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Ces agents méconnus de l'intégration maghrébine
Publié dans Challenge le 30 - 12 - 2015

Investisseurs tunisiens au Maroc. Près de 35 ans après l'arrivée de pionniers menés par le groupe Poulina, la liste des investisseurs tunisiens qui déballent leur baluchon au Maroc ne cesse de s'allonger. Et contrairement à ce qu'on aurait pu le croire, les dommages collatéraux sur l'économie tunisienne causés par les soubresauts politiques post-révolution du Jasmin, n'ont fait qu'accélérer le tempo de ce mouvement. par M.L
Pourquoi donc un tel engouement? Quel est le profil de ces agents peu méconnus de l'intégration économique maghrébine? A-t-il évolué au fil des décennies? Que représente à ce jour le stock des IDE (Investissement Direct Etranger) tunisiens au Maroc... et quels flux économiques et financiers induit-il pour la balance des paiements? Que viennent chercher au Maroc ces groupes tunisiens: un plus grand marché domestique qui incarnerait un relais de croissance, une plate-forme d'entrée vers d'autres espaces économiques, une main d'œuvre bon marché ou encore un cadre réglementaire et fiscal plus attrayant ? Ces investissements intra-maghrébins ont-ils secrété des success-stories éclatantes, voire des mésaventures déroutantes ?
Autant de questions auxquelles ce dossier s'évertuera à répondre sans prétendre y apporter des réponses avec une précision de métronome, faute malheureusement parfois de statistiques fines et exhaustives....mais aussi à défaut de communication systématique autour des investissements réalisés au Maroc par nos frères tunisiens. Il faut croire que ces derniers sont beaucoup moins « bavards » quant à leurs projets ou intentions au Maroc, que leurs homologues d'autres pays. Aussi, qui croirait que les IDE tunisiens au Maroc sont près de 2,5 fois plus importants que ceux en provenance du Portugal1(à fin 2012, le stock des investissements étrangers tunisiens au Maroc avait dépassé, pour la première fois, la barre du milliard de DH alors que ceux venant de chez notre voisin ibérique peinaient encore à franchir le cap des 500 MDH) ? Ceci, alors que le tapage médiatique autour des 200 sociétés d'origine portugaise, presque toutes concentrées sur un seul secteur, en l'occurrence le BTP, et les multiples missions économiques organisées au Maroc par les organisations patronales portugaises, laisseraient subodorer tout le contraire !
De prime abord, il est de bon aloi de constater que le profil des investisseurs tunisiens au Maroc a nettement évolué depuis le début de l'actuelle décennie. En effet, l'assaut des terres marocaines n'est plus l'apanage des grandes fortunes privées et autres capitaines d'industrie tunisiens, tels les Poulina, Elloumi et Loukil et qui sont venus au Maroc pour monter des unités de production et de transformation industrielle. D'autres leur ont emboité le pas parmi les PME tunisiennes les plus dynamiques et ils opèrent de plus en plus dans les services et la nouvelle économie. C'est le cas par exemple de Bitaka et de
Sigma Conseil, deux leaders tunisiens dans leurs domaines respectifs, à savoir la monétique (édition et personnalisation de cartes de paiement et autres cartes rechargeables) et les études marketing (collecte, traitement, analyse et interprétation de données quantitatives et qualitatives médias et d'opinions) qui se sont implantés au Maroc en 2012. Le premier dans le cadre d'une opération de croissance externe et de diversification en aval et qui s'est matérialisée par l'entrée dans le capital First Telecom, un distributeur des produits Méditel. Quant au second, il a créé ex-nihilo une filiale basée à Marrakech et qui offre les mêmes services que sa maison mère aux corporates marocains. Enfin, dans l'univers des pays arabes émetteurs d'IDE vers le Maroc, la Tunisie affiche une singularité notoire. En effet, contrairement aux investissements d'origine saoudienne, émiratie ou koweitienne qui sont très majoritairement le fait d'établissements publics ou de bras armés étatiques (TAQA, Al Ajial, Etisalat, Aabar, Qatar Holding...), ceux venant de la Tunisie sont opérés quasi-exclusivement par des acteurs privés....à l'exception de la participation majoritaire de la STIP (détenue par l'Etat tunisien) dans Pneumatique Amine, un des premiers distributeurs au Maroc des pneus et accessoires de voitures.
