Le président français Emmanuel Macron a ordonné, mercredi 7 août, la suspension immédiate de l'accord bilatéral de 2013 relatif aux exemptions de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens, au motif de la rupture unilatérale de la réciprocité par Alger et d'un défaut persistant de coopération consulaire. Dans une lettre transmise le 6 août à François Bayrou, chef du gouvernement, Emmanuel Macron déplore «la cessation de toute coopération des dix-huit consulats algériens présents sur notre sol avec les services de l'Etat» et souligne que «le sort réservé à nos compatriotes Boualem Sansal et Christophe Gleizes» illustre le durcissement préoccupant des autorités algériennes. Il ajoute que «le non-respect par l'Algérie de ses obligations au titre de nos accords bilatéraux, notamment l'accord de 1994 sur les réadmissions», justifie une inflexion résolue de la politique française. L'exécutif entend désormais faire usage du levier visa-réadmission (LVR), introduit par l'article 47 de la loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration (CIAI), promulguée en janvier 2024. Ce dispositif permet, selon les termes de la missive, «de refuser les visas de court séjour aux détenteurs de passeports de service et diplomatiques, tout comme les visas de long séjour à tous types de demandeurs». M. Macron exige leur «mise en œuvre immédiate» et leur «notification aux autorités algériennes». Crise consulaire persistante Le chef de l'Etat précise que «la baisse de 30 % de la [remise] des visas» à Alger résulte «automatiquement» des entraves imposées à l'activité du poste diplomatique français, en particulier la réduction des effectifs autorisés. Il rappelle que «tout retour à la normale dans notre coopération nécessitera que notre ambassade à Alger recouvre les moyens de son action». Dans cet esprit, le gouvernement pourra autoriser la reprise de fonction des trois consuls algériens déjà présents sur le territoire français, à condition que «les services placés sous leur autorité» reprennent sans délai la [fourniture] des laissez-passer consulaires, notamment «pour les individus les plus dangereux». Cette condition devra également précéder toute autorisation d'entrée pour les cinq autres consuls encore en attente. Expulsions entravées et sécurité intérieure M. Macron exprime une inquiétude explicite à propos des ressortissants algériens placés en centre de rétention ou sortant de détention qui ne peuvent plus être reconduits, en raison de l'inaction d'Alger. «Quels que soient leurs mérites, les mesures envisagées pour allonger les délais de rétention ou assigner certains individus à résidence ne sauraient pallier le défaut de coopération», écrit-il, en évoquant «le risque que constitue le prolongement du séjour de personnes dangereuses sur notre territoire, comme l'attentat de Mulhouse nous l'a tristement rappelé.» Il intime dès lors au ministre de l'intérieur de «trouver au plus vite les voies et moyens d'une coopération utile avec son homologue algérien» et exige que ses services agissent «sans repos et sans répit» face à la délinquance des étrangers en situation irrégulière. Dialogue réclamé sur les dossiers sensibles La lettre présidentielle prévoit que la levée progressive des mesures actuelles ne pourra intervenir qu'à l'issue d'une reprise tangible de la coopération. À cet égard, M. Macron se dit attentif «à la reprise des auditions consulaires, à la [transmission effective] des laissez-passer consulaires et aux réadmissions en application de l'accord de 1994.» Par-delà la seule question migratoire, la France entend obtenir des avancées sur d'autres points litigieux : «la dette hospitalière, les menées de certains services de l'Etat algérien sur le territoire national», mais également «les questions mémorielles en suspens», notamment «la restitution de biens ou la situation des anciens sites d'essais nucléaires français en Algérie», conformément aux travaux de la commission mixte d'historiens. «La France doit être forte et se faire respecter. Elle ne peut l'obtenir de ses partenaires que si elle-même leur témoigne le respect qu'elle exige d'eux», conclut M. Macron, tout en réaffirmant vouloir «retrouver des relations efficaces avec l'Algérie, dans le respect de notre histoire, de nos liens humains et de nos aspirations respectives.»