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Crise malienne : «Une guerre à huis clos ...»
Publié dans Finances news le 25 - 01 - 2013

La crise du Mali s'est muée en une guerre qui fait planer un risque sur toute la région. Cette région est devenue un vrai carrefour de trafics illicites de tous genres et, surtout, une vraie fabrique de terrorisme qui cible tous les pays de la région. Mohamed Benhammou, le Président du Centre marocain des études stratégiques, nous plonge dans les méandres d'une guerre sans image !
Finances News Hebdo : Tout d'abord, comment la situation s'est-elle développée au Mali au point que des groupuscules étaient sur le point de prendre entièrement possession du pays ?
Mohamed Benhammou : La crise malienne est une crise très complexe. Elle connaît en effet des problèmes chroniques auxquels sont venus se greffer de nouveaux.
L'espace sahélo-saharien, espace extrêmement vulnérable, menace aujourd'hui la sécurité et la stabilité de toute la région, mais également sur l'international.
Dans cet espace évoluent plusieurs acteurs non-étatiques qui sont devenus très puissants. Il y a, d'une part, les groupes extrémistes violents qui sont très actifs dans cette zone. Ils sont très nombreux : AQMI, Anssar Eddine, Mujao, les Moulattamoune (enturbannés)...
D'autre part, il y a les groupes séparatistes et rebelles qui sont présents dans cet espace depuis longtemps.
Puis, il y a les bandes criminelles de tous genres : trafic de drogue notamment avec l'installation dans la région de cartels latino-américains, trafic d'armes et les réseaux d'immigration clandestine et de la traite humaine.
Donc, ces acteurs non-étatiques ont trouvé dans cet espace un terrain fertile dans lequel ils ont trouvé un refuge, ça d'une part et, d'autre part, un espace sans contrôle en plus d'être vaste, désertique, difficile d'accès et qui n'est pas sous l'autorité et le contrôle des Etats.
Avec des Etats défaillants et qui sont parmi les plus pauvres au monde, une panoplie de crise chronique dans cet espace, un déficit de gouvernance et de démocratie ... ce sont autant d'éléments qui ont fait que cet espace sahélo-saharien est devenu un espace où se sont développés tous les risques et toutes les menaces ! Un espace où ces acteurs non-étatiques armés ont pu développer une force de frappe très virulente et malheureusement efficace.
Et il y a eu une exacerbation avec les bouleversements qu'a connus l'Afrique du Nord, notamment la guerre en Libye qui a connu une prolifération des armes de pointe et des armes lourdes. D'ailleurs, cette guerre a connu la forte présence de mercenaires originaires du Mali, de la Mauritanie, des camps du Polisario, que Kadhafi a recrutés dans sa guerre contre son propre peuple. Ces derniers, après la chute du régime de Kadhafi, ont trouvé refuge dans le désert où ils sont partis en quête d'activités nouvelles, notamment auprès des groupes non-étatiques énumérés ci-haut. Ceci a permis à ces groupes de faire des recrutements, mais aussi de se fournir en armes de pointe et en ressources financières.
Et nous avons pu constater comment, en quelques jours, ils ont pu lancer une offensive sur le Mali à travers laquelle ils ont pu occuper pratiquement les deux tiers du territoire de ce pays.
F. N. H. : Depuis des mois on parle de la situation alarmante au Mali. Mais, pourquoi un revirement aussi rapide qui justifie une offensive militaire par un pays étranger sur le sol malien ?
M. B. : Depuis plus de neuf mois, la communauté internationale était en phase de préparer une réponse à cette situation inquiétante au Mali. Il y a eu d'ailleurs l'accord des Nations Unies pour la préparation d'une opération militaire qui était prévue pour le mois de septembre 2013 et aussi encourager la voie de la solution politique, notamment par le dialogue entre les différentes parties. Et, en même temps, chercher d'autres solutions pour cette crise au Mali.
L'attaque tactique ou le mauvais calcul d'Ansar Eddine, en lançant une offensive sur les villes du Centre du Mali, a déclenché cette réaction qui a finalement rendu l'opération militaire urgente ! L'armée française s'est retrouvée dans une situation où elle mène une guerre non seulement par une offensive aérienne, mais également terrestre. Elle se retrouve ainsi en guerre directe sur le sol malien.
F. N. H. : Pourquoi la France et pas un autre pays ? Et à quel objectif doit répondre cette opération militaire ?
M. B. : Cette intervention française répond, d'une part, à un appel du gouvernement malien. Et elle intervient sous l'égide des Nations Unies. Elle a obtenu l'aval et surtout le soutien des pays africains de la CEDEAO et de plusieurs pays européens.
