La communauté de Madrid a notifié son retrait du programme d'enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine à compter de la prochaine rentrée scolaire, dénonçant l'absence de garanties suffisantes quant à sa supervision pédagogique, ont rapporté divers médias locaux. Cette décision, émanant du gouvernement régional présidé par Isabel Díaz Ayuso, met un terme à une coopération éducative bilatérale nouée entre l'Espagne et le Maroc au début des années 1990. Elle intervient alors que le discours identitaire de l'extrême droite, incarnée par Vox, s'impose progressivement dans l'agenda institutionnel. Des carences structurelles invoquées par la région Dans une lettre adressée au ministère de l'éducation, la direction de l'éducation, de la science et des universités – placée sous la responsabilité d'Emilio Viciana – fustige un dispositif entaché de «défaillances graves en matière de contrôle et d'information». Selon cette autorité, les gouvernements espagnol et marocain n'auraient établi aucun mécanisme de vérification permettant de s'assurer des qualifications pédagogiques des enseignants envoyés par Rabat, ni de leur maîtrise de la langue espagnole. Les enseignants concernés seraient désignés uniquement en raison de leur statut de fonctionnaires marocains, sans qu'aucune évaluation préalable ne soit exigée. «Il est inconnu si le ministère inspecte les programmations établies par ces professeurs ou s'il vérifie leur conformité au guide pratique de l'enseignement», regrette le gouvernement régional, qui déplore également l'absence de garanties permettant de «garantir l'intégration des élèves au sein du système éducatif espagnol». Vox impose sa lecture identitaire à l'exécutif régional La suppression du programme donne corps à une exigence ancienne du parti d'extrême droite Vox, qui s'opposait farouchement à l'enseignement de la langue arabe dans les écoles publiques. En avril, la formation avait présenté à l'assemblée de Madrid une proposition non législative réclamant la fin du dispositif, estimant que «maintenir la langue arabe et la culture marocaine dans nos écoles revient à segmenter culturellement les enfants», dans le cadre d'un prétendu «plan de conquête». Si le texte avait été rejeté en séance plénière, faute de majorité, le groupe populaire – bien qu'abstentionniste – avait, dès lors, sollicité du ministère une révision approfondie du programme. L'alignement subséquent du gouvernement régional avec les positions de Vox marque une victoire symbolique pour cette formation, qui y voit «l'aboutissement d'une lutte contre l'endoctrinement culturel et le séparatisme identitaire». Une rupture aux implications diplomatiques et sociales Le programme supprimé s'insérait dans un cadre de coopération éducative entre l'Espagne et le Maroc, instauré au début des années 1990, et avait pour but de maintenir le lien linguistique et culturel entre les enfants issus de familles marocaines et leur pays d'origine, tout en favorisant leur intégration dans le système éducatif espagnol. Sa suppression, dans une région qui abrite l'une des plus importantes communautés marocaines du pays, risque de provoquer des tensions diplomatiques avec Rabat, ainsi qu'un profond malaise au sein des associations œuvrant pour une éducation inclusive. Le ministère de l'éducation n'a pour l'heure publié aucun communiqué officiel. Toutefois, des sources proches du département affirment que «le programme demeure actif dans d'autres communautés autonomes» et qu'une «évaluation globale de la situation est en cours». Une attaque contre le pluralisme éducatif La décision madrilène introduit un précédent dans la gestion des accords culturels conclus avec des pays tiers. Elle ouvre un débat délicat sur la supervision des enseignants étrangers, sur la souveraineté des communautés autonomes dans la définition des contenus extracurriculaires, et sur le rôle de l'Etat central dans la protection du pluralisme éducatif. Dans l'immédiat, des milliers d'élèves restent sans réponse quant aux dispositifs de substitution ou d'accompagnement qui leur seraient proposés à la rentrée. Ce retrait, dicté par des considérations idéologiques, pourrait être repris dans d'autres régions gouvernées par la droite dure ou par l'extrême droite. À Madrid, il alimente une polémique déjà vive autour de la place de la diversité culturelle dans l'école publique et du modèle d'intégration que la société espagnole souhaite promouvoir.