre du programme aux relents préélectoraux Massar al-injâzât, a offert au premier vice-président du conseil communal de la ville une visibilité singulière, alors même que ce dernier est visé par une procédure judiciaire d'une particulière gravité. Un homme sans fonction nationale érigé en figure centrale Ni membre du bureau politique ni détenteur d'une responsabilité à l'échelle du parti, M. Bouderka s'est vu accorder une place de premier plan au sein d'un dispositif qui semblait soigneusement élaboré. La symbolique de cette proximité avec le président du RNI n'a échappé à personne : au lieu de la réserve que requiert une affaire pendante devant la justice, c'est une forme de protection qui a été perçue. Le premier vice-président du conseil communal d'Agadir est poursuivi depuis février, sur instruction du procureur général près la cour d'appel, pour des faits présumés de fraude, de faux, d'abus de confiance et d'escroquerie, dans un dossier transmis par un investisseur marocain résident à l'étranger, son ancien associé dans une société locale. D'après les éléments portés à la connaissance des autorités judiciaires, M. Bouderka aurait procédé à des manipulations comptables, contractuelles et déclaratives au sein d'une entreprise dans laquelle il détenait 30 % des parts, provoquant, selon la plainte, un préjudice estimé à trente millions de dirhams. Le plaignant, qui détient la majorité du capital (70 %), l'accuse d'avoir introduit des modifications frauduleuses dans les écritures sociales et dans les états financiers, à l'insu des associés. La justice aurait ordonné la saisie conservatoire de l'ensemble des biens de M. Bouderka. Ce dernier nie catégoriquement les accusations portées à son encontre et affirme avoir agi dans le strict respect de ses prérogatives. Une solidarité régionale affichée sans ambages La scène du 21 juin, déjà largement commentée sur les réseaux sociaux, a pris une tournure encore plus explicite lorsque Karim Achengli, président du conseil régional de Souss-Massa, a exprimé publiquement son soutien à M. Bouderka. Ce ralliement, formulé sans nuance, a donné au moment une portée politique manifeste, comme si le parti avait résolu de resserrer les rangs autour d'un élu pourtant exposé. Dans nombre de démocraties, un responsable inquiété par la justice s'efface, ne fût-ce que temporairement, par égard pour les institutions et la conscience civique. Mais à Agadir, c'est une logique inverse qui s'est imposée : plus les accusations s'épaississent, plus le protagoniste semble graviter au cœur du dispositif partisan. À travers ce tableau soigneusement composé, c'est une interrogation sourde qui s'installe dans l'opinion : l'allégeance au chef du parti, désormais considérée comme un totem d'immunité, l'emporte-t-elle désormais sur toute exigence éthique ?