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[Entretien] Omar Bakkou : "L'effondrement de la livre Turque pourrait dégénérer en crise de change sévère"
Publié dans EcoActu le 11 - 12 - 2021


Interviewé par S. Es-Siari |
La Turquie souffre fortement de l'effondrement de la livre turque qui se traduit par plus d'inflation importée. La situation pourrait dégénérer davantage en une vraie crise de change aux conséquences économiques et sociales très graves. Une discussion à bâtons rompus avec l'économiste et spécialiste en politique de change Omar Kakkou sur les raisons de cet effondrement, les dangers qui planent comme une épée de Damoclès sur l'économie turque, sur comment la banque centrale pourrait intervenir pour stopper ou au moins encadrer les opérations à visée spéculative et sur l'impact de cette crise sur le Maroc en tant que pays partenaire.
EcoActu.ma : L'actualité économique internationale demeure marquée par l'effondrement vertigineux de la livre turque. Quel est votre regard de spécialiste en politique de change sur cet événement, peut-on déjà parler de crise de change à l'image de ce qui s'est passé en 1997 dans les pays du Sud-est asiatique ?
Omar Bakkou : On parle de crise de change lorsque la « marchandise » objet du marché des changes, à savoir la devise, devient totalement indisponible. Alors que dans le cas d'espèce il ne s'agit pas d'une pénurie de la devise mais d'une augmentation importante de son prix. Cette situation peut être qualifiée de « crise de change mineure » dans le sens où elle engendre une indisponibilité partielle et non pas totale de devises : en moins d'une année la quantité de devises qu'un résident turque pourrait acheter avec une unité de sa monnaie nationale a diminué d'environ 40%.
Crise de change mineure, cela signifierait-il qu'il s'agit d'un phénomène passager sans aucune gravité pour l'économie turque ?
Non, cette situation pourrait dégénérer en une vraie crise de change aux conséquences économiques et sociales très graves. Il suffirait de rappeler à ce titre les ravages causés par deux crises historiques, à savoir celles de l'Indonésie et de l'Argentine. En effet, la crise de change enregistrée en Indonésie s'est traduite par un recul du PIB d'environ 15% en 1998, soit une baisse supérieure à celle enregistrée aux Etats-Unis durant toute la période de récession des années 1930. Des conséquences plus graves encore ont été constatées en Argentine durant la crise de change qu'avait connue ce pays en 2001, lorsque le PIB avait chuté de 13% au cours des six premiers mois de l'année 2002 engendrant une série de dégâts économiques et sociaux (augmentation du taux de chômage à 23% en octobre 2002 et explosion de la dette publique pour s'établir à 164% par rapport au PIB en 2002 contre 62,4% en 2001) .
Vous avez dit que la situation actuelle pourrait dégénérer en crise de change, comment cela pourrait-il arriver ?
Dans chaque pays, il y a un grand Mall appelé marché des capitaux qui offrent aux acheteurs potentiels (les épargnants) des actifs financiers, c'est-à-dire des produits qui leur procurent des avantages futurs sous forme de plus-value ou de dividendes. Ce Mall comprend une multitude de boutiques pouvant être différenciées en trois grandes catégories : boutique des actions des sociétés (bourse des valeurs), boutique des instruments de dette (les banques) et la boutique des devises (le marché des changes).
Ainsi, quand l'actif offert par « la boutique des devises » devient plus rentable financièrement comparativement aux actifs commercialisés par les autres boutiques, tous les acheteurs potentiels vont se ruer vers cette boutique des devises jusqu'à l'épuisement de son stock (pénurie de devises). Cette situation correspond exactement au cas de la Turquie aujourd'hui. En effet, au début de l'année 2021 le prix de « l'actif devises » était de 7,7(1dollar valait 7,7 livres), tandis que le prix de cet actif est passé à 13,4 à fin novembre (1dollar valait 13,4 livres). Cela a pour corollaire que le rendement annuel espéré à travers l'investissement d'une unité monétaire turque, la livre, dans « l'actif devises » est de 100%. Ce rendement est largement supérieur à celui espéré de l'investissement de cette unité dans des titres de dette (le taux d'intérêt s'élève à environ 20% actuellement en Turquie).
Le schéma que vous décrivez présente le marché des changes comme un marché des actifs financiers, alors que ce marché est induit également par les opérations de commerce extérieur ?