Notons également l'accord américain et aucune objection de la part de la Chine et de la Russie. On peut dire que nous sommes face à un consensus de la communauté internationale qui équivaut à un feu vert pour cette intervention française qui ne peut en aucun cas être qualifiée comme une guerre française ou une intervention de la France sur le sol malien, mais plutôt une intervention sous la couverture onusienne dans un conflit qui menace la sécurité et la stabilité non seulement du Mali, mais de toute la région.
F. N. H. : Ces arguments ne semblent pas avoir convaincu certains pays. Comment expliquer d'ailleurs l'attitude première de l'Algérie de la Mauritanie qui étaient formellement opposés à une intervention militaire ?
M. B. : Il y a des pays qui n'ont pas adhéré depuis le début à l'option d'une intervention militaire au Mali, essentiellement l'Algérie et la Mauritanie. Et l'on peut dire que la position de ces pays est très confuse. L'Algérie a commencé par un «non» catégorique avant d'évoluer vers un «non» qui pose des conditions, puis muter vers le oui, mais toujours avec des conditions. Et après, nous avons eu du mal à avoir une position lisible et claire de l'Algérie jusqu'au moment où l'on apprend que le pays a ouvert son espace aérien devant les avions français dans leur combat contre les groupes extrémistes au Mali.
La Mauritanie avait également une position de rejet ferme de toute intervention dans ce sens, mais on a assisté ces derniers jours à un revirement de position.
Le Maroc, pour sa part, a exprimé depuis le début sa position ferme pour l'intégrité et l'unité territoriale du Mali et le retour de la légitimité et la stabilité dans ce pays, ainsi que le refus de toute agression contre le peuple, l'Etat et le territoire maliens.
Dans ce sens, le pays a toujours plaidé pour une coopération régionale, ouverte et profonde pour faire face à l'ensemble de ces problèmes dans l'espace sahélo-saharien. Donc, nous sommes dans une situation où même pour les pays européens ou ceux qui soutiennent la France dans son action au Mali, ne sont pas au même niveau de soutien. Certains sont plus présents que d'autres, comme la Grande Bretagne ou le Danemark. D'autres disent apporter un appui logistique, mais avec une dimension humanitaire comme l'Allemagne. Certains pays gardent une certaine réserve face à cette intervention française au Mali.
F. N. H. : Aujourd'hui, que faut-il escompter de ces opérations menées conjointement par l'armée française et l'armée africaine ?
M. B. : Les objectifs tracés pour cette opération sont clairs : d'un côté, stopper la montée des groupes extrémistes violents et casser leur élan avec des frappes sur leurs bases arrières pour anéantir leur capacité de nuisance. Le deuxième est de rétablir la souveraineté malienne sur son territoire. Egalement, il s'agit d'aider l'armée malienne à pouvoir faire face à ces menaces et à assurer sa mission. Enfin, garantir la sécurité des ressortissants africains, mais surtout étrangers dans la région.
Nous sommes face à un tableau de bord clair, reste que la durée de cette intervention est la grande inconnue. Bien évidemment, le risque est de voir cette opération s'inscrire dans l'enlisement, car l'objectif qui va être recherché par ces groupes extrémistes violents est de transformer cette zone en un guêpier pour les troupes française et africaine. Ces dernières commencent à arriver sur le terrain et vont être importantes en nombre : un peu plus de cinq mille soldats africains sur le sol qui proviennent du Tchad, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, du Burkina, ainsi que d'autres pays de la région. Concernant les troupes françaises, elles comptent un peu plus de 2.000 soldats. Les troupes africaines ne sont pas au même niveau de préparation que celles françaises pour ce genre d'intervention.
Deuxièmement, il y a beaucoup de difficultés pour avoir un commandement unifié, harmonieux et surtout des actions synchronisées sur le terrain. Troisièmement, il y a un manque important en terme d'entraînement et surtout d'adaptation de ces troupes à ce genre de guerre.
Précisons que nous sommes face à une guerre asymétrique, puisqu'elle n'oppose pas une armée régulière à une autre armée identique, mais plutôt des armées régulières face à des groupes armés. Et, par expérience, nous savons que ce genre de guérilla est très difficile à contenir pour des armées régulières.
F. N. H. : Actuellement, comment progresse cette guerre asymétrique ?
M. B. : Ces groupes armés violents ont une facilité de mouvement, une parfaite maîtrise de l'espace dans lequel ils progressent, donc, ils maîtrisent le théâtre d'opérations. Dans cet espace, ils ont des refuges et des points inaccessibles pour se replier. Pis, ils sont dotés d'armements sophistiqués, ce qui va leur permettre de rendre la vie difficile aux armées régulières. Puis, le nombre des combattants et les moyens financiers dont ils disposent sont assez importants.