Quant aux ressorts de l'acte d'investir au Maroc, ils coïncident principalement avec l'un des objectifs ci-après :
La quête d'un nouveau marché dont la taille et la proximité culturelle offrent des possibilités de croissance intéressantes notamment pour des entreprises qui, dans leur élan de développement, commencent à se sentir à l'étroit dans un marché domestique tout de même limité (11 millions d'habitants) et où la consommation des ménages est en panne depuis la révolution de janvier 2011. Ceci, est le cas des groupes tunisiens qui fabriquent des produits de grande consommation, tels Poulina (agrobusiness), Land'Or (fromage) et Sancella (couches & hygiène), mais également ceux qui opèrent dans le BtoB tel Servicom (ascenseurs et climatiseurs professionnels).
L'exploitation à partir d'une plateforme industrielle marocaine des opportunités commerciales qu'offrent les accords de libre-échange mis en place par le Maroc (notamment avec les Etats Unis, sachant que l'Union Européenne est déjà un partenaire privilégié de la Tunisie et les deux parties sont en cours de négociation d'un accord de libre-échange complet et approfondi).
La proximité d'un grand donneur d'ordres mondial, dont l'implantation au Maroc suscite la création d'un cluster industriel et, surtout, un volant de sous-traitance non négligeable. Telle fut la motivation principale du groupe Elloumi dont la division Câbles dispose de trois bases industrielles au Maroc avec Coficab Maroc (fabrication de câbles pour automobiles) comme fer de lance.
C'est dire que le Maroc n'est point attractif aux yeux de l'investisseur tunisien pour la disponibilité ou le caractère bon marché de ses facteurs de production, telles la main d'œuvre ou les matières premières. Sur ce registre, notre pays est, bien au contraire, peu compétitif face à son voisin maghrébin, notamment pour ce qui est du coût de la main d'œuvre et, à fortiori, la main d'œuvre qualifiée sachant, par exemple, qu'à qualification égale, l'ingénieur tunisien coûte entre 40 % à 50% moins cher que son homologue marocain. Quant à l'offre disponible et malgré les efforts considérables consentis par les différents gouvernements marocains pour combler le retard en formation des ingénieurs, le nombre de ces derniers par 10.000 habitants, dépasse à peine la barre des 10 pour le Maroc contre 13 pour la Tunisie (Vs 40 pour la Jordanie, près de 100 en France et plus de 500 au Japon !). En somme, les IDE tunisiens au Maroc revêtent davantage un caractère horizontal (recherche de nouveaux marchés) qu'un caractère vertical (délocalisations visant à bénéficier d'une réduction du coût de la main d'oeuvre ou d'un autre intrant de la production).
Moncef Mzabi, PDG du groupe éponyme commercialise depuis quelques années dans la capitale économique les téléviseurs Sony et les équipements hi fi de cette marque.
Quels que soient leurs objectifs, les investissements tunisiens ont généré en trois ou quatre décennies d'afflux au Maroc aussi bien de véritables success story, que des échecs patents. Ce qui est le propre de cette composante principale de la mondialisation et de la globalisation économique que sont les IDE, dont le ressort relève souvent de considérations macroéconomiques (taille du marché, stabilité politique du marché domestique, diversification géographique, proximité des matières premières, sécurité de l'approvisionnement...), mais dont la réussite dépend presque toujours de facteurs microéconomiques (bonne exécution au niveau local d'une stratégie globale, aptitude à composer une bonne équipe dirigeante et à réussir une articulation entre expatriés et managers locaux, choix des partenaires idoines, financement optimisé des investissements, gestion rigoureuse du risque commercial.....). Aussi, si du côté des belles histoires, Coficab Maroc est incontestablement le fleuron des IDE tunisiens au Maroc, BATAM Maroc et Optima (Voir pour cette dernière, Challenge n° 523 du 04 septembre 2015), qui ont cramé à eux deux plus de 100 MDH en à peine quelques années d'implantation au Maroc, détiennent la palme des échecs.