Oui, mais quand le prix des devises devient très instable, et particulièrement lorsqu'il bouge dans une seule direction, toutes les opérations virent vers le spéculatif.
En effet, les importateurs auront tendance à souscrire massivement, en période de baisse tendancielle de la valeur de la livre, à des opérations de couverture contre le risque de change. Ces opérations contribuent à l'aggravation de la situation du marché des changes, du fait que les banques qui acceptent de couvrir les importateurs achètent au comptant des devises sur ce marché, avant la date effective du paiement de l'opération d'importation, et procèdent au placement de ces devises à l'étranger.
De même, les exportateurs seront également tentés de maintenir autant que possible, en période de chute tendancielle de la valeur externe de la livre , les devises dans leurs comptes, donc de ne pas vendre ces devises sur le marché des changes, et ce, pour s'auto-couvrir contre le risque de baisse de la valeur externe de la livre (pour éviter d'acheter plus chères les devises à l'occasion de leurs opérations d'importation dans le futur), et également générer des gains en monnaie nationale en cas de poursuite de la baisse tendancielle du cours de change de la livre.
Mais, la banque centrale pourrait intervenir pour stopper ou au moins encadrer ces opérations à visée spéculative ?
Interdire des opérations d'assurance (couverture contre le risque de change) contre des risques très probables inhérents aux flux commerciaux pourrait fortement endommager ces flux, et partant, aggraver la crise économique en Turquie. Quant au contrôle du caractère spéculatif ou non des opérations, notamment celle des exportateurs, cela constitue une tache très fastidieuse, une vraie « chasse au sorcière », car il faudrait auditer les opérations effectuées par quelques 20.000 exportateurs, et il serait toujours difficile de statuer sur le caractère spéculatif ou non de ces opérations, car la frontière entre la spéculation et la couverture est difficile à établir, notamment dans un contexte de mouvement très fort du taux de change : « quand le risque de vol augmente dans une zone géographique donnée, vous ne pouvez pas accuser les personnes qui s'assurent contre le vol de spéculateurs ».
Y-a-t-il d'autres leviers qui pourrait être utilisés par la banque centrale turque pour stopper cette chute des taux de change ?
La banque centrale turque dispose de deux principaux instruments de régulation du marché des changes : les avoirs de réserve et le taux d'intérêt directeur.
L'action par les avoirs de réserve, c'est-à-dire la vente de devises sur le marché des changes par la banque centrale, permet de bloquer le mouvement de dépréciation du taux de change en comblant le déficit de l'offre de devises par rapport à la demande de devises. Cet instrument utilisé au début du mois de décembre, soit la première fois depuis 2014 (la banque centrale a vendu environ 1 milliard de dollars), demeure efficace tant que les différents acteurs du marché des changes, notamment les spéculateurs, pensent que le niveau actuel des réserves de change à la disposition de la banque centrale ( environ 100 milliards de dollars qui dépassent largement trois mois d'importation) est suffisant ;car ces acteurs sauront que leurs opérations ne leur permettront pas de générer des gains , du fait que la banque centrale dispose d'un levier assez fort pour enrayer le mouvement de dépréciation de la livre.
S'agissant de l'augmentation du taux d'intérêt directeur de la banque centrale, elle permet d'alléger la pression sur le taux de change de la livre à travers les deux principaux canaux suivants: d'une part, la réduction le volume des crédits bancaires ( qui permet d'abaisser les dépenses globales des particuliers, des entreprises et de l'Etat, et partant, de réduire les importations et la demande de devises sur le marché des changes) et, d'autre part, l'accroissement des flux entrants de capitaux, lequel accroissement permet d'augmenter l'offre de devises sur le marché des changes.
Il convient de signaler à cet égard que cet instrument a été utilisé à contre sens par la banque centrale turque. En effet, depuis le déclenchement de ce mouvement de baisse de la livre, cette banque a réduit son taux directeur trois fois de suite, ce qui a aggravé la chute de la livre, du fait que ces baisses de taux ont provoqué un reflux de capitaux étrangers de la Turquie à destination de pays concurrents ayant procédé au relèvement de leurs taux directeurs tels, la Corée du Sud, la Russie, le Brésil, le Mexique et la Hongrie.