Mais le plus difficile est que, dans cet espace désertique, les populations n'ont aucune allégeance pour l'Etat qui n'a jamais été présent pour eux. Elles ont ainsi développé une complicité et une allégeance pour les groupes extrémistes violents, pour les bandes criminelles et pour les groupes séparatistes et rebelles parce qu'ils ont su leur apporter des réponses rapides à leurs besoins élémentaires et vitaux au quotidien. Cette complicité locale est au désavantage des armées française et africaine. Cette guerre se jouera à qui saura maîtriser le renseignement. Et du côté des armées régulières, il semble qu'il y ait une grande difficulté à maîtriser le renseignement sur le terrain notamment humain.
F. N. H. : N'est-il pas inédit qu'en matière d'information c'est le black-out total ?
M. B. : Nous sommes face à une drôle de guerre, si je peux m'exprimer ainsi, qui n'a pas de nom et une guerre sans image ni bilan à ce jour. Et aussi sans résultat précis à annoncer au public. Une sorte de guerre qui se déroule à huis clos !
Ce déficit de communication et d'information sur cette guerre rend donc toute visibilité impossible quant à son issue. La seule certitude aujourd'hui est qu'on sait quand est-ce qu'elle a démarré, mais on ne sait ni quand, ni comment elle finira !
Puis, la solution militaire ne doit pas être l'unique solution des problèmes du Mali et du Sahel. En effet, cette zone et ce pays ont besoin de plusieurs stratégies stratifiées qui apportent plusieurs solutions à caractère économique, social, politique et bien évidemment sécuritaire. Dans ce sens, le résultat escompté ne peut être palpable dans l'immédiat, mais plutôt s'inscrit sur le moyen et long terme.
F. N. H. : Dès que l'Algérie a donné son feu vert pour que les avions français puissent utiliser son espace aérien, la réponse des extrémistes ne s'est pas faite attendre avec la prise d'otages spectaculaire à In Amenas. Le Maroc a également accepté d'ouvrir son espace aérien aux avions français. Cela peut-il représenter un quelconque risque terroriste pour le pays ?
M. B. : Effectivement, il y a un grand risque pour la sécurité de tous les pays de la région. Un grand mouvement de combattants s'est développé vers l'Ouest, surtout vers la frontière mauritanienne. On sait d'ailleurs que la Mauritanie reste le ventre mou dans cette partie de l'Afrique du Nord. Nous savons également que les différents groupes extrémistes violents ont réussi plusieurs attaques contre les casernes et des points stratégiques militaires en Mauritanie. Mais également, des Mauritaniens sont enrôlés dans les différents groupes extrémistes essentiellement dans le Mujao. Et nous savons que les camps de Tindouf constituent également un refuge pour les combattants d'AQMI, mais aussi pour des bandits, des criminels et des trafiquants de tous genres.
Cet espace est en train de développer plusieurs risques et menaces pour tous les pays de la région.
Dans les jours et les semaines à venir, le risque de voir des actions d'ordre terroriste n'est malheureusement pas à écarter ! Dans une moindre mesure pour le Maroc, certes, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut être vigilant !
C'est pourquoi il est aujourd'hui urgent de trouver un cadre de coopération régionale efficace, puisque nous sommes tous face à une menace collective à laquelle il faut apporter une réponse commune avec un engagement collectif face à cette situation d'insécurité, d'instabilité et de vulnérabilité dans la région.
La région du Sahel, par conséquent l'Afrique, entre dans une phase caractérisée par l'insécurité et l'instabilité et qui va, malheureusement, durer dans le temps, ce qui nécessite une grande adaptation des forces de sécurité pour faire face à ce fléau !
Et avec cette intervention française, nous sommes dans une situation qui malheureusement favorise la radicalisation et le recrutement des jeunes par des groupes djihadistes et extrémistes ! Il faut donc expliquer la finalité de cette guerre et pourquoi elle est menée. Il faut également que les populations puissent comprendre la véritable menace qui pèse sur eux pour ne pas laisser le champ libre aux extrémistes de diffuser cette désinformation qui veut que cette guerre soit contre l'Islam.
Cette guerre est en réalité une guerre des Etats pour trouver la paix et la stabilité et pour défendre l'intégrité de leur territoire. Mais il faut surtout apporter des réponses économiques, sociales et politiques aux besoins urgents des populations dans cette région.
Après les bouleversements dans l'Afrique du Nord, il est nécessaire de s'inscrire dans l'avenir et œuvrer dans le sens d'une intégration régionale en développant des stratégies nouvelles pour répondre à ce contexte nouveau.
Propos recueillis par I. Bouhrara


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