Au demeurant, si avec un IDE intra-régional inférieur à 2% (contre 20 % pour l'ASEAN2, 42% pour l'Union Européenne, 23% pour le Conseil de Coopération du Golfe, 8% pour le COMESA3 et 4% pour le MERCOSUR4), l'Afrique du nord est l'une région les moins intégrées économiquement au monde malgré une longue histoire commune, des proximités géographiques, culturelles, religieuses et linguistiques ; il n'en demeure pas moins qu'une partie du Maghreb économique se construit loin des feux de la rampe, notamment grâce à des acteurs économiques tunisiens et marocains (les IDE marocains en Tunisie ne sont pas en reste, même s'ils sont moins diffus et plus concentrés que les flux du sens inverse) qui multiplient prises de participations, implantations, partenariats et joint-ventures. Certainement pas à la hauteur des ambitions et des potentialités effectives, ni encore à celle de la dynamique d'intégration africaine que vient de mettre en exergue une récente étude réalisée par le Columbia Center of Sustainable Investment5 et qui démontre que les IDE Intra-africains en greenfield (i.e. qui portent sur des projets de création) ont bondi de 8% en 2007 à 22% en 2013. Mais la dynamique maroco-tunisienne est dans le bon xsens. Il faut juste en accélérer la cadence en attendant que le marché algérien (malheureusement encore très peu ouvert) et ceux libyens et mauritaniens (encore peu attractifs) entrent réellement en danse.
Faouzi Elloumi, PDG du groupe éponyme, premier exportateur privé tunisien, a récidivé au niveau d'Atlantic Free Zone à Kenitra avec la livraison et la mise en marche de sa nouvelle usine de fabrication de composants électriques pour le secteur de l'automobile après celle de Tanger Free Zone en 2001.
La débâcle de BATAM Maroc
Cette filiale du spécialiste tunisien des produits électroménagers (groupe BATAM détenu par la famille Ben Ayad), connue par son magasin phare du Twin Center à Casablanca inauguré en 1999, a entamé une descente aux enfers dès 2003 à cause d'une succession de mauvais choix, notamment en matière de politique commerciale (vente à crédit non maitrisée) et de mix produits. Le feuilleton de sa liquidation a duré de 2004 jusqu'à 2015 ! Entre-temps, la maison mère tunisienne avait défrayé la chronique à la bourse de Tunis (où elle était cotée depuis 2000) en étant au cœur d'un scandale financier où la manipulation des comptes pour maquiller une situation de surendettement, a laissé sur le carreau des milliers de petits porteurs.
La Success story COFICAB Maroc
Cette filiale de COFICAB, la division câbles du groupe Elloumi (groupe industriel tentaculaire), est la seule entité marocaine détenue par un groupe tunisien qui revendique plus d'un milliard de dirhams en chiffre d'affaires. En effet, avec un total de ventes avoisinant les 1,4 milliard de dirhams en 2014, ce fabricant de câbles et faisceaux électriques pour secteur automobile est une véritable success story à tout point de vue : d'abord industriel, avec une usine ultramoderne étendue sur plus de 11.000 m2 et qui emploie « à peine » un peu plus de 200 personnes (vu l'automatisation poussée du process) ; ensuite commercial au regard de son portefeuille client composé essentiellement d'équipementiers automobiles prestigieux tels Delphi, Yazaki, SEWS et Leoni (tous présents également à Tanger Free Zone) et enfin financier, sachant que cette unité qui a été, en 2001, la deuxième implantation de COFICAB en dehors de la Tunisie après le Portugal est manifestement un investissement des plus rentables. Les quelques dizaines de millions de dirhams investis en fonds propres de démarrage par sa maison mère ont généré, en 13 ans, plus de 600 MDH de bénéfices engrangés (120 MDH pour les seuls exercices 2013 et 2014). De quoi faire saliver les investisseurs étrangers de tout acabit d'ailleurs. n
1- Source Office des Changes-Position Extérieure Globale du Maroc en 2012
2- ASEAN : Association of South East Asian Nation
3- COMESA : Marché commun des Etats de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe
4- MERCOSUR : Marché commun du Sud (sous-entendu : marché de l'Amérique du Sud).
5- Etude publiée en janvier 2015 par le Columbia FDI Perspectives relevant du Columbia Center of Sustainable Investment et intitulée: « Africa rising out of itself : The growth of intra-African FDI »


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