Les avis sur les causes de la crise de change turque demeurent très partagés. Alors que le président turque a déclaré dans son discours prononcé le 22 novembre que les troubles de la livre sont dus au sabotage de l'économie turque par les étrangers, d'autres observateurs pensent au contraire qu'il s'agit d'une crise liée à la dégradation de la situation économique en Turquie. A votre avis quelles sont les vraies causes de cette crise ?
Une crise de change ressemble à une crise cardiaque dans le sens où elle est généralement due aux deux principaux facteurs séquentiels suivants : tout d'abord l'existence de fragilités structurelles puis la survenance d'un choc qui constitue un évènement révélateur de ces fragilités.
Concernant les fragilités, le marché des changes turque se trouve en permanence dans une situation pouvant être qualifiée de « déséquilibre latent ». Ce déséquilibre demeure lié à deux raisons essentielles :
La première réside dans le caractère artificiel de l'équilibre du marché des changes turque : le déficit structurel de la balance commerciale ( le taux de couverture des importations par les exportations s'est établi à 70% en moyenne durant les dix dernières années) est financé régulièrement par des afflux de capitaux étrangers sous forme d'investissements étrangers et également d'emprunts extérieurs contractés par des entreprises privées ( la Turquie est le seul pays de l'OCDE avec l'Italie à avoir une dette des entreprises supérieure à leurs fonds propres, dette ayant particulièrement augmenté durant les dernières années sous l'effet du nombre important de projets d'investissement menés dans le cadre de partenariats public-privé et financés par des emprunts en dollars garantis par l'Etat). Cette situation rend le marché des changes dépendant des flux de capitaux étrangers, lesquels flux sont par nature très versatiles ; Keynes les considère, à juste titre, comme les amis du beau temps capables de devenir perturbateurs dans les périodes de difficultés économiques.
Pour ce qui est de la deuxième raison, elle a trait au passé inflationniste de la Turquie : le taux d'inflation moyen s'est établi à 35% durant la période 1990-2020. Ce taux très élevé fait que la valeur externe de la monnaie nationale turque constitue un repère naturel pour les anticipations inflationnistes des agents privés. Cela a pour conséquence que les dépréciations du taux de change engendrent une surréaction de ces agents : défiance à l'égard de la monnaie nationale, défiance qui se traduit par l'apparition de phénomènes de conversion massive de ladite monnaie en devises, laquelle conversion contribue à l'aggravation de la dépréciation du taux de change (Au deuxième trimestre 2019, 55% des dépôts bancaires des résidents étaient libellés en devises étrangères).
Quant au choc ayant engendré ce mouvement de dépréciation de la valeur de la livre, il s'agit plutôt de chocs, car ils sont à la fois multiples et hétérogènes : ils ont concerné les deux compartiments de la balance des paiements, à savoir les échanges commerciaux et les opérations financières.
En matière d'échanges commerciaux, la balance commerciale turque a souffert des éléments suivants : les sanctions économiques contre l'Iran, l'augmentation des prix des produits énergétiques (la Turquie est un pays importateur de pétrole et du gaz) et la baisse des exportations à destination de l'Union européenne en conséquence du tassement de la croissance moyenne dans cette zone.
Pour ce qui est des opérations financières, les flux nets à ce titre ont remarquablement baissé durant les dernières années sous l'effet des facteurs suivants : le reflux de capitaux étrangers de la Turquie sous l'effet de la perte de confiance des bailleurs de fonds étrangers dans l'intégrité de la politique monétaire turque, politique devenant imprévisible et dépendante du pouvoir politique ( adoption par la banque centrale de trois baisses successives de son taux d'intérêt directeur et limogeage par le président Erdogan de trois gouverneurs de la banque centrale durant les deux dernières années , décision très décourageante pour les bailleurs de fonds étrangers car perçue comme une prise en otage de la sphère monétaire par celle politique : le dernier gouverneur a perdu son poste en mars après seulement quatre mois de fonction en raison de l'adoption d' une série de mesures d'augmentation du taux d'intérêt qui ont par ailleurs aidé la livre à se maintenir ; l'augmentation des flux de transferts de fonds à l'étranger au titre de remboursement de la dette et de paiement de dividendes ( la Turquie dépend fortement des financements extérieurs ) et la réorientation d'une partie des fonds placés dans les pays émergeants vers les USA où ils sont mieux rémunérés en termes réels et moins exposés au risque de change ( cela est lié au changement de la politique monétaire de la banque centrale américaine attestée par l'annonce du gouverneur de la FED Jerome Powel d'arrêter le programme d'achat des titres publics, ce qui augure de l'augmentation du taux d'intérêt directeur au Etats Unis) .
