Le parquet général près la cour d'appel de Rabat a ordonné, jeudi 30 octobre, l'ouverture d'une enquête judiciaire à la suite de déclarations d'une rare gravité, selon lesquelles certaines minoteries auraient mêlé du papier à la farine subventionnée destinée à la consommation des citoyens. D'après les sources proches du dossier, la décision du ministère public intervient à la suite des propos tenus par Ahmed Touizi, président du groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité (PAM, majorité), lors de l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2026 devant la Commission des finances et du développement économique. Le député a soutenu que «des minoteries procèdent au broyage de papier qu'elles mélangent à la farine subventionnée par l'Etat», dénonçant une fraude supposée qui toucherait les produits de base destinés aux ménages modestes. La Fédération nationale de la minoterie dénonce une accusation «absurde et diffamatoire» Face à la gravité de ces déclarations, la Fédération nationale de la minoterie (FNM) a opposé un démenti formel, condamnant «une accusation aussi infamante qu'irresponsable». Son président, Abdelkader Alaoui, a affirmé que les propos de M. Touizi «sont dénués de tout fondement, ne reposent sur aucune donnée tangible et portent atteinte à la réputation d'un secteur déjà soumis à un encadrement strict». Il a invité le parlementaire à «produire des preuves irréfutables pour permettre l'engagement des procédures judiciaires prévues par la loi», soulignant que la FNM «demeure pleinement disposée à coopérer avec les autorités compétentes pour faire jaillir la vérité». Le responsable a tenu à rappeler que «la chaîne de distribution du blé et de la farine subventionnée est rigoureusement encadrée» et qu'elle «fait l'objet d'un contrôle permanent par les services de l'intérieur, depuis la production jusqu'à la livraison au consommateur». Poursuivant, il a déclaré qu'«il est matériellement impossible qu'un tel procédé soit pratiqué dans les minoteries marocaines», ajoutant que «si, par extraordinaire, une entreprise venait à être impliquée, la Fédération serait la première à réclamer l'application exemplaire de la loi». Un soupçon de manœuvre politique à l'approche des échéances électorales Pour sa part, Ahmed Touizi a persisté dans ses affirmations devant les membres de la Chambre des représentants, avançant que «le soutien public au blé tendre, qui coûte à l'Etat près de 16,8 milliards de dirhams, n'est pas soumis à une surveillance suffisante». Il a soutenu que «des entreprises broient du papier et le livrent comme farine subventionnée consommée par les citoyens les plus démunis», exhortant le gouvernement «à traiter cette question avec tout le sérieux qu'elle requiert, aujourd'hui comme demain, car il est impensable qu'un tel produit soit destiné à la consommation humaine». L'enquête ordonnée par le parquet de Rabat, désormais confiée aux autorités compétentes, devra déterminer la véracité de ces allégations qui, si elles étaient avérées, constitueraient un scandale alimentaire d'une gravité exceptionnelle. En attendant ses conclusions, le débat s'enflamme entre élus et professionnels, sur fond de tensions politiques et de défiance croissante envers le personnel politique et la gestion de la majorité, au pouvoir depuis 2021.