Certains analystes imputent la crise actuelle au régime de change flottant adopté par la Turquie. Etes-vous du même avis ?
Lorsqu'on analyse profondément la politique du taux de change adoptée par la Turquie depuis le milieu des années 1980 jusqu'à aujourd'hui, on découvre que les autorités de ce pays n'ont jamais levé leur main sur le taux de change : avant la mise en place d'un régime flottant , le taux de change était fixé par l'Etat et faisait l'objet de mesures de dévaluation régulières ( 164 mesures de dévaluation ont été prises en une seule année : 1981), alors qu'après la mise en place du flottement , le taux de change n'était plus fixé par l'Etat mais manipulé dans le sens de sa dépréciation par le marché , cela à travers une politique monétaire expansionniste.
En réalité, le fond du problème en Turquie ne réside pas dans le régime de change adopté par ce pays , mais dans la non-conformité de la politique monétaire turque depuis toujours aux normes préconisées en la matière : la preuve en est que la Turquie a connu plusieurs crises de change bien avant la mise en place du flottement , comme en atteste le nombre record d'accords conclus par ce pays avec le FMI (16 depuis 1961).
En effet, alors que la norme préconisée en matière de politique monétaire avant le flottement était le ciblage monétaire , c'est-à-dire la stabilisation des prix à travers la maitrise de la masse monétaire, les autorités avaient recours régulièrement au financement monétaire des déficits budgétaires ce qui avait engendré une explosion du taux d'inflation durant la période 1980-2000 (62% en moyenne durant cette période) laquelle explosion obligeait les autorités monétaires de procéder à des ajustements réguliers du taux de change .
De même les autorités turques ne se sont pas alignées à la nouvelle norme recommandée en matière de politique monétaire après le passage au flottement, à savoir la règle de « ciblage de l'inflation », c'est-à-dire la stabilisation des prix à travers , entre autres, la maitrise du taux de change (bloquer les dépréciations de taux de change nocives pour les prix internes par le biais de la vente de devises par la banque centrale et l'augmentation du taux d'intérêt). La preuve de cela est que la livre s'est nettement dégradée, bien avant l'année 2021. En effet, le taux de change de la livre s'est inscrit dans un processus de dépréciation continuelle entre 2010 et 2020 : elle est passée de 1,52 (1 dollar égal 1,52 livre) en 2010 à 7,7(1 dollar égal 7,7 livres) en 2020.
Cette non-conformité de la politique monétaire turque aux normes préconisées est liée à l'ingérence irrationnelle du système politique dans les questions monétaires : concrètement la banque centrale turque n'est pas indépendante sur le plan opérationnel. La preuve en est les limogeages en série opérés des gouverneurs de la banque centrale opérés par le président turc durant les deux dernières années. Cette ingérence du politique dans la sphère monétaire a transformé le régime de flottement en un régime de baisse tendancielle programmée du taux de change.
La dernière question concerne bien entendu les impacts de cette crise, à votre avis quels seront ses répercussions sur l'économie marocaine ?
Les impacts dépendront de deux principaux facteurs : la poursuite de cette baisse et son impact sur les prix turcs.
Concernant la poursuite de cette baisse, je pense que les autorités vont intervenir pour la stopper car elle risque de se transformer en une crise économique et sociale grave : l'inflation avoisinant aujourd'hui les 20% a commencé déjà à raviver les tensions sociales, ajouté à cela les impacts sur le marché financier, sur le coût de l'endettement de l'Etat, la dollarisation de l'économie turque, etc.
S'agissant de l'impact de cette baisse sur les prix des produits turcs, il sera bien évidemment relativement important (les importations représentent environ 35% du PIB), ajouté à cela la revalorisation de salaires qui vont contribuer certainement au renchérissement des coûts.
Mis à part ces éléments, l'impact sur l'économie marocaine concerne particulièrement le secteur textile marocain qui a déjà souffert de la concurrence turque que ce soit sur le marché domestique ou sur le marché international. Cela avait poussé le gouvernement marocain à procéder à un amendement en mai 2021 de l'accord de libre-échange avec la Turquie lequel a introduit une liste négative de plus 1.200 produits relevant entre autres du secteur textile-habillement